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Pétition, initiative citoyenne, médiateur européen : 3 outils pour agir en tant que citoyen au niveau européen

L’Union européenne propose plusieurs outils permettant aux citoyens européens de faire remonter aux institutions leurs requêtes ou propositions.

La commission des Pétitions du Parlement européen est composée de 35 députés européens - Crédits : Alexis Haulot / Parlement européen
La commission des Pétitions du Parlement européen est composée de 35 eurodéputés - Crédits : Alexis Haulot / Parlement européen

C’est l’une des critiques récurrentes entendues sur l’Union européenne : celle-ci serait trop déconnectée des citoyens et insuffisamment démocratique. Or des outils ont progressivement été mis en place afin de rapprocher les citoyens européens des instances décisionnaires de l’Union. Droit de pétition au Parlement européen, initiative citoyenne européenne et médiateur européen : voici les principaux dispositifs pour faire valoir ses droits et ses idées au sein de l’Union.

Le droit de pétition au Parlement européen

Depuis l’entrée en vigueur du traité de Maastricht en 1993, les citoyens de l’UE comme les personnes qui résident dans un Etat membre peuvent adresser au Parlement européen, individuellement ou collectivement, une pétition sur un sujet qui relève d’un domaine de compétences de l’UE. Celle-ci peut prendre la forme d’une plainte ou d’une requête et porter sur des affaires d’intérêt public comme privé. Elle peut être soumise via un site internet ou par voie postale. Il n’existe pas de nombre minimum de signatures requises.

Chaque année, plus de 1 000 pétitions citoyennes parviennent à la commission des Pétitions du Parlement européen, dans laquelle siègent 35 eurodéputés. Ceux-ci sont chargés de décider de leur sort. Chaque personne ou groupe de personnes qui adresse une pétition au Parlement européen reçoit une réponse à sa requête. Selon les cas, la commission des Pétitions peut :

  • inviter la Commission européenne à procéder à une enquête préliminaire et à lui fournir des informations concernant le respect de la législation communautaire en la matière ;
  • transmettre la pétition à d’autres commissions du Parlement européen, afin que celles-ci entreprennent une action ;
  • dans certains cas exceptionnels, soumettre un rapport au Parlement européen en vue de son adoption en séance plénière ou effectuer une mission d’enquête ;
  • prendre toute autre mesure jugée appropriée pour essayer de régler la question.

En 2022, 1 217 pétitions ont été adressées au Parlement européen, un chiffre au plus bas depuis 2006. 21 % d’entre elles portaient sur le thème de l’environnement, 17,5 % sur les droits fondamentaux, 15,5 % sur la justice et 10,5 % les relations extérieures. Au total, près de 70 % des pétitions enregistrées cette année-là ont été déclarées recevables par la commission des Pétitions ; Parmi celles-ci, 3/5e ont été immédiatement clôturées à la suite de la transmission d’informations au pétitionnaire, tandis que les autres étaient restées ouvertes à la fin de l’année 2022. Enfin, 30% des pétitions adressées l’an passée ont été déclarées irrecevables par la commission des Pétitions.

Interpellés par des pétitions, des membres de cette commission ont par exemple enquêté en 2022 sur la détérioration d’une réserve naturelle en Espagne, ou examiné la sécurité des aires de stationnement pour les poids lourds dans la région Hauts-de-France. Certaines de leurs résolutions, émanant de pétitions citoyennes, ont même été adoptées par le Parlement européen, comme sur l’exploitation illégale des forêts dans l’UE ou contre la pollution de l’eau par les nitrates.

Un exemple concret : l’harmonisation des dimensions des bagages cabine en avion

Nombreux sont ceux qui se perdent parmi les règles de dimensions maximales des bagages cabine à emporter lors de voyages en avion. Deepak Rajani, un citoyen allemand, fait partie de ces gens-là. Le 7 septembre 2019, lassé de voir les critères de taille et de poids des bagages cabine varier de quelques centimètres ou centaines de grammes d’une compagnie aérienne à l’autre, il dépose une pétition sur le site du Parlement européen. Celle-ci réclame que dans le cadre de la législation européenne en vigueur sur les droits des passagers aériens, l’UE instaure une harmonisation des règles relatives aux dimensions des bagages à main.

Alertée sur le sujet, la commission des Pétitions l’étudie, auditionne Deepak Rajani et les autres parties prenantes concernées par la question. Quatre ans plus tard, en octobre 2023, les députés européens finissent par adopter, en séance plénière, une proposition de résolution sur les dimensions standardisées des bagages à main. Ils demandent ainsi à la Commission européenne d’imposer à l’ensemble des compagnies aériennes des dimensions standard pour ces bagages, mais également de supprimer les frais supplémentaires exigés par les compagnies sur ces bagages cabine.

