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Catherine Lalumière : “La suspension totale des négociations serait disproportionnée et dangereuse”

Catherine Lalumière, ancienne secrétaire d’État française aux Affaires européennes (1984-1986), député européenne à partir de 1994 et vice-Présidente du Parlement européen de 2001 à 2004, répond aux questions de Touteleurope.fr concernant les négociations d’adhésion de la Turquie à l’UE et le dossier chypriote. 

Le 29 novembre 2006, la Commission européenne a recommandé aux 25 de geler partiellement les négociations d’adhésion de la Turquie à l’UE. Qu’en pensez-vous ? Quelle serait selon vous la solution la plus appropriée : le gel total des négociations, le gel partiel…?

Un gel partiel des négociations, ayant pour effet de ralentir le processus pour inciter la Turquie à respecter sa signature de l’Accord d’union douanière (c’est la cause des tensions actuelles sur Chypre), me semble normal.

Par contre, la suspension totale des négociations serait disproportionnée et dangereuse. C’est d’ailleurs la position exprimée par la Finlande, actuellement présidente de l’Union, et je l’approuve.

Que pensez-vous du récent assouplissement des positions française et allemande vis-à-vis de la Turquie, les deux pays ayant renoncé à l’idée d’une “clause de rendez-vous” ?

Je pense que “l’assouplissement” des positions française et allemande vis-à-vis de la Turquie est réaliste. En effet, la technique de l’ultimatum n’est pas obligatoirement la meilleure, même s’il est nécessaire d’être très ferme lorsque sont en cause des principes particulièrement importants.

Si la Turquie ne devait finalement pas adhérer à l’UE, croyez-vous en la possibilité d’un partenariat privilégié avec l’Union et Ankara ? Le pays ne risque-t-il pas de tourner le dos à l’Europe ?

Intellectuellement, on peut parfaitement préférer un partenariat privilégié plutôt qu’une adhésion. Mais, politiquement, les choses sont moins simples. N’oublions pas que, depuis des années, les Européens ont constamment parlé d’adhésion pour la Turquie. Difficile de changer de position, surtout si on le fait de manière unilatérale.

Selon les derniers sondages publiés, la population turque semble de plus en plus “eurosceptique” . Craignez-vous un rejet de l’UE de la part des Turcs ?

Ce rejet n’est pas du tout exclu. Il y a en Turquie des mouvements nationalistes très attachés à la souveraineté pleine et entière de leur pays. Mais, sincèrement, s’il en était ainsi, je ne crois pas que ce serait une bonne nouvelle pour l’Europe, pour la stabilité de la région et pour notre sécurité.

Qu’est-ce que la Turquie peut à vos yeux apporter à l’UE ? En retour, quels bénéfices peut-elle tirer d’une adhésion à l’Union ?

Certes, l’adhésion de la Turquie n’est pas facile. En toute hypothèse, elle demande du temps, beaucoup d’efforts de part et d’autre. Mais, si les conditions peuvent être remplies, cette adhésion peut nous offrir des perspectives intéressantes notamment dans nos relations extérieures avec le reste du monde : poids démographique et économique accrus, un apport positif dans nos relations avec le monde islamique, un atout pour la stabilité de l’Europe du Sud-Est et du Proche-Orient, et pour notre sécurité, etc…

Quant aux bénéfices pour la Turquie elle-même, laissons les Turcs y répondre. Ils l’ont d’ailleurs fait à plusieurs reprises depuis le grand choix pro-occidental de Kemal Ataturk.

Comment interprétez-vous la décision turque d’ouvrir un port et un aéroport aux chypriotes grecs ? S’agit-il selon vous d’un véritable geste de conciliation en dépit des conditions posées par Ankara ?

Cette décision prise par Ankara me paraît de bon augure. Elle montre qu’il faut laisser du temps au temps et continuer ce mélange de discussions sereines et de pressions qui permettent progressivement de résoudre un problème.

Propos recueillis le 08/12/06

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