Le mélodrame italo-européen touche, semble-t-il, à sa fin. Le gouvernement de Giuseppe Conte était engagé dans un bras de fer avec Bruxelles depuis le 27 septembre, date à laquelle il avait présenté un budget public jugé démesurément déficitaire pour l’année 2019. Après un peu plus de deux mois de passes d’armes, d’injonctions et de refus secs, Rome a accepté, le 4 décembre dernier, de revoir sa copie.
La résolution d’une équation complexe
Ainsi, “Rome et Bruxelles ont enfin trouvé un terrain d’entente sur le projet de budget” , annonce RFI. L’accord “était attendu depuis plusieurs jours” et “rendait les investisseurs nerveux” . Pour éviter “l’ouverture d’une procédure pour déficit excessif” et obtenir “le feu vert de Bruxelles pour son projet de budget 2019″ , le gouvernement italien accepte donc de “baisser ses objectifs et d’augmenter la réduction de ses dépenses d’environ 4 milliards d’euros” . “L’objectif de déficit public” est désormais de 2,04% du PIB, avec “une prévision de croissance à 1%” . L’objectif final étant “d’éviter une aggravation de l’énorme dette italienne, qui s’élève à environ 130% de son PIB” , ajoute Ouest-France.
En conséquence, informe Franceinfo, deux “mesures phares” du gouvernement de coalition réunissant la Ligue (extrême droite) et le Mouvement 5 étoiles (antisystème) ont dû être reportées sine die : “la réforme des retraites et le revenu de citoyenneté” .
Loin de s’avouer défait par ces concessions faites à l’UE, “Giuseppe Conte est persuadé que l’accord trouvé sur son budget 2019 avec la Commission européenne est bon pour l’Italie” , relève Le Point. Le compromis “n’a rien d’un recul par rapport aux ambitions initialement fixées par le gouvernement de Rome” , a fait valoir le chef de l’exécutif italien. Affichant sa bonne volonté, ce dernier affirme que le gouvernement a “réalisé le mandat qui [lui] a été confié par les citoyens faisant preuve de détermination” . Il s’agit, selon lui, d’une “solution bonne pour les Italiens et satisfaisante aussi pour l’Europe” .
De son côté, estime Franceinfo, “la Commission fait finalement preuve de souplesse dans l’application des règles européennes […] en acceptant un budget révisé de l’Italie” . Pour le média, Rome peut en quelque sorte remercier Paris : “la situation était devenue sensible au niveau politique quand la France a annoncé des mesures supplémentaires pour répondre à la crise des ‘gilets jaunes’ ” , le pays devant désormais dépasser “le seuil de 3% de déficit public en 2019″ . En réaction, “les Italiens avaient alors mis en garde Bruxelles contre une différence de traitement entre les Français et eux” .
La Commission garde l’Italie à l’œil
Pourtant, “ce processus n’a pas été facile” a souligné le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici [Ouest-France]. “Au début, il semblait y avoir peu de chances de combler l’écart entre nos positions respectives” , a-t-il rappelé.
Dans une revue de la presse italienne, Courrier international observe à cet égard que le pays ne crie pas encore victoire. “Pour l’heure, l’Europe nous épargne et ne prend pas de mesures de sanction” , note par exemple le Corriere Della Sera (en italien). Le quotidien cite d’ailleurs le commissaire européen à la Stabilité financière Valdis Dombrovskis, selon qui la solution trouvée “n’est pas idéale, mais elle permet d’éviter à ce stade l’ouverture d’une procédure pour déficit excessif” . Même constat dans La Stampa (en italien) : s’il s’agit d’un feu vert informel, “le gouvernement continuera de sentir le ‘souffle chaud’ de Bruxelles dans son cou” , écrit le journal.
Et pour “preuve que la confiance entre Rome et Bruxelles n’est pas tout à fait revenue” , poursuit Le Monde, “les deux commissaires ont prévenu : ‘nous demeurerons vigilants’ ” . De fait, même si cela semble dorénavant improbable, “la Commission a théoriquement jusqu’en février pour lancer la procédure de déficit excessif qu’elle avait enclenchée à la fin de novembre” . Ainsi, si “à Rome, le budget révisé n’est pas adopté en janvier” , elle peut sans problème “revenir sur sa décision” .
Une position qui serait toutefois difficile à tenir pour un exécutif européen qui ne veut pas “donner des arguments ‘anti-Bruxelles’ à un gouvernement populiste excitant le sentiment antieuropéen de ses citoyens à quelques mois d’une élection européenne à haut risque” , relate le quotidien.