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Pervenche Berès : “Je pense que l’équilibre institutionnel repris par ce traité correspond à ce dont l’Europe a besoin”

Députée européenne (PSE), Pervenche Berès est présidente de la Commission des Affaires économiques et monétaires du Parlement européen. Elle nous fait part de ses réactions au lendemain de l’adoption du Traité modificatif, et présente son analyse des grands débats de l’actualité économique européenne.

Les chefs d’Etat ou de gouvernement ont adopté cette nuit le nouveau Traité modificatif. Que pensez-vous de ce texte ?

Je crois qu’il met fin à une longue période d’interrogation sur le fonctionnement des institutions de l’Union européenne, qui correspond à une sorte de lassitude des chefs d’Etat et de gouvernement quant à leur capacité à traiter de ces questions.

Fondamentalement, je crois que la grande Europe avait besoin d’institutions adaptées et je pense que l’équilibre institutionnel repris par ce traité correspond à ce dont l’Europe a besoin, avec cet avantage de ne pas confondre ce qui relève du fonctionnement des institutions et de ce qui relève des politiques comme le faisait la Constitution.

L’obstacle le plus important reste encore à surmonter : la ratification dans l’ensemble des 27 Etats membres avant juin 2009. Vous avez appelé à voter ‘non’ lors du référendum. Comment accueillez-vous la décision du Président de la République de faire ratifier ce texte par le Parlement ?

S’il veut être certain que ce texte soit adopté, je comprends qu’il préfère cette procédure. Mais en terme de démocratie, je suis assez embêtée. Je crois que les Français s’étaient prononcés sur le texte initial et encore une fois, en terme de fonctionnement de la démocratie, il aurait été normal de les consulter à nouveau.

Ce n’est pas parce que les Français n’avaient pas voté comme le Chef de l’Etat, à l’époque, s’y attendait, qu’il faut leur refuser le droit à la parole. Si vraiment les Français ont obtenu entre temps de quoi répondre à leurs aspirations, alors il faut leur faire confiance et leur reposer la question.

En quoi consiste votre rôle de présidente de la commission des Affaires économiques et monétaires ?

La commission des Affaires économiques et monétaires s’occupe de cinq champs de compétences de l’Union européenne.

Les questions macro-économiques tout d’abord. C’est un domaine dans lequel nous n’avons pas de pouvoir législatif à proprement parler mais dans lequel nous animons le débat pour qu’existe, à l’échelle européenne, un espace public sur ce que doivent être les grands arbitrages des politiques économiques.

Nous sommes également la commission compétente pour dialoguer avec la Banque centrale européenne (BCE), et en particulier avec son président, que nous rencontrons en audition publique au sein de la commission quatre fois par an. C’est l’équivalent des auditions du président de la FED devant le Congrès. Ce moment est important dans la mesure où le président de la BCE rend compte des activités devant la représentation parlementaire.

Le troisième champ d’activité concerne tout ce qui relève de la politique de la concurrence. Nous n’avons pas vocation à intervenir au cas par cas mais le cadre législatif et réglementaire dans lequel la commission prend ses décisions est débattu et arbitré au sein de notre commission.

Le quatrième champ est celui de la fiscalité. Ce n’est pas toujours celui qui nous occupe le plus compte tenu de la faible production de la commission dans ce domaine, mais nous allons tout de même avoir un débat important sur les taux réduits de TVA… Je serai le rapporteur sur une assise commune pour l’impôt sur les sociétés.

Le dernier dossier est celui qui, en terme législatif, nous occupe le plus en terme de production de textes. Il s’agit du domaine de la réglementation des marchés financiers, qu’il s’agisse des banques, des assurances ou des valeurs mobilières. Dans ce domaine, l’Europe est à mi-chemin dans la construction d’un véritable marché intérieur. C’est donc une source de législation très importante.

Quelle est la position du Parlement européen dans les discussions qui opposent certains Etats membres à la BCE sur la valeur extérieure de l’euro ?

Je crois que les choses bougent au Parlement européen. A la veille de la dernière rencontre que nous avons eue avec Jean-Claude Trichet le mois dernier, il y a eu un communiqué de presse du groupe socialiste s’inquiétant de la valeur extérieure de l’euro.

Tous les groupes politiques ne partagent pas le même avis, mais je crois que tous partagent l’idée qu’il ne sert à rien que les ministres de l’Economie et des finances critiquent la valeur de l’euro dans les médias et ne font pas en sorte d’en discuter sérieusement avec leurs collègues au sein de l’Eurogroupe ou l’Ecofin. C’est en développant un discours commun qu’ils peuvent prétendre engager un dialogue sur la juste valeur de l’euro avec la Banque centrale.

Je note que lors du dernier Eurogroupe, pour la première fois, une telle discussion s’est amorcée et qu’elle a débouché sur un plus petit commun dénominateur qui était, non pas de viser le cours du yen ou du dollar, mais de soutenir les demandes des américains vis-à-vis de la monnaie chinoise.

Quels sont les grands dossiers économiques qui font aujourd’hui débat au Parlement européen ?

La question de la valeur de l’euro est évidemment une question importante.

Après les turbulences de cet été, la question de la stabilité des marchés financiers est au cœur de beaucoup de nos discussions. Elles consistent notamment à savoir comment nos marchés financiers sont surveillés, comment les risques qui sont pris dans le secteur bancaire sont évalués par les gendarmes des marchés et quelle est la structure dont l’Union européenne doit se doter pour être à même d’évaluer ces risques et de les minimiser. Nous savons tous que le fonctionnement et la santé des marchés financiers a, au bout du compte, un impact sur l’économie réelle. Nous avons donc intérêt à ce qu’une certaine stabilité des marchés financiers existe.

Les dossiers législatifs phares sont nombreux. Il y a tout d’abord celui des assurances, puisque nous allons être saisis d’une initiative de la Commission pour doter les compagnies d’assurances au sein de l’Union européenne de nouvelles conditions de calcul de leurs prises de risques et de leur solvabilité.

Nous évoquons aussi la question qui consiste à savoir si nous voulons une réglementation pour les fonds alternatifs (“Hedge funds”).

Autre question importante, celle des normes comptables, c’est-à-dire savoir quelles sont les normes utilisées par les entreprises. L’Union européenne, n’étant pas en situation de se doter de ses propres normes comptables ‚a fait le choix de normes internationales avec l’idée que dans un monde globalisé, les entreprises devaient appliquer les mêmes normes comptables. Aujourd’hui, l’Europe applique ces normes et la question est de savoir comment ces normes sont appliquées par les autres parties du monde et en particulier par les américains. C’est un point très important dans le débat transatlantique sur lequel nous nous penchons très sérieusement.

Enfin, dans le domaine fiscal, l’idée consiste à mettre en place une base commune pour l’impôt sur les sociétés. Il ne s’agit pas tant d’harmoniser le taux mais de faire en sorte que lorsque nous parlons des impôts sur les sociétés dans les différentes économies de l’Union européenne, on puisse comparer et savoir de quoi on parle, c’est-à-dire partir de la même base.

Il y a aujourd’hui de nombreux débats sur les différences de taux d’impôts sur les sociétés mais il est très difficile de comparer si l’on ne parle pas de la même chose.

Propos recueillis le 19/10/2007

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