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Adhésion de la Turquie : “des progrès considérables sont nécessaires”


Une journée chargée à Bruxelles… La Commission européenne a présenté aujourd’hui plusieurs rapports liés à l’élargissement.

Le premier correspond au bilan annuel des progrès réalisés en vue d’une adhésion à l’UE pour huit pays (Albanie, Croatie, Macédoine, Monténégro, Bosnie-Herzégovine, Serbie, Kosovo et Turquie). Le deuxième est consacré au concept de “capacité d’absorption” et le dernier concerne la stratégie d’élargissement de l’Union.

Un rapport crucial pour Ankara…

Contexte

Au cours des dernières semaines, Bruxelles, par la voix d’Olli Rehn, commissaire européen à l’Elargissement, a critiqué à plusieurs reprises le “ralentissement des réformes” entreprises en

Turquie depuis le début du processus. Il s’agit maintenant pour la Commission européenne de donner un avis plus clair sur la candidature d’Ankara en répondant à la difficile question : faut-il suspendre les négociations ?

Une telle éventualité n’est pas complètement irréaliste. Le cas s’est déjà produit à deux reprises dans l’histoire des élargissements européens (Royaume-Uni et Grèce).

C’est sur la base du rapport de la Commission que les chefs d’Etat et de gouvernement, réunis en Conseil européen les 14 et 15 décembre prochain, se prononceront sur l’avenir du processus d’adhésion la Turquie à l’UE. Dans un communiqué du 2 novembre 2006, le ministère français des Affaires étrangères indiquait à ce propos : “C’est au vu de ce rapport que le Conseil déterminera l’attitude à adopter” .

Avis de la Commission européenne

Dans son rapport, la Commission se garde d’adresser des recommandations précises au Conseil sur les suites à donner à la candidature turque. Bruxelles a décidé de laisser une nouvelle chance à la voie diplomatique afin de débloquer la situation avant d’en arriver à la suspension des négociations. Ainsi, la Commission accorde un “sursis” à Ankara en attendant le prochain sommet européen au cours duquel elle devrait formuler un avis un peu plus précis.

Le problème chypriote est au centre des préoccupation de l’UE. La Turquie a notamment signé, en 2005, le “protocole d’Ankara” étendant son union douanière aux dix nouveaux Etats membres. Ankara refuse pourtant encore de rendre ce protocole effectif pour Chypre. La Présidence finlandaise de l’UE, qui a élaboré un plan pour résoudre ce dilemme devrait tenter d’obtenir un accord avant le Conseil européen de la mi-décembre. Olli Rehn, a néanmoins brandi la menace d’une possible suspension des négociations en précisant qu’il s’agissait maintenant de la “dernière occasion” de résoudre le problème chypriote avant des années.

En outre, les commissaires européens précisent que “des progrès supplémentaires considérables sont nécessaires” notamment au sujet des critères politiques. Parmi ses remarques, Bruxelles indique que l’autorité du pouvoir civil doit encore s’affirmer face à l’armée. Les commissaires demandent également qu’une révision du code pénal soit mise en oeuvre afin de garantir les droits fondamentaux (liberté d’expression, liberté de culte, droit des femmes…).

… qui ne doit pas éclipser les autres documents remis par la Commission européenne

Le rapport sur la Turquie s’inscrit dans un document plus large au sujet des progrès réalisés par huit autres pays sur le chemin de l’adhésion à l’UE. Sont concernés : l’Albanie, la

Croatie, l’ Ancienne République yougoslave de Macédoine, le Monténégro, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie et le Kosovo.

Les deux autres rapports qui ont été remis aujourd’hui par la Commission européenne vont conditionner le futur de l’UE en matière d’élargissement. Le premier porte sur la “capacité d’absorption” appliquée à l’Union et le second s’intéresse plus globalement à la stratégie d’élargissement européenne. 

Capacité de l’UE à intégrer de nouveaux membres

La Commission a présenté son “Rapport spécial sur la capacité de l’union européenne à intégrer de nouveaux Etats membres ” . Il s’agit pour l’Union d’être en mesure de répondre au défi stratégique de l’élargissement tout en étant capable de continuer à fonctionner correctement.

Précédemment évoquée lors de différents Conseils européens, notamment en juin 2006, “la capacité d’absorption” devient dans ce rapport “la capacité d’intégration de l’Union européenne” . Ce changement de terminologie est une réponse aux critiques jugeant le concept de capacité d’absorption trop abstrait et éloigné des enjeux cruciaux auxquels l’Europe est confrontée.

Précisant ainsi une notion jusqu’ici resté très vague, la Commission fonde son approche de la capacité d’intégration de l’Union européenne sur trois axes :

- “maintenir l’élan pour renforcer et approfondir l’intégration européenne en donnant à l’Union les moyens de fonctionner, ce qui est dans l’intérêt de ses citoyens tant actuels qu’à venir” . Cette capacité repose elle-même sur trois critères :

° Le fonctionnement efficace des institutions et des procédures décisionnelles.

° La capacité de poursuivre l’élaboration et la mise en œuvre des politiques communes

° La capacité à financer ces politiques de manière durable

- “faire en sorte que les pays candidats soient prêts à assumer les obligations
découlant de l’adhésion, en veillant à ce qu’ils remplissent les conditions
rigoureuses fixées.” Il s’agit de garantir une approche rigoureuse des négociations d’adhésion.

- “Assurer une meilleure communication” afin de garantir le soutien de l’opinion publique au processus d’élargissement et remédier aux doutes et malentendus qui ont entouré le grand élargissement de 2004.

Olli Rehn précise également que désormais, durant les différentes étapes de tout nouvel élargissement, la “capacité d’intégration” de l’UE sera examinée avec attention afin de déterminer si elle est en mesure ou pas d’intégrer un nouveau membre. Enfin, la Commission précise : “il apparaît peu probable, qu’à l’avenir, un large groupe de pays adhére simultanément” . Les prochains élargissement devraient se faire pays par pays de façon très progressive.

Avant même que la Commission ne sorte son rapport, les milieux académiques s’étaient penchés sur la notion de “capacité d’absorption” , mise en avant lors du Conseil européen de juin 2006. Le European Policy Centre et le Centre for European Policy Studies, deux des think tanks les plus influents auprès des institutions européennes ont publié à l’automne dernier des analyses approfondies autour de ce thème. Les auteurs de ces études se montrent assez mesurés à l’égard de la notion de capacité d’absorption, qu’ils associent à une volonté injustifiée de prévenir tout nouvel élargissement.

Rappel :

Le Conseil européen de juin 2006 a réaffirmé qu’il respecterait les engagements pris et a souligné qu’ il convenait de tout mettre en oeuvre pour préserver la cohésion et l’efficacité de l’Union. Il importera à l’avenir de veiller à ce que l’Union soit en mesure de fonctionner politiquement, financièrement et institutionnellement lorsqu’elle s’élargit et d’approfondir encore le projet commun européen.

En conséquence, le Conseil européen procédera, lors de sa réunion de décembre 2006, à un débat sur tous les aspects d’élargissements ultérieurs, y compris la capacité de l’Union d’absorber de nouveaux membres et les nouveaux moyens d’améliorer la qualité du processus d’élargissement, sur la base des expériences positives acquises jusqu’à présent.

Il rappelle, à cet égard, que le rythme de l’élargissement doit tenir compte de la capacité d’absorption de l’Union. La Commission est invitée à fournir, au moment de la présentation de ses rapports annuels sur l’état du processus d’élargissement et de préadhésion, un rapport spécial sur tous les aspects qui ont trait à la capacité d’absorption de l’Union. Cette analyse spécifique devrait également porter sur la question de la perception actuelle et future de l’élargissement par les citoyens et tenir compte de la nécessité de bien expliquer le processus d’élargissement à la population de l’Union.

Sources

Stratégie d’élargissement et principaux défis 2006-2007 (pdf) - Rapport de la Commission européenne, 08/11/2006
Principales conclusions des rapports de suivi concernant le Kosovo et les pays candidats potentiels : Albanie, Bosnie-et-Herzégovine, Monténégro et Serbie - communiqué de presse, 08/11/2006 - Commission européenne
Principales conclusions des rapports de suivi concernant les pays candidats : Croatie, ancienne République yougoslave de Macédoine et Turquie - communiqué de presse, 08/11/2006 - Commission européenne
Erkki Tuomioja : Les négociations entre l’UE, Chypre et la Turquie continuent - communiqué de presse, 02/11/06 - Présidence finlandaise
Point presse du 02/11/06 - Ministère des Affaires étrangères

En savoir plus

Questions et réponses concernant la stratégie d’élargissement de l’Union et sa capacité d’intégration, 08/11/2006 - Commission européenne

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