1/ L’Europe au rythme du Brexit
Après la publication d’une simple ébauche en mars, puis le rejet brutal du “Plan de Chequers” en septembre, Mme May s’est finalement entendue, en novembre, avec les Vingt-Sept sur les modalités du Brexit. Près de l’intégralité de l’année aura donc été nécessaire pour aboutir à cet accord.
L’accord avec l’Union européenne, comprenant un filet de sécurité (backstop) sur la question irlandaise, n’est toutefois pas du goût de tout le monde au Royaume-Uni. Il est notamment rejeté par les Brexiters les plus farouches, à l’instar de Boris Johnson, David Davis et Dominic Raab : ministres de Theresa May, ils ont tous trois démissionné en 2018.
Or la Première ministre doit obtenir la
validation de son parlement pour entériner l’accord avec l’UE. Sans majorité, cette dernière a repoussé à la semaine du 14 janvier un vote initialement prévu le 11 décembre. L’issue d’un “hard Brexit” sans accord, aux conséquences très lourdes pour les deux parties, paraît donc tout à fait envisageable.2/ France : les ambitions contrariées d’Emmanuel Macron
La réforme de la SNCF, afin de préparer l’ouverture du rail à la concurrence à partir de la fin 2019, a d’abord entraîné une longue grève qui a partiellement paralysé le pays. Puis le chef de l’Etat a connu une série de déconvenues allant de l’affaire Benalla aux démissions de Nicolas Hulot et Gérard Collomb, poids lourds du gouvernement respectivement en charge de la Transition écologique et de l’Intérieur. Ces dernières semaines, M. Macron est confronté aux Gilets jaunes, mouvement contestataire et hétérogène réclamant, entre autres, une hausse du pouvoir d’achat et davantage de justice fiscale. En réaction, le président a consenti à une série de mesures, dont un accroissement du SMIC.
Sur la scène européenne, les tourments nationaux d’Emmanuel Macron n’ont pas été sans incidence. L’étoile pâlissante du chef de l’Etat, qui défend l’instauration d’une taxe sur les GAFA ou la création d’un budget de la zone euro, n’est pas de nature à l’aider à convaincre ses homologues.
3/ Allemagne : début de la fin pour Angela Merkel
Depuis, la chancelière allemande demeure très critiquée, y compris en interne, et a assisté, à la fin de l’été dans l’est du pays, à des événements violents et racistes sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Deux déconvenues additionnelles lors de scrutins régionaux en Bavière et en Hesse ont alors scellé le sort d’Angela Merkel, cette dernière annonçant son intention de quitter le pouvoir au plus tard à la fin de son mandat en 2021. Un geste fort payant pour Mme Merkel : c’est sa “dauphine” , Annegret Kramp-Karrenbauer, surnommée AKK, qui a été nommée, début décembre, nouvelle cheffe de la CDU.
4/ Italie : les populistes au pouvoir
C’est précisément sur la question du budget que le combat s’est engagé, cet automne, entre le gouvernement italien et l’Union européenne. Prévoyant un déficit de 2,4% du PIB pour l’année 2019, la proposition de Rome a été retoquée par la Commission européenne, l’exécutif européen estimant ce chiffre “incompatible avec les règles de la zone euro” . Pour Bruxelles, un tel déficit rendrait la dette italienne encore plus insoutenable, elle qui atteint déjà 131% du PIB. Le gouvernement italien a donc fini par mettre de l’eau dans son vin, proposant un déficit de 2,04% du PIB, mieux accueilli à Bruxelles fin décembre.
5/ Espagne : entre crise catalane et affaires de corruption
La libération de M. Puigdemont, la nomination d’un de ses proches, Quim Torra, à la tête de la région, puis l’arrivée du socialiste Pedro Sanchez en remplacement, en juin, du conservateur Mariano Rajoy au poste de Premier ministre permettront un certain apaisement politique. En effet, outre la crise catalane qu’il aura contribué à attiser, le parti de M. Rajoy est emporté par un scandale de corruption massif, qui conduit de nombreuses formations à soutenir l’établissement d’un gouvernement de gauche. Ce dernier, minoritaire, pourrait à cet égard convoquer des élections législatives anticipées en 2019.