La résolution est certes non contraignante, mais elle permet toutefois de porter à la connaissance de l’ensemble du Parlement européen et de la Commission européenne cette problématique soulevée par un citoyen européen. La Commission, qui a lancé une consultation pour réviser le règlement sur les services aériens actuellement en vigueur, est ainsi priée d’examiner cette résolution formulée par le Parlement européen avant de proposer une nouvelle version de son règlement. La simple pétition déposée il y a quatre ans par Deepak Rajani sur le site du Parlement européen pourrait donc à l’avenir faciliter les vacances de dizaines de millions d’Européens.

L’initiative citoyenne européenne

Créée en 2011, l’Initiative citoyenne européenne (ICE) permet aux citoyens européens d’appeler la Commission européenne à légiférer sur un sujet donné. Pour ce faire, une ICE doit :

  • recueillir au moins un million de signatures de ressortissants de l’UE. Ces signataires doivent provenir d’au moins un quart des Etats membres, soit sept pays. Pour qu’un pays soit comptabilisé, il faut qu’un nombre minimum de ses ressortissants signe. Ce seuil est calculé en fonction de la population de l’Etat. En France par exemple, il faut un minimum de 55 695 signatures pour que le pays soit comptabilisé. Les signataires doivent également avoir la majorité électorale de leur Etat d’origine ;
  • concerner un domaine relevant des compétences de la Commission européenne.

La Commission insiste sur le fait de s’organiser en amont pour constituer un groupe d’organisateurs issus d’au moins sept Etats membres de l’UE. Il faut ensuite enregistrer son initiative sur le site de la Commission européenne pour évaluation. Si la Commission approuve l’objet et la forme de l’ICE, elle est publiée avec toutes les autres initiatives sur une page dédiée.

Les initiateurs disposent alors d’un délai de six mois pour préparer puis lancer officiellement leur campagne de récolte de signatures. A partir du lancement, le recueil de signataires s’effectue durant les douze mois qui suivent. Les organisateurs peuvent récolter les signatures via des formulaires de déclaration de soutien, en ligne ou sur papier.

Une fois le million de signatures dépassé et les douze mois écoulés, les initiateurs de l’ICE doivent regrouper les signatures par nationalité et les envoyer pour vérification aux autorités compétentes de chaque Etat membre sous trois mois. Les autorités disposent ensuite de trois mois supplémentaires pour vérifier la validité des déclarations de soutien.

Une fois cette étape passée, les organisateurs de l’initiative citoyenne ont de nouveau trois mois pour présenter leur ICE à la Commission européenne. C’est alors que cette dernière débute l’examen de l’initiative. La Commission dispose d’un délai de six mois pour présenter l’action qu’elle envisage de mener en réponse à l’ICE, ainsi que les raisons pour lesquelles elle compte y donner suite (ou pas). Cette réponse prendra la forme d’une communication adoptée formellement par les commissaires et publiée dans toutes les langues officielles de l’UE.

Si la Commission estime qu’un acte législatif constitue une réponse appropriée à l’initiative, elle commencera à élaborer une proposition formelle qui sera ensuite présentée au Parlement européen et au Conseil de l’UE. Ceux-ci devront ensuite l’adopter pour qu’elle ait force de loi. Mais la Commission n’est pas tenue de proposer un acte législatif : même en cas de réponse positive, le suivi le plus approprié d’une initiative peut être de nature non législative. Enfin, le Parlement européen peut lui aussi intervenir pour évaluer les mesures prises par la Commission.

L’ICE en chiffres

En quasiment dix ans d’existence de cet outil, 107 initiatives citoyennes européennes ont été enregistrées par la Commission européenne, qui en a refusé 23 autres. Parmi les 107, 58 n’ont pas atteint leur objectif du million de signatures et 21 ont été retirées par leurs organisateurs. 10 sont toujours en cours de collecte de signatures et 4 devraient bientôt la débuter ; ces dernières ont été officiellement enregistrées début novembre par la Commission.

Au total, 10 initiatives ont fait l’objet d’une réponse officielle de la Commission européenne. Parmi elles. La dernière en date vise à interdire l’élevage et l’abattage d’animaux à fourrure ainsi que la vente de fourrures d’animaux dans l’UE. Des mesures prises en compte par la Commission européenne dans la réforme qu’elle a présenté début décembre 2023 pour le bien-être des animaux pendant le transport.

Le médiateur européen

La fonction de médiateur européen a été créée à l’occasion du traité de Maastricht. Sa mission est d’enquêter de manière indépendante sur les cas de “mauvaise administration” de la part des institutions, organes et organismes de l’UE : infractions à la loi, oubli des principes de bonne administration ou encore atteintes aux droits de l’homme. Concrètement, il peut s’agir d’un traitement inéquitable par les organismes de l’UE, d’un problème de marché public ou de contrat avec l’UE, de retard de paiement de fonds européens, de refus d’accès aux documents, de retard dans le traitement de dossiers des organes de l’UE ou encore de lobbying abusif ou dissimulé. Le médiateur ne peut recevoir d’instructions de la part d’aucun gouvernement ou organisation.

Les citoyens, les ONG, les associations, les entreprises, les universités