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Ruée vers l’Ouest, Berlin Est lève les frontières

De notre envoyé spécial à Berlin

Une première brèche s’est aujourd’hui ouverte dans le mur de Berlin. Les portes de l’écluse ont enfin cédé sous la pression des attentes de démocratie des peuples de l’Est. Mais à Berlin d’où je vous parle cet événement majeur semble presque être arrivé par inadvertance.

C’est en effet alors qu’il donnait une conférence de presse en fin d’après-midi que Gunter Schabowski a commis cette ‘inadvertance’. Il est 18h00 lorsque débute la conférence de presse de Gunter Schabowski. Au menu, rien d’inhabituel, un discours sur la réforme du parti tellement usé que les journalistes semblent à la limite de l’endormissement.

L’annonce de la liberté de circuler en direct

Mais cinquante minutes après le début de la conférence, une question, presque ingénue, d’un journaliste italien déclenche la cohue. “Y aura-t-il des mesures spécifiques pour le transit et les voyages à l’Ouest ?” demande-t-il. Après un moment d’hésitation, M. Schabowski, encore peu rompu aux conférences de presse télévisées annonce que “les Allemands de l’Est pourront quitter le pays sur simple présentation d’un visa délivré dans les commissariats de police” . Les journalistes se réveillent : “A partir de quand la population pourra-t-elle partir?” . M. Schabowski, visiblement ébranlé par l’intérêt que son annonce suscite dans la salle, ne semble pas saisir la portée de ses paroles.

Retrouver le témoignage de Henri de Bresson, ancien correspondant du Monde à Berlin le 9 novembre 1989. Interviewé par Touteleurope.fr, il livre ses souvenirs sur cette fameuse conférence de presse où les autorités est-allemandes annoncent l’ouverture du mur. Il raconte aussi les scènes euphoriques de retrouvailles entre les Berlinois après 28 années de séparation.
La nouvelle se répand comme une traînée de poudre dans les agences de presse et les chaînes de télévision du monde entier : « les frontières est-allemandes sont ouvertes ». Quelque chose d’irréel plane alors dans l’air de Berlin. Les gens sortent de chez eux pour savoir ce qui se passe réellement.

La ruée vers l’Ouest

Aux abords du mur, la nuit est glaciale. Le mur semble protéger du vent les premiers arrivants qui timidement approchent les gardes frontières. Les grilles sont encore fermées. Personne ne les a prévenus, ces gardes frontières. Face au peuple, ils ne vont pas tenir bien longtemps.

La foule s’amasse. “Non, non, non” s’écrient les soldats, essayant de retenir ce flot humain. Néanmoins, ils restent calmes et se montrent moins hostiles que d’habitude. L’ordre est transmis qu’à partir de minuit toutes les personnes munies d’une carte d’identité pourront passer à l’Ouest.

Les files d’attente de voiture Trabant se répandent dans les rues jusqu’au cœur de la ville. Très vite les passages vers l’Ouest sont envahis par les citoyens venus assister à cet événement, le bouleversement de leur monde, auquel ils osent à peine croire encore.

Beaucoup se demandent si la frontière ne va pas se renfermer sur eux une fois de l’autre côté. Si ce n’est que temporaire, devraient-ils partir ou rester ? D’autres se précipitent vers les passages, valises en main. L’occasion est trop belle pour se soucier des lendemains.

Pour d’autres, enfin, c’est la curiosité de voir le ‘voisin d’en face’ qui les amène faire un tour du côté de la liberté. « Si on ne revient pas dans une heure, c’est qu’on est à l’Ouest !» s’exclament-ils. L’excitation électrifie l’air dans cette ambiance finalement très bon enfant. Submergés par la foule, les gardes finissent par lever les barrières, ne pouvant plus assurer la vérification des papiers.

Les retrouvailles d’une ville et d’un peuple

Le long du mur, scènes de retrouvailles et embrassades se succèdent en cascade. Là où par le passé les gens risquaient leur vie pour le rêve d’un avenir meilleur que celui que leur réservait la morne RDA, on passe de l’autre côté, symbolisant l’échec d’un régime obligé de retenir ses citoyens de force.

Après 28 ans de séparation, l’accueil n’en est que plus joyeux de l’autre côté du mur. Les Allemands de l’Ouest sablent le champagne en pleine la rue. Ceux qui rentrent à l’Est encouragent les autres à partir. On les reconnaît, ces “Ossis” , par leurs vêtements, leur regard effaré, éblouis par ce qui, tant rêvé, se déroule à présent sous leurs yeux.

Cependant beaucoup ne s’éloignent guère des alentours du mur. La pâle lumière des réverbères, les bars fermés dans ces zones dépeuplées de la lisière du mur ne donnent pas envie de rester longtemps. Pour ceux qui s’aventurent en ville, c’est la liesse. Le grand boulevard regorge de Berlinois venus fêter la fin de cette pesante séparation de leur ville. Chaque traversée de voiture de la ligne d’arrivée à l’Ouest suscite un sursaut d’applaudissements de la foule. Plus tard dans la soirée, la porte de Brandebourg est franchie à son tour. Les pioches s’attaquent déjà au mur et chacun, tout en le détruisant, veut garder un morceau souvenir.

Certains jeunes, tellement pressés de se retrouver de l’autre côté, escaladent le mur vers la liberté. Tant d’années d’interdits n’ont pas étouffé l’élan de retrouvailles des Berlinois. Berlin Ouest est en fête.

Un rêve fragile ?

De retour à l’Est, on est saisi par le calme. Les petites heures de la première nuit de liberté sont silencieuses sur le front de l’Est. Peut-être ont-ils tellement attendu que finalement les “Berliners” préfèrent goûter cette liberté à la lumière du jour de peur que leur rêve se brise ?

L’heure sera aux questions politiques demain. Laisseront-ils les frontières ouvertes pour toujours ? Cet événement sonne-t-il la fin du communisme ? Après l’immense déferlement de ce soir, il serait difficile de revenir en arrière. Il semble que Berthold Brecht avait raison avec ces paroles : “avec le temps, l’eau qui coule triomphe sur la pierre” .

En savoir plus

Retrouver le dossier sur le Chute du Mur de Berlin de Touteleurope.fr

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