6/ Etat de droit : Hongrie, Pologne et Roumanie mises à l’index
Avec Viktor Orban, lâché par une partie de ses alliés conservateurs, dont font partie la CDU d’Angela Merkel ou encore Les Républicains français, la tension est montée de plusieurs crans, en septembre, lors de son audition houleuse au Parlement européen. Les eurodéputés ont majoritairement demandé aux dirigeants européens de constater un “risque clair de violation grave” de l’Etat de droit en Hongrie. Une telle accusation avait déjà été énoncée en décembre 2017 par Bruxelles à l’encontre de la Pologne. En cause principalement : la réforme de la justice voulue par le gouvernement ultraconservateur. Et c’est à nouveau pour des atteintes à l’indépendance de la justice, dénoncées par le Parlement européen, qu’une procédure a été initiée contre la Roumanie en novembre.
L’application de sanctions, qui relève de l’article 7 du traité sur l’Union européenne, ne semble toutefois pas pour demain. L’unanimité des Etats membres est en effet requise et les pays incriminés ont jusqu’ici fait preuve de solidarité. C’est pourquoi Bruxelles propose désormais de conditionner l’octroi des fonds européens au respect de l’Etat de droit.
7/ Immigration : l’Europe embourbée
Au cours de l’été, l’épopée tragique de l’Aquarius et d’autres navires ayant secouru des migrants en Méditerranée, a donné la meilleure illustration des divisions européennes. L’accostage de l’Aquarius a été refusé par l’Italie, tandis que la France s’est montrée également réticente à l’accueillir. Le bateau, avec 630 personnes à son bord, s’est finalement rendu en Espagne avant de faire escale à Marseille après plusieurs jours d’atermoiements.
En décembre, le Pacte de Marrakech, texte juridiquement non contraignant des Nations unies et énonçant une série de principes pour des “migrations sûres, ordonnées et régulières” suscitera également d’importantes divisions. Un tiers des Etats membres de l’UE, dont l’Italie, la Hongrie ou encore la Pologne a refusé de le signer, sur fond de fausses informations sur son contenu véritable.
8/ Environnement et climat : une année pour rien ?
Au cours de l’année, l’Union européenne a tout de même pris des mesures environnementales emblématiques, comme la réforme du marché du carbone pour la période 2021-2030, qui réduit les quotas de CO2 alloués aux industriels, ou encore la directive interdisant, à partir de 2021, un certain nombre de produits en plastique à usage unique, tels les cotons-tiges ou la vaisselle jetable. A la fin de l’année, les Etats membres de l’UE sont aussi parvenus à se mettre d’accord sur la réduction de 37,5%, d’ici à 2030, des émissions de CO2 des voitures.
9/ Numérique : protection renforcée, mais la directive sur le droit d’auteur en attente
Depuis le 1er avril, les abonnements payants à des services numériques (Netflix, Canal+…) souscrits dans un État membre sont accessibles dans toute l’Union européenne, lors de séjours temporaires et ce sans contrainte de temps. Fin mai, le règlement général sur la protection des données (RGPD), présenté comme le plus protecteur du monde, est entré en vigueur. S’il renforce surtout la législation existante, le texte prévoit aussi de nouveaux droits pour permettre aux individus de mieux contrôler leurs données : droit de s’opposer à leur conservation, de les corriger, de les faire supprimer, droit à l’oubli… Enfin le 3 décembre, c’est la fin du géoblocage qui est entrée en vigueur. Il est désormais possible de commander biens et services en ligne dans toute l’UE, aux mêmes conditions de prix et de livraison que les domiciliés de l’État membre dans lequel il est vendu.
La Commission peine toutefois à faire adopter sa fameuse “directive copyright” censée moderniser la rémunération des auteurs et la protection de leurs droits. Approuvé par le Parlement en septembre à l’issue de longues discussions, les négociations finales sur ce texte sont en cours avec les Etats membres. Mais le temps presse pour obtenir un accord d’ici aux élections européennes de mai prochain. L’article 13 notamment, qui obligerait les plateformes de diffusion (comme YouTube par exemple) à contrôler les contenus partagés par leurs utilisateurs, notamment s’ils contiennent des œuvres protégées par le droit d’auteur, ne fait en effet pas consensus et suscite un intense lobbying de la part de Google.
