Contexte
Les ministres et hauts fonctionnaires des 153 membres de l’Organisation Mondiale du Commerce se sont réunis du 21 au 29 juillet à Genève pour la réunion informelle du Comité des négociations commerciales.
Ces neufs jours devaient boucler les négociations dites du Cycle de Doha, du nom de la capitale du Qatar où elles avaient été lancées en 2001. Elles n’ont abouti qu’à un quatrième échec.
Pascal Lamy, Directeur général de l’OMC, évaluait à 50 % les chances de réussite du sommet. Mais alors qu’un accord semblait à portée de main, les négociations se sont enlisées, achoppant une fois de plus sur le traditionnel bras de fer entre les pays riches et les pays pauvres auquel se sont ajoutées des divisions au sein des camps.
Le Cycle de Doha
Le cycle de négociations commerciales multilatérales de Doha vise à ouvrir et à rééquilibrer les échanges commerciaux afin de stimuler l’économie mondiale. Initiée en 2001, elles ont pris du retard dès septembre 2003, notamment à la suite de l’échec de la Conférence de Cancun.
- Agriculture, produits industriels, services, accès aux droits de propriété intellectuelle ;
- Commerce et investissement, commerce et concurrence, transparence des marchés publics, facilitation des échanges ;
- Prise en compte de la situation spécifique des PED : les modalités du traitement spécial et différencié ;
- Commerce et environnement, etc.
En juillet 2006, les négociations ont même été suspendues en raison des difficultés persistantes pour rapprocher les points de vue.
L’Union européenne et d’autres pays développés (comme la Suisse et le Japon) souhaitent maintenir un certain niveau de protection tarifaire pour leurs productions agricoles, tandis que les Etats-Unis sont réticents à diminuer significativement le montant des subventions dont bénéficient leurs agriculteurs.
Lors de la réunion de Davos, en janvier 2007, les ministres du Commerce d’une trentaine d’Etats membres de l’OMC ont affirmé leur volonté de voir aboutir le cycle de négociations. Les pourparlers ont donc été relancés début février 2007 sur l’ensemble des sujets du Programme de Doha.
La réunion de Genève avait pour objectif d’établir les “modalités” pour l’agriculture et les produits industriels. Il s’agissait essentiellement de l’abaissement des droits de douane visant les produits agricoles et non agricoles et la réduction des subventions à l’agriculture.
L’Inde et les Etats-Unis s’opposent, l’Union se divise
Chaque partie semblait pourtant prête à faire des concessions. L’Union européenne proposait, “à condition que d’autres fassent des offres proportionnées” , une réforme de ses aides à l’agriculture et de ses droits de douane agricoles plus importante que ses propositions précédentes. Les Etats-Unis avaient également proposé une baisse de leurs subventions aux agriculteurs, condition essentielle pour les Européens qui considèrent que ces subventions faussent la concurrence. Mais très vite les discussions se sont enlisées.
Parallèlement aux premières avancées sur l’agriculture, d’autres dossiers, comme l’ouverture des frontières des pays en développement aux produits industriels ont ravivé les divisions. L’Inde et les Etats-Unis se sont opposés sur la question de la clause de sauvegarde. Ce système doit permettre de protéger les marchés locaux et de relever les droits de douanes en cas de flambée des importations. La question était de savoir à partir de quel flux supplémentaire d’importation ce mécanisme doit s’enclencher. La proposition de Pascal Lamy de fixer le déclenchement de ce mécanisme à 40 % a suscité l’opposition de l’Inde qui voulait abaisser ce niveau à 10 % de flux supplémentaire. Une revendication à l’opposé des souhaits américains. Des petits pays comme l’Uruguay et le Paraguay s’en sont également pris à l’Inde, l’accusant de vouloir protéger son marché alors que les marchés émergents sont les principaux débouchés pour leurs exportations agricoles.
L’Europe, elle-même, s’est divisée entre les “pros” et les “anti” Peter Mandelson, le commissaire européen chargé du Commerce. Alors que la Commission européenne négocie au nom des 27, neuf pays de l’Union européenne se sont réunis lundi 28 juillet pour établir une position commune et marquer leur opposition aux propositions de Pascal Lamy. Bien que présidant le Conseil de l’Union européenne, la France n’a pas hésité à se joindre à l’Irlande, au Portugal, à la Grèce, à Chypre, à la Pologne, à la Lituanie, à l’Italie et à la Hongrie pour établir cette position commune.
Perspectives
Cette réunion de Genève était, en quelque sorte, celle de la dernière chance pour Pascal Lamy dont le mandat s’achève le 31 août 2009. Il paraît relativement improbable que les 153 pays atteignent un accord dans un avenir proche. Les Etats-Unis ont indiqué souhaiter un succès du cycle de Doha, ce qui impliquerait une reprise des négociations. Mais cet énième échec après plus de six ans de tractations porte un coup dur au multilatéralisme, et ouvre la porte à la conclusion d’accord bilatéraux, qui risquent d’être très inégalitaires.
En savoir plus
L’OMC et les négociations commerciales - Site gouvernemental du commerce extérieur
Le “paquet de Juillet 2008” - Cycle de Doha - Site de l’OMC
Le cycle de Doha de l’OMC - réunion ministérielle de Juillet 2008 - DG Commerce extérieur de la Commission européenne