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Julia Lieb : “les contours du SEAE sont encore très flous”

Julia Lieb, M.E.S., est membre du Groupe de Recherche “Intégration Européenne”, à l’Institut Allemand des Affaires Internationales et de Sécurité (Stiftung Wissenschaft und Politik - SWP). Pour Touteleurope.fr, elle revient sur le projet de décision validé par le Conseil Affaires étrangères le 26 avril 2010 et qui devrait, s’il est finalement adopté, définir la composition et le fonctionnement du Service européen pour l’action extérieure.

Touteleurope.fr : L’accord du Conseil Affaires étrangères du 26 avril dernier constitue-t-il le texte fondateur du Service Européen pour l’Action Extérieure (SEAE) ?

Julia Lieb : Le 26 Avril, le Conseil de l’UE est parvenu à un accord politique sur une “proposition de décision” sur l’organisation et le fonctionnement du SEAE. Le Parlement Européen doit être consulté sur cette décision avant qu’elle puisse être adoptée.

Au-delà de cette décision, d’autres mesures doivent être mises en œuvre préalablement à la création du Service : il faut adapter le statut du personnel aussi bien que le règlement financier de l’Union et préparer un budget pour le Service.

Ces dernières mesures sont prises en procédure de codécision ce qui attribue un rôle important au Parlement. Les discussions récentes de la Haute Représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Catherine Ashton, avec le Parlement ont souligné les points de désaccord entre les institutions de l’UE. C’est pourquoi les incertitudes demeurent quand à la date de mise en fonctionnement de ce service, de même que sur la forme qu’il prendra.

Touteleurope.fr : Quelles sont les questions qui persistent ?

Julia Lieb : Tout d’abord, le Parlement européen demande un certain contrôle du SEAE - surtout pour les affaires budgétaires. Il souhaite également s’assurer que le transfert de compétences politiques au niveau européen des dernières décennies ne soit pas atténué avec l’établissement du Service.

C’est pourquoi le Parlement se prononce en faveur d’un arrangement institutionnel qui situe le SEAE auprès de la Commission. Cependant, le Conseil a trouvé un consensus qui “situe” le Service entre la Commission et le Conseil. Ces positions doivent être alignées et elles impliquent de multiples questions politiques et organisationnelles complexes.

Il me semble qu’actuellement les acteurs européens cherchent toujours à se mettre d’accord sur les grandes lignes du SEAE. En même temps, les questions du fonctionnement quotidien du Service restent ouvertes : Comment peut-on garantir le flux d’informations et des instructions nettes au SEAE ? Quelles sont les éléments centraux pour la création d’un esprit de corps diplomatique européen ? Comment évaluer et développer le Service graduellement dans les années qui viennent pour qu’il puisse devenir un succès ?

Touteleurope.fr : Le traité de Lisbonne, ne prévoit-il pas les détails de ce service ?

Julia Lieb : Il faut souligner que le Traité de Lisbonne représente une occasion mais aucunement une garantie pour une action extérieure de l’UE plus cohérente.

A cause des différences d’idées entre les Etats membres sur la future représentation européenne vis-à-vis des pays tiers et dans les organisations internationales, les dispositions du Traité sur le SEAE demeurent vagues.

Les membres de la Convention Européenne, qui ont élaboré les quelques détails sur le Service, n’ont pu se mettre d’accord que sur le principe de “double casquette” : le Service sera établi pour soutenir le nouveau Haut Représentant qui réunit le poste de l’ancien Haut Représentant pour la Politique Etrangère et de Sécurité Commune et du Commissaire pour les relations extérieures. Cette configuration vise à créer des effets de synergies entre les différents éléments de l’action extérieure de l’UE.

En ce qui concerne l’organisation et le fonctionnement du SEAE, l’article 27 du traité de Lisbonne dit simplement qu’il “travaille en collaboration avec les services diplomatiques des États membres et est composé de fonctionnaires des services compétents du secrétariat général du Conseil et de la Commission ainsi que de personnel détaché des services diplomatiques nationaux.”

Ce sont les négociations entre les Etats membres et les institutions de l’UE qui devront régler les détails…

Touteleurope.fr : Quelle est l’approche des Etats membres envers le SEAE ?

Julia Lieb : L’approche des Etats membres est problématique à deux égards. L’idée que se font les Etats membres du SEAE diffèrent selon les ressources ou les intérêts diplomatiques, mais aussi selon les histoires diplomatiques et les modèles d’intégration européenne. Au cours des négociations sur le Service, ces idées n’ont pas pu être alignées. A mon sens, cela pourrait aboutir à des malentendus sur le long terme.

De plus, l’approche des Etats membres était jusqu’à ce jour largement défensive ce qui a empêché une discussion constructive sur le Service : pendant les négociations, ils se sont concentrés beaucoup plus sur la préservation de la souveraineté nationale que sur le fonctionnement et la valeur ajoutée du Service.

Touteleurope.fr : Le Haut représentant et son service extérieur auront-ils finalement un vrai poids ? Un vrai rôle sur la scène internationale ?

Julia Lieb : Le poids de l’UE sur la scène internationale ne dépend pas principalement de l’arrangement institutionnel mais des positions communes. Les Etats membres restent divisés sur plusieurs questions de politique internationale. C’est pourquoi, au-delà des réformes institutionnelles, il faudra un accord stratégique pour pouvoir jouer un vrai rôle.

En savoir plus

Le Service européen d’action extérieure - Touteleurope.fr

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