En matière de vaccins, l’Union européenne peut se targuer d’avoir relevé un vrai défi depuis le lancement de la vaccination fin décembre 2020. Ralentie par des retards de livraisons, des pénuries et des litiges juridiques avec les laboratoires lors du premier trimestre 2021, les campagnes ont ensuite largement décollé. Avec 72,6 % de la population adulte entièrement vaccinée au 24 septembre, l’Union européenne est même l’une des régions du monde les mieux protégées contre le coronavirus. Et accessoirement la première productrice de doses sur la planète.
Face aux variants, la nécessité de nouveaux traitements
Ce premier constat posé, l’exécutif européen se lance désormais dans une deuxième phase de sa stratégie de lutte contre la pandémie, bien résumée par la commissaire européenne à la Santé Stella Kyriakides : “Nous devons poursuivre nos efforts pour prévenir la maladie grâce aux vaccins tout en faisant en sorte de pouvoir la traiter par des médicaments”. En effet, avec le développement de variants plus résistants au vaccin, même les personnes ayant subi une ou deux injections peuvent contracter la maladie, bien qu’elle se déclare généralement sous des formes moins graves.
Ces “efforts” dont parle Stella Kyriakides se sont concrétisés le 6 mai 2021, date à laquelle l’exécutif européen a dévoilé une nouvelle stratégie européenne en matière de traitements contre le Covid-19. Cette dernière repose sur des contrats-cadres de passation conjointe de marché avec des entreprises pharmaceutiques, un dispositif juridique mobilisable en cas de menace sanitaire transfrontalière. La Commission se charge d’engager des procédures d’achat au niveau européen pour les Etats membres qui le souhaitent. Comme il l’a déjà fait avec les vaccins, l’exécutif européen fait en parallèle le pari du panachage, c’est-à-dire qu’il préfère sélectionner un panel large de laboratoires et donc de potentiels médicaments.
Un dispositif différent de celui mobilisé pour les vaccins
Dans le cadre de la stratégie vaccinale, la Commission européenne avait signé des contrats d’achat anticipé avec les laboratoires. Un dispositif juridique créé pour l’occasion, qui permettait à l’exécutif d’investir de l’argent pour financer les recherches des laboratoires qui n’avaient pas encore abouti. Ici, les contrats-cadres de passation de marché conjointe relèvent d’un autre dispositif juridique, créé en cas de menace sanitaire transfrontalière grave. Avec une différence notable : contrairement au contrat d’achat anticipé, l’argent ne peut être engagé que pour des produits déjà sur le marché où à un stade de développement très avancé.
Premier contrat signé
Résultat, la stratégie européenne publiée début mai 2021 ambitionne d’identifier 10 traitements potentiels contre le Covid-19. Cinq d’entre eux ont déjà été identifiés, dont quatre doivent encore faire l’objet d’un processus de validation en pharmacovigilance. L’Agence européenne des médicaments se charge de ce processus, qu’elle suit “en continu”, une procédure accélérée qui lui permet de recevoir les informations sur les traitements à mesure que les laboratoires les collectent. Le dernier traitement identifié a pour sa part déjà été autorisé à la circulation sur le marché pour d’autres usages.
L’objectif de la Commission européenne consiste à approuver trois traitements au moins d’ici à la fin du mois d’octobre 2021. Le 21 septembre, Bruxelles a déjà signé un contrat avec le groupe pharmaceutique américain Eli Lilly pour un stock de 220 000 traitements. Le produit développé par l’entreprise américaine est une combinaison de deux anticorps monoclonaux (le bamlanivimab et l’étesevimab) destinée au traitement des patients atteints du coronavirus qui ne nécessitent pas de mise sous oxygène mais présentent un risque élevé de développer une forme sévère de la maladie.
Comment fonctionne le traitement sélectionné par la Commission ?
Les anticorps monoclonaux sont des protéines synthétisées en laboratoire qui imitent la réponse déclenchée par le système immunitaire pour combattre le coronavirus. A la manière des vaccins à ARN messager, ils stimulent la production de la protéine spike, qui permet à l’organisme de lutter contre le virus.
Cette stratégie pour de nouveaux traitements contre le Covid-19 fait suite à un échec européen en la matière. Au printemps 2020, la Commission européenne a en effet engagé des discussions avec le laboratoire Gilead au sujet d’un de ses médicaments : le remdesivir. Alors qu’il faisait l’objet de nombreuses études quant à son efficacité et sa sûreté, dont les résultats n’étaient pas encore connus pour certaines, l’exécutif européen a quand même signé un contrat-cadre de passation conjointe de marché avec Gilead le 8 octobre pour 640 000 doses, soit un montant légèrement supérieur à un milliard d’euros. Une semaine plus tard, l’OMS publie les résultats d’une étude “randomisée” déconseillant l’utilisation du remdesivir. Une conclusion reprise un mois plus tard dans une recommandation rappelant que “les éléments de preuve ne laissent entrevoir aucun effet significatif sur la mortalité, le recours à la ventilation mécanique, l’accélération de l’amélioration de l’état clinique et d’autres résultats sanitaires importants du côté du patient”.