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Pour les migrants, “le sport est un tremplin vers d’autres formes d’intégration”

La problématique d’accueil des migrants a pris une nouvelle dimension en Europe au cours des deux dernières années, dans un contexte de croissance sans précédent des flux migratoires. Les autorités nationales et européennes se sont tout d’abord penchées, non sans difficulté, sur le problème de la répartition de ces populations migrantes au sein des différents États Membres de l’Union européenne. Mais au-delà de ces problématiques se pose la question de leur intégration au sein des pays d’accueil.

Equipe de football intégrant des migrants
Equipe de football intégrant des migrants - Crédits : FSGT Comité de Paris

Les difficultés rencontrées par les nouveaux arrivants sont nombreuses, à commencer par la barrière de la langue. Le sport, “langage universel” et terrain propice à la création du lien social, apparaît alors souvent comme un instrument à mobiliser pour favoriser l’intégration des populations migrantes.

Différentes initiatives d’intégration par le sport avaient déjà été lancées en Europe depuis le début des années 2000, et ces dernières se sont considérablement multipliées depuis 2015 avec l’arrivée massive de populations fuyant les conflits qui ravagent le Moyen-Orient. Il s’agit à la fois de projets à l’échelle européenne, coordonnés par la Commission européenne (qui affiche son objectif de “favoriser l’intégration”) mais également d’initiatives plus locales menées de manière spontanée par des clubs sportifs et des associations agissant dans le domaine social.



Sport et Citoyenneté est un think tant européen dont l’objet social est l’analyse des politiques sportives et l’étude de l’impact sociétal du sport.

En effet, si la pratique sportive permet aux migrants de faire usage de la langue du pays d’accueil, de tisser des liens et de s’inscrire dans un groupe, l’investissement dans une association sportive peut également leur permettre d’acquérir de nouvelles compétences, de mieux appréhender les codes et usages locaux et de développer un réseau de connaissances qui peut s’avérer précieux. C’est en cela que le sport apparaît comme un véritable tremplin vers d’autres formes d’intégration.

Des défis nombreux

La sous-représentation des populations issues de l’immigration dans le sport est aujourd’hui une réalité guère contestée. C’est une problématique sur laquelle la Commission européenne s’est mobilisée dès 2011, à travers son soutien au projet “SPIN - Involving migrants in mainstream sports institutions”.

Pour autant, le principal défi auquel sont confrontés les porteurs de projets d’intégration par le sport à destination des migrants est de mettre en œuvre un dispositif adapté au public visé. En effet, le terme “migration” recouvre des réalités très contrastées et englobe des publics qui n’ont pas tous les mêmes besoins. Le manque de connaissance et d’expérience sur la gestion de ces différents publics et de leurs besoins est également une problématique qu’ont rencontrée bon nombre d’associations sportives à l’initiative de programme d’intégration. C’est dans le but de pallier ces insuffisances que le programme “Sport welcomes refugees” mené par le réseau European Sport Inclusion Network (ESPIN) a été lancé. L’objectif est de recenser les besoins des éducateurs sportifs, d’identifier les bonnes pratiques et de proposer des formations adaptées pour les éducateurs.

Au-delà de la pratique, c’est aussi à travers l’activité bénévole et la participation à la gestion des clubs que le sport peut apparaître comme un levier d’intégration des populations issues de l’immigration. Vecteur de reconnaissance sociale et propice à l’acquisition de compétences professionnelles ainsi qu’à l’accès à certaines ressources, le bénévolat procure des avantages et des opportunités d’autant plus bénéfiques aux migrants qu’ils ont souvent fait l’expérience de l’exclusion sociale et de la discrimination. Consciente de cet enjeu et des bienfaits du bénévolat sportif, la Commission européenne a d’ailleurs lancé en 2015 un programme afin de favoriser l’intégration des migrants dans les instances sportives.

Des initiatives locales

Si des initiatives ont été lancées dans la plupart des États Membres, l’Allemagne, premier pays d’accueil en Europe, semble être le pays le plus dynamique en termes de programmes sportifs d’intégration des populations migrantes. On y recense à la fois des projets portés à l’échelle fédérale et des initiatives régionales.