10/ Europe de la défense : des avancées décisives
Conjointement à la CSP, le Fonds européen de la défense (FED) a vu le jour. Il devrait représenter une enveloppe de 13 milliards d’euro dans le budget de l’UE pour 2021-2027. Ce montant sera consacré à soutenir l’investissement dans la recherche et le développement industriel militaire et à privilégier les projets européens transfrontaliers et portés par des PME. Le but est d’encourager l’acquisition de matériel en commun et d’éviter la multiplication des appels d’offres nationaux.
Enfin, l’Initiative européenne d’intervention (IEI) est un projet commun à 10 pays de l’UE “capables et volontaires” (dont le Royaume-Uni) pour mettre en relation leurs commandements militaires autour d’une structure commune et ainsi définir ensemble des objectifs et des priorités.
11/ Etats-Unis : l’Europe face à Donald Trump
En 2018, la confrontation de l’Europe avec le magnat de l’immobilier s’est d’abord concentrée sur l’Iran. Le 8 mai, Donald Trump a en effet désengagé son pays de l’accord sur le nucléaire iranien, conclu en 2015 après des mois de négociations. Aucune entorse n’avait pourtant été constatée par l’Agence internationale de l’énergie atomique et le fragile équilibre de la région se trouve aujourd’hui menacé. Attendue, cette décision est assortie de sanctions imposant un embargo de fait sur le pays au nom de l’extraterritorialité des lois américaines. Cette dernière est contestée de longue date par l’UE, qui s’emploie à trouver des contre-mesures pour permettre aux entreprises européennes de continuer à opérer en Iran.
En parallèle du dossier iranien, Washington a également initié une guerre commerciale avec les Européens, accroissant brutalement ses droits de douane sur l’acier et l’aluminium et menaçant de faire de même sur l’automobile. En représailles, l’UE a instauré une hausse proportionnée de ses taxes sur certains produits symboliques tels que les motos Harley-Davidson. En sommeil depuis plusieurs semaines, les querelles commerciales entre les Etats-Unis et l’Europe ne sont pas résolues et restent soumises à l’imprévisibilité de Donald Trump.
12/ Russie : l’Europe face à Vladimir Poutine
Une première crise importante a éclaté en mars avec l’empoisonnement de l’ex-espion russe Serguei Skripal et de sa fille sur le territoire britannique. L’Etat russe a été nommément accusé d’être le responsable de cet acte violent, logiquement vu comme une provocation vis-à-vis de l’UE. En représailles, une centaine de diplomates russes ont été expulsés d’Europe.
De la même manière, le Kremlin a été pointé du doigt en octobre pour avoir coordonné plusieurs cyberattaques contre des pays européens. Déjà fortement suspectés d’être impliqués dans des manipulations lors des campagnes pour le référendum britannique d’appartenance à l’UE et pour l’élection présidentielle américaine, la Russie conteste officiellement les accusations.
Enfin, et peut-être surtout, les tensions en Ukraine ont connu un fort regain en novembre avec la capture par l’armée russe de trois navires ukrainiens et l’emprisonnement d’une vingtaine de marins dans le détroit de Kertch, qui sépare la mer d’Azov de la mer Noire. Afin d’éviter une escalade belliqueuse, la France et l’Allemagne, en première ligne depuis le début de la crise ukrainienne, ont repris les discussions avec Moscou et Kiev, excluant “toute solution militaire” .
13/ Elections européennes : le coup d’envoi est lancé
Encore peu structurée, la campagne se concentre principalement sur l’opposition entre “progressistes pro-européens” , incarnés pour l’heure par Emmanuel Macron, et “populistes illibéraux” (au degré d’euroscepticisme variable) conduits par Viktor Orban et Matteo Salvini. Une opposition binaire que la nomination de l’Allemand Manfred Weber à la tête de la droite européenne (PPE) et du Néerlandais Frans Timmermans à gauche (S&D) n’a pas enrayée.
En France, où les européennes vont être les premières élections depuis la présidentielle de 2017, l’effervescence politique est déjà importante, même si le casting exact reste encore très incertain. La plupart des partis réfléchissent encore à leurs stratégies d’alliance et à la composition de leurs listes. A la faveur de la montée de la défiance vis-à-vis d’Emmanuel Macron, le Rassemblement national est pour l’heure annoncé assez largement en tête.
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