8e round des négociations
Si adopté, le TTIP créerait la plus grande zone de libre-échange au monde, avec près de la moitié du PIB mondial et un tiers des flux commerciaux.
Retrouvez notre dossier :
Traité transatlantique de libre-échange : piège ou opportunité pour l’Europe ?
Et notre datavisualisation :
Le Partenariat transatlantique de libre-échange
En juin 2013, la Commission européenne a reçu l’autorisation de la part des chefs d’Etats et de gouvernement de l’UE pour négocier ce traité en leur nom. Un “mandat” , adopté le 14 juin 2013 par le Conseil de l’UE aux Affaires étrangères, qui encadre et limite l’action de l’exécutif européen. Le document, déclassifié et disponible sur le site du Conseil, indique notamment 46 points qui définissent la nature et la finalité de l’accord, les principes, les objectifs et les secteurs intéressés.
Transparence
La première vague de critiques vise l’opacité des négociations. A la suite des révélations d’Edward Snowden en juin 2013 sur l’affaire d’espionnage NSA, les citoyens européens - tout comme de nombreux partis politiques et des ONG - réclament davantage de transparence lors des rencontres UE-USA. En octobre 2013, un mouvement citoyen contraire au TTIP a traversé toute l’Union européenne : de l’Espagne, au Royaume-Uni, en passant par Malte, la Slovénie ou la France, les Européens sont descendus dans la rue pour protester contre cet accord de libre-échange. Par la suite, la Commission européenne a décidé de publier le mandat de négociation le 9 octobre 2014. D’autres documents ont été déclassifiés par l’exécutif européen en ce début d’année et de nouveaux textes seront rendus publics après les négociations de février.
Les tribunaux privés d’arbitrage (ISDS)
L’opacité peut être graduellement réduite, bien que la Commission assure que “les négociations nécessitent de la confiance, qui demande à son tour de la confidentialité” . Mais d’autres points alimentent toujours la polémique. Le plus important concerne les tribunaux privés d’arbitrage (ISDS, de l’anglais “Investor-State Dispute Settlement”).
Il s’agit là d’un mécanisme de règlement des différends entre les États et les investisseurs. En d’autres termes, ces tribunaux d’arbitrage sont introduits pour protéger les investisseurs contre des éventuels abus de droit perpétrés par les Etats où ils s’installent. Selon plusieurs ONG et partis politiques, cette pratique - déjà prévue par le traité de libre échange Europe-Canada - mettrait à risque la démocratie et avantagerait les entreprises privées. Face à ces critiques, la Commission européenne a réalisé une consultation publique, qui a eu un énorme succès auprès des Européens : 150 000 citoyens ont répondu au questionnaire en ligne. Sans surprise, la grande majorité des participants est contraire aux ISDS (145 000 “non”) et au TTIP tout court.
Vers un changement de direction ?
Le Sénat français a adopté à l’unanimité mardi 3 février une proposition de résolution européenne contraire aux ISDS.
A ce propos, retrouvez le billet de Maxime Vaudano, journaliste au Monde :
La France fera-t-elle revenir l’Europe sur son accord controversé avec le Canada ?
Tous les accords négociés par la Commission européenne, y compris le CETA (le traité déjà signé avec le Canada), doivent être approuvés par le Parlement européen et ensuite ratifiés per les gouvernements nationaux. Et le TTIP et les ISDS ne font pas l’unanimité ni dans l’hémicycle de Strasbourg, ni au sein des Etats membres.
En France, le Sénat a adopté mardi 3 février 2015 la proposition de résolution européenne sur le règlement des différends entre investisseurs et États dans les projets d’accords commerciaux transatlantiques, présentée par le sénateur Michel Billout.
Membre du groupe communiste républicain et citoyen et vice-Président de la commission des affaires européennes, M. Billout s’est exprimé clairement lors de la séance du 3 février : “Voulons-nous vraiment privilégier une justice privée par rapport à nos tribunaux nationaux ? Il faut nous opposer à un tel type d’arbitrage et même revenir sur l’accord signé avec le Canada” . Sa résolution demande de “mettre fin au manque de transparence caractérisant les négociations transatlantiques” et appelle à une révision de l’accord négocié avec le Canada notamment pour modifier la procédure arbitrale.
Et dans d’autres pays européens, l’heure n’est pas au soutien du TTIP. En Grèce, par exemple, le nouveau gouvernement a assuré que durant son mandat le parlement d’Athènes ne ratifiera pas un tel traité. En outre, l’exécutif guidé par Alexis Tsipras pourra s’opposer à l’accord négocié par la Commission aussi au sein du Conseil européen. Lors de l’approbation des chefs d’Etat et de gouvernement, la Grèce pourrait en effet utiliser son droit de véto.