Dès 2001, la Confédération olympique et sportive allemande (DOSB) a mis en place le programme “Integration through sport” , financé par le ministère de l’Intérieur allemand et le Bureau fédéral de l’immigration et des réfugiés. Il s’agit d’aider financièrement les clubs dans l’intégration de personnes issues de l’immigration, mais également de sensibiliser les instances sportives à l’opportunité que représente l’interculturalité dans le sport. Des recommandations sur les dispositifs et stratégies à mettre en place pour accueillir ce public sont données.

En parallèle de cette initiative, le ministère fédéral de l’Immigration et des Réfugiés s’est associé à la Fédération allemande de football (DFB) dans la création d’une brochure informative. Elle délivre des conseils à la fois aux clubs et aux réfugiés afin de faciliter leur entrée au sein des associations sportives.

A l’initiative du Think tank Sport et Citoyenneté et d’Alliance Europa, une journée de rencontres et d’échanges sur le rôle du sport dans l’accueil et l’intégration des migrants et réfugiés est organisée le vendredi 6 octobre prochain à Nantes. L’occasion d’échanger entre porteurs de projets, d’identifier les facteurs-clés de réussite et les freins rencontrés par les acteurs de terrain.

Accès libre. Sur inscription uniquement

Des projets ont également vu le jour à l’échelle régionale. C’est le cas par exemple dans l’État de Hesse, où la commission jeunesse de la Fédération sportive de Hesse a lancé le programme “Sport et réfugiés” , une initiative soutenue par le ministère hessois de l’Intérieur et du Sport. Ce projet se veut être un soutien aux villes et villages dans leurs démarches d’ouverture des clubs de sport aux réfugiés. Il s’agit avant tout d’une aide financière destinée à rémunérer les entraîneurs sportifs déployés à l’échelle locale pour mobiliser et encadrer les réfugiés. “Sport et réfugiés” s’inscrit donc dans une logique de décentralisation des fonds vers les pouvoirs publics de proximité qui interagissent avec le public visé. Les acteurs locaux privés comme publics sont les principaux coordinateurs des programmes d’intégration tandis que le ministère régional assure le financement.

Autre exemple, au Portugal, l’intégration des migrants à travers le sport fait partie du projet gouvernemental “Programa Escolhas”, une politique publique à destination des jeunes menacés par l’exclusion sociale. Ce n’est donc pas un programme exclusivement destiné aux migrants mais ces derniers, en tant que public particulièrement exposé à l’exclusion, représentent une cible prioritaire. Le projet est coordonné par la haute commission à l’Immigration et a pour objectif de favoriser la participation de ces jeunes à la vie locale à travers les clubs de sport notamment.

Outres ces quelques grandes initiatives soutenues par les autorités nationales des États membres, de nombreux projets d’intégration par le sport ont émergé dans les territoires sous l’impulsion de clubs sportifs et en collaboration avec des associations d’accueil des migrants. Le football club de Kraainem en Belgique par exemple, intègre chaque semaine une vingtaine de jeunes réfugiés à ses séances d’entrainement. La fourniture d’équipement de football et la dispense de cours de français et de néerlandais font également partie du projet. Le club a établi un partenariat avec FEDASIL (Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile) afin de faire la liaison avec les jeunes bénéficiaires du programme.

Le sport s’avère ainsi être un excellent outil pour favoriser l’inclusion sociale et l’échange. En cela, il est nécessaire et judicieux de l’utiliser dans les politiques d’accueil des migrants. Néanmoins, la réussite de ce genre de projets est conditionnée par la coopération des différentes parties prenantes et l’existence de ressources financières. Des moyens matériels et des conseils doivent être donnés aux bénévoles et aux professionnels des associations sportives engagés dans ces projets d’intégration.

Une gouvernance multi-niveau et la décentralisation des fonds vers les municipalités et les associations semblent être le système le plus efficient. Les autorités gouvernementales et les collectivités locales sont fortement mobilisées par la gestion de l’urgence et la question de l’hébergement des nouveaux arrivants. Ce sont donc les acteurs associatifs et municipaux, au contact quotidien des réfugiés, qui semblent les plus à mêmes de développer des projets d’intégration par le sport. Il est essentiel que l’UE, les États et les instances sportives favorisent et soutiennent financièrement ces démarches d’intégration coordonnées localement.

Par Sylvain Landa, directeur adjoint du think tank Sport et Citoyenneté

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