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La Commission veut se racheter un code de bonne conduite

Les scandales liés aux conflits d’intérêts font actuellement la Une des médias français et internationaux. Alors que les affaires des vacances aux frais de dictateurs récemment renversés ébranlent le gouvernement français, la Commission européenne s’apprête à renforcer les règles visant à éviter les conflits d’intérêts. Une promesse faite il y a 14 mois qui tombe à pic au regard de l’actualité française.Â

Alors que la France redécouvre les conflits d’intérêts …

Les conflits d’intérêt sont extrêmes nocifs pour le lien de confiance qui lie les citoyens et leurs institutions, puisqu’ils remettent en cause la crédibilité démocratique des institutions qui les gouvernent. En France, peu avant les révélations relatives aux liens ambigus entre Michel Alliot-Marie et Ben Ali, ainsi que celle de François Fillon et Hosni Moubarak, il y avait eu aussi l’affaire du vaccin contre la grippe H1N1 qui avait déjà fait tanguer Roselyne Bachelot. “Un an après l’affaire des vaccins contre la grippe H1N1, la polémique sur le coût de la campagne de vaccination rebondit” avait évoqué Les Echos le 7 Février, mettant à jour les pressions du lobby pharmaceutique sur le ministère de la Santé.

Affecté lui aussi par une autre affaire, celle du Médiator, l’actuel ministre de la Santé, Xavier Bertrand et ses collaborateurs dont Nora Berra, secrétaire d’Etat chargée de la Santé, se sont vus contraints de signer une déclaration d’intérêts. Le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé avait indiqué à l’Assemblée nationale le 11 janvier dernier, en réponse à une question au gouvernement sur le Médiator, qu’il souhaitait que les membres des cabinets ministériels établissent désormais une déclaration d’intérêts. C’est chose faîte puisqu’ils ont demandé aux membres de leurs cabinets ministériels d’établir une telle déclaration.

Les autorités françaises depuis lors réagissent : le 26 janvier 2011, une commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique a rendu son rapport. Elle était chargée par le Président de la République de faire des propositions afin de prévenir ou régler les situations de conflits d’intérêts dans lesquelles peuvent se trouver les membres du gouvernement, les responsables des établissements publics et entreprises publiques ainsi que, le cas échéant, certains agents publics.

… la Commission veut appliquer un nouveau code de conduite pour lutter contre ces conflits

Au niveau européen, la Commission européenne s’apprête elle-aussi à renforcer les règles visant à éviter les conflits d’intérêts. C’est dans cet esprit que José Manuel Barroso a présenté aux groupes politiques du Parlement européen un projet de révision du “code de conduite” de son institution. En substance, il est prévu que les commissaires seront invités à ne pas accepter d’invitation dépassant les normes de “l’usage diplomatique” et “de la courtoisie” . Ils devront également refuser d’accepter les cadeaux de plus de 150 euros, de prendre des avions privés ou passer des nuits d’hôtel à plus de 300 euros.

Si le gouvernement français est aujourd’hui au centre des critiques, certains commissaires européens ont aussi reçu leur blâme, à l’instar de l’ancien commissaire britannique en charge du commerce extérieur, Peter Mandelson, vu sur un yacht appartenant au milliardaire russe Oleg Deripaska. Plus récemment, c’est la reconversion d’anciens commissaires dans le privé qui a ému l’organisation Alter EU. En juillet 2010, le feu vert donné par la Commission pour le recrutement de Günter Verheugen par la Royal Bank of Scotland, et ce dans un moment où les banques n’épargnaient aucun moyen pour minimiser la réforme bancaire en cours au niveau européen, avaient déjà posé les limites de l’ancien code de bonne conduite de l’UE.

Une initiative louable, mais qui présente rapidement ses limites

Parmi les nouveaux axes de révision du code de conduite européenne, celui-ci stipule que “lorsque les commissaires accomplissent leur devoir, ils ne doivent ni chercher ni prendre leurs instructions auprès d’aucun gouvernement, ni aucun autre organisme” . De plus “les commissaires doivent se comporter de manière à conserver la dignité et les devoirs de leur fonction, aussi bien lorsqu’ils l’exercent, qu’après l’avoir quittée” affirme le nouveau projet de code de conduite.

En marge de ces dispositions novatrices, le code veut également faire en sorte d’étendre la période au cours de laquelle les anciens commissaires doivent demander l’aval de l’exécutif européen pour accepter un nouvel emploi. Aujourd’hui, cette règle connait une période d’un an après la cessation d’activité. La révision prévoit qu’elle dure 18 mois. Une fois la période terminée, un comité éthique ad-hoc doit avaliser la décision de la Commission au sujet du nouveau poste de l’ancien commissaire.

Mais des critiques de la part des parlementaires européens se sont élevées quant à la composition de ce Comité d’éthique qui examinera les cas litigieux. Ils entendent insister pour que toute connexion entre cette instance et les innombrables lobbys présents autour de Bruxelles soit rendue impossible.

De plus, le nouveau projet demeure également “trop faible pour prévenir d’éventuel potentiels conflits d’intérêts lorsque les anciens commissaires prenne de nouvelles fonctions” note Alter EU. L’ONG s’oppose notamment aux écrits de José Manuel Barroso, qui, dans une lettre au président du Parlement européen, Jerzy Buzek, explique que ce nouveau code “reflète les meilleures pratiques dans le domaine des règles éthiques appliquées aux responsables publics et apporte des standards très élevés d’intégrité” .

Les membres de l’ONG estiment effectivement que ces changements directement inspirés des scandales précédents n’empêcheront pas des comportements du type de Charlie Mc creevy (ancien commissaire aux Marché intérieur et aux Services) qui travaille actuellement au lobbying de RyanAir. Seule solution pour Paul de Clerk, membre de l’ONG les amis de la terre : “le Parlement européen doit améliorer son code pour combler les lacunes et s’assurer que les commissaires ne puissent pas être lobbyiste durant une période de trois ans” .

L’ONG Alter EU

De l’anglais ” Alliance for Lobbying Transparency and Ethics Regulation” , cette ONG se présente comme une coalition une coalition de plus de 160 groupes d’intérêt public, des syndicats, des universitaires et des agences de relations publiques concernées par l’influence croissante exercée par les lobbyistes d’entreprise sur l’agenda politique en Europe. Ils entendent lutter contre la perte de démocratie dans le processus décisionnel européen, et agissent en faveur des réformes nécessaires pour la protection des consommateurs, du progrès social, et du respect de l’environnement.

L’organisation Alter EU remarque aussi que le code stipule qu’une procédure ne sera enclenchée que lorsqu’un ancien commissaire s’occupe d’activités liées aux compétences qu’il exerçait. Cependant, l’ONG note que les décisions de la Commission sont collégiales : il semble nécessaire de décréter qu’un ex-membre de l’exécutif doit s’abstenir de tout travail susceptible d’interagir avec le travail de la Commission.

Toutefois, l’ensemble de la classe politique européenne se félicite de l’obligation imposée aux membres du collège européen - et à leur époux ou épouse - de déclarer la totalité de leurs revenus et de leurs biens. Cette obligation existait déjà, mais elle n’était pas vraiment appliquée ni contrôlée.

Les Etats membres doivent-ils s’inspirer de la culture démocratique européenne ?

Jean Quatremer insiste néanmoins sur une certaine culture de la transparence qui règne dans les enceintes européennes. Il rappelle à cette occasion la démission de la Commission Santer à la suite des révélations faites par le journaliste lui-même sur les emplois fictifs qu’Edith Cresson, jadis commissaire européenne à la Recherche et à l’Education, distribuait à ses proches. Suite à d’autres révélations, publiée une nouvelle fois par le journaliste de Libération dans l’affaire de la vache folle, une commission parlementaire avait été créée pour mettre sous tutelle la Commission. Ces pratiques révèlent une culture démocratique différente, qui peine à prendre racine dans certains Etats membres, qui pratiquent une gestion plus opaque du pouvoir.

Pour le journaliste et blogueur, Il semblerait impensable que les pratiques donnant lieux au scandale du Médiator puissent voir le jour dans les institutions européennes tout simplement parce que la culture de la transparence et de la démocratie est largement distillée par les pays de traditions germanique et nordique. La vigilance des journalistes spécialisés sur les questions européennes contribuent également à ce que cette tradition perdure. Cela influe notamment sur le taux de présence des eurodéputés, largement supérieur à celui des parlementaires nationaux, rappelle le célèbre blog Coulisses de Bruxelles.

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