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Numérique : “On n’est pas là pour légiférer contre quiconque mais pour nos concitoyens européens”

Régulation des géants du web, 5G, plan de relance… lors d’un échange avec des journalistes français le 29 septembre, le commissaire européen au Marché intérieur Thierry Breton a précisé la teneur de ses prochaines réformes du numérique.

Thierry Breton, commissaire européen responsable du Marché intérieur
Thierry Breton, commissaire européen responsable du Marché intérieur. Crédits : Union européenne 2020.

Après avoir manqué la première révolution du web, l’Europe cherche sa place dans un monde numérique aujourd’hui dominé par les grands acteurs américains et chinois. Si concurrencer ces mastodontes - Google, Amazon, Baidu et autres “Gafam”/“BATX” - semble désormais hors de portée, l’Union européenne explore d’autres voies pour peser dans le secteur. Et atteindre, là aussi, cette “autonomie stratégique” prônée par les responsables européens.

A la suite du projet de marché unique du numérique et de la protection des données personnelles, initiés par la précédente équipe, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a annoncé une “décennie numérique” européenne. Un vaste chantier, qui doit débuter par la “régulation de notre espace informationnel”, résume le commissaire français au Marché intérieur Thierry Breton, responsable du dossier aux côtés de la vice-présidente Margrethe Vestager.

Réguler les plateformes

Attendu d’ici la fin de l’année, le projet de législation sur les services numériques (“Digital Services Act”) prévoit ainsi de renforcer l’encadrement des grandes plateformes du web, acteurs qualifiés de “systémiques” par le commissaire. Déjà constatée de longue date, notre “extrême dépendance” à leur égard a été amplifiée par la pandémie de coronavirus, avec le développement du télétravail ou de l’éducation en ligne par exemple. Une force de frappe qui a propulsé certains d’entre eux au rang de “gatekeepers” (“gardes-barrières”), devenus indispensables “pour distribuer un certain nombre de produits ou de services” dans l’Union, analyse Thierry Breton. Soulignant, “sans jeter la pierre à quiconque”, que cet espace informationnel est toujours régi par la directive e-commerce adoptée en 2000, l’ex-PDG de la société de services numériques Atos veut “faire évoluer notre régulation par rapport à cette situation de fait, et non pas l’inverse”.

Parmi les mesures prévues figure en bonne place le renforcement de la responsabilité des plateformes vis-à-vis des contenus illicites sur internet. “Si une banque constate des mouvements de fonds suspects, elle a l’obligation de les dénoncer à qui de droit. Pour les grandes plateformes systémiques, ce sera la même chose, avec une structure en interne chargée d’opérer ces contrôles”, prévient le commissaire. Et plutôt qu’une nouvelle agence commune, 27 entités nationales - comme le CSA en France - seraient chargées de superviser ce fonctionnement, en coordonnant notamment leurs efforts au niveau européen. En cas de manquement, des mesures spécifiques à ces acteurs, “peu sensibles aux sanctions financières compte tenu de leur taille”, iraient “de l’interdiction d’accès au marché intérieur jusqu’au démantèlement” de services sur le territoire européen. “On n’est pas là pour faire une législation contre quiconque mais pour nos concitoyens européens”, prévient toutefois le commissaire. En espérant que celle-ci ait un impact “pour les 20 prochaines années”.

“Souveraineté numérique”

Autre dossier brûlant, le déploiement de la 5G. Si les conséquences de cette nouvelle technologie sur la santé et l’environnement suscitent des interrogations - comme actuellement en France -, aucune étude n’a à ce jour démontré sa nocivité sur le corps humain. Quant à son bilan énergétique, il fait encore l’objet de débats. Tout en reconnaissant la légitimité de ces questions, Thierry Breton a souhaité insister sur les atouts de cette technologie pour les usages industriels, plus que particuliers. Des transports connectés à la chirurgie de pointe, autant d’ “innovations attendues qui ne pourront être déployées qu’avec la 5G”, en raison de son très faible temps de latence qui lui permet une grande réactivité. Le commissaire s’est également montré attentif aux questions de cybersécurité, en proposant de contraindre les opérateurs de télécommunications à mettre en place les équipements nécessaires pour faire face aux menaces et à choisir leurs fournisseurs en conseil d’administration.

La Commission souhaite par ailleurs que 20 % des 750 milliards d’euros du plan de relance européen soient consacrés au numérique. Si “tous les États membres ont des projets” en ce sens, Bruxelles met l’accent sur la “souveraineté numérique” de l’Europe, afin de “mieux maîtriser notre destin” en dépendant moins de facteurs extérieurs. Maîtrise des données donc, avec des clouds sécurisés sur le territoire européen, mais aussi maîtrise des composants nécessaires au développement des composants informatiques (lithium, cobalt…), à travers la diversification des fournisseurs par exemple. Les deux autres piliers concerneraient la connectivité pour tous, grâce à de nouveaux satellites européens déployés en orbite basse, ainsi que la sécurité des communications, grâce aux technologies quantiques soutenues par l’UE.

La cybersécurité est d’ailleurs au coeur d’un autre projet, la refonte de la directive “NIS” . Tandis que le “Data governance act” proposera, probablement début 2021, de mieux gérer et organiser les données publiques à travers “l’émergence d’une nouvelle infrastructure”. “Beaucoup de choses” donc, reconnaît Thierry Breton. Mais une décennie numérique, ça se mérite.

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