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A l’aube des élections européennes, le CESE appelle à une grande “transformation” de l’Europe

Le Comité économique et social européen s’est réuni en session plénière les 12 et 13 décembre. L’occasion d’appeler les dirigeants européens à “écouter la société civile”, invitée à renouveler les députés du Parlement européen en mai prochain. L’organe souhaite notamment que le développement durable soit inscrit en tête de l’agenda politique, que les discours changent radicalement sur l’immigration, ou encore qu’un revenu minimum européen soit instauré pour réduire les inégalités en Europe.

A l'aube des élections européennes, le CESE appelle à une grande
Session plénière du Comité économique et social européen, le 12 décembre 2018. Crédits : EU2018 – Source : EESC.

“On fait rarement la une des journaux, mais nous sommes une institution qui représente vraiment tout le tissu économique et social de l’UE.” En marge de sa session plénière à Bruxelles, les 12 et 13 décembre, le Comité économique et social européen (CESE) a exposé à la presse les idées qu’il aimerait voir reprises par les décideurs et les candidats à l’aube des élections de mai 2019.

Ses 350 membres rendent plus de 150 avis consultatifs par an, sur les projets de législation européenne, à la demande des institutions en quête d’expertise dans un domaine particulier, ou de leur propre chef sur les sujets qui leur semblent important. Mais cet organe, qui a vu le jour dès 1957 afin de “faire le pont” entre la société civile et les institutions européennes, n’a pas de pouvoir de décision.

Employeurs, travailleurs, acteurs du monde du handicap ou de l’environnement… ses membres - qui ne sont pas rémunérés par le CESE - continuent pourtant, pour la plupart, d’exercer leurs métiers dans leurs pays d’origine. En cela, ils sont aujourd’hui “représentatifs de la diversité des personnes qui font l’Europe” , assure Isabel Caño Aguilar, sa vice-présidente en charge de la culture et de la communication. Or “l’Europe ne va pas fonctionner sans l’aide de ses citoyens” , prévient-elle en agitant le chiffon rouge de l’abstention aux prochaines élections.

“On n’a jamais eu autant le besoin d’associer la société civile aux décisions politiques” , estime aussi Jean-François Bence, à la tête de la direction des travaux législatifs du CESE.

“Il nous reste quelques mois”

Luca Jahier, président du CESE

Le Comité compte donc bien jouer son rôle d’influenceur dans la campagne. Mais quelles sont ses priorités ? “Il nous reste quelques mois. Nous sommes à un moment crucial qui va décider de l’avenir de l’Union européenne” , avertit le président du CESE Luca Jahier (voir photo ci-contre), en rappelant le slogan de son mandat : “rEUnaissance” .

Si l’Europe compte parmi les “meilleurs endroits où vivre dans le monde” , “nous ne devons pas faire preuve de complaisance” , souligne-t-il en faisant de tristes constats : “les inégalités entre les Etats membres et à l’intérieur des pays se sont creusées, les institutions démocratiquement élues traversent une crise de représentativité, le chômage des jeunes reste très élevé, les défis environnementaux sont immenses, il y a les problèmes de terrorisme, de sécurité, nous sommes passés d’une phase de ‘coopération compétitive’ à une phase de confrontation avec la Russie ou les Etats-Unis de Donald Trump… Tout cela a conduit au désenchantement des citoyens européens. Et il y a un risque sérieux qu’ils ne soient plus en capacité de voir la valeur ajoutée de l’UE.”

Pour Luca Jahier, il est donc temps de “renouveler la gouvernance, favoriser la coopération entre les institutions et la société civile” et surtout de se lancer dans une “transformation systémique” de l’Europe : économique, numérique, environnementale, énergétique, sociale, démocratique, géopolitique…

Le développement durable est particulièrement inscrit au cœur des combats du Comité, qui fait montre d’objectifs bien plus ambitieux que les gouvernants et les institutions européennes en matière de lutte contre le réchauffement et souhaite que ce thème soit placé “en tête des priorités de l’agenda politique” . C’est par exemple sur la base de l’un de ses avis que le Parlement européen a récemment voté une résolution sur l’obsolescence programmée. “Si demain il pouvait y avoir un label en Europe qui soit synonyme de produits durables, on pense que ce serait excellent pour nos entreprises et pour l’emploi, car cela créerait des emplois non délocalisables” , précise en outre Thierry Libaert, du groupe “Activités diverses” . Et garantir la mise à disposition de pièces détachées pendant plusieurs années pour éviter de jeter ses ordinateurs, machines à laver et aspirateurs, n’est-ce pas répondre à un “besoin très concret exprimé par les consommateurs” ? “Il faut montrer que l’Europe est capable de s’occuper des préoccupations de la majorité de nos concitoyens. Ça montre un visage peut-être un peu plus humain” , souffle-t-il.

Changer de regard sur l’immigration

Le CESE a également créé une plateforme pour favoriser l’économie circulaire. Sur le plan social, il s’est aussi exprimé sur la possibilité d’avoir un revenu minimum européen, et a créé un groupe dédié à l’intelligence artificielle. “Il y a 47 % d’analphabètes digitaux” , souligne par exemple Franca Salis-Madinier, membre du groupe des travailleurs. A l’heure des “restructurations numériques” et de la disparition des contrats de travail traditionnels (CDI salarié), celle-ci invite les dirigeants à “accompagner ces transformations” et à lancer des “réflexions sur les systèmes de protection sociale” .

Sur l’immigration, le CESE appelle aussi les dirigeants à “rééquilibrer leur agenda” pour “se pencher sur de vrais changements systémiques” : “l’immigration ne peut pas être résumée à une question illicite et une affaire de contrôles en Méditerranée” , tacle Luca Jahier. “C’est une question éminemment plus vaste.”

Tranchant avec des discours parfois xénophobes et souvent alarmistes des dirigeants européens, le Comité a adopté, lors de sa session plénière le 12 décembre, un avis sur “les coûts de la non-immigration et de la non-intégration” pour l’Europe. “Je suis vraiment honteux de mon gouvernement !” , a lancé à la tribune le co-rapporteur espagnol José Antonio Moreno Díaz. “Ceux qui nient l’utilité de l’immigration nous mentent !” , a déclaré un autre membre italien, en rappelant que l’Europe vieillissante avait besoin de main d’œuvre pour préserver son modèle social.

L’une des priorités du mandat de Luca Jahier, qui s’achèvera fin 2020, est aussi le “renforcement du rôle de la culture” . “La culture a été le moteur de la Renaissance, rappelle-t-il. C’est la ressource d’énergie pour l’avenir de l’Europe qui n’est pas encore exploitée. Celle qui va nous permettre de reformuler l’identité européenne, et un vecteur économique pour créer des emplois, des entreprises… La culture, ce n’est pas seulement des bons sentiments.”

Témoignages

Arno MetzlerArno Metzler, président du groupe Diversité : “Dans les pays dirigés par des gouvernements populistes, on tente de réduire les libertés d’association et d’expression de la société civile. Il faut des efforts conjoints pour former les juges, les avocats, et faire respecter l’Etat de droit (…). Cette année, le Comité veut participer à la campagne des élections pour s’assurer que chaque citoyen est conscient qu’il s’agit de SON Europe.”

Gabriele BischoffGabriele Bischoff, présidente du groupe Travailleurs : “L’Europe n’a pas été capable d’endiguer la hausse des inégalités et de la pauvreté. Mais le nationalisme et l’europhobie ne sont pas la réponse (…). Le Comité a fait de nombreuses propositions, comme par exemple l’introduction d’un revenu minimum européen dans tous les Etats membres (…). Les prochaines élections européennes sont peut-être les plus importantes depuis 1979. Il est très important d’encourager les gens à aller voter.”

Stefano MalliaStefano Mallia, président du groupe Employeurs : “En tant qu’employeurs, notre slogan dans le cadre des élections européennes, c’est ‘une Europe plus forte’. Nous représentons une pluralité d’intérêt, du pêcheur au commerçant, en passant par les grands patrons. La priorité, c’est de ne pas laisser la crise financière se reproduire. Or je ne suis pas tellement convaincu que nous ayons appris la leçon. Nous devrions aussi créer un environnement favorable à la création d’entreprises, car elles créent de l’emploi. Il faut renforcer le marché unique, car c’est la base de tout, la liberté de déménager pour trouver un travail et d’installer son entreprise. Et il faut développer les nouvelles technologies, sinon l’avantage sera pris par d’autres. Nous embrassons, enfin, le concept de solidarité, y compris dans la gestion des migrations, sinon nous échouerons.”

Une association allemande reçoit le Prix de la société civile
Le Comité économique et social européen (CESE) a remis le 13 décembre son 10e Prix de la société civile à l’association Danube-networkers for Europe (Danet). Etablie en Allemagne, cette dernière réunit des acteurs tout au long du Danube, qui œuvrent au dialogue intergénérationnel, à l’insertion des personnes peu qualifiées dans la vie active, ou encore à l’éducation pour tous “basée sur une approche innovante” . C’est ainsi qu’elle a lancé son opération “Bread Connects” en 2017, qui a pour objet de réunir tous ces publics autour de la fabrication du pain, “symbole de partage et de communauté dans presque toutes les cultures et religions d’Europe” .
Chaque année, des acteurs de terrain, généralement de petites organisations, sont ainsi récompensés financièrement afin de poursuivre leurs actions dans des domaines divers (patrimoine culturel, intégration, etc.). Au cours de cette 10e édition, quatre autres projets d’Allemagne (insertion des femmes migrantes), Italie (accès des personnes handicapées au patrimoine), Royaume-Uni (accompagnement des enfants réfugiés) et Grèce (courts-métrages pour favoriser la coopération dans les Balkans) ont été soutenus. 150 candidatures avaient été soumises au CESE.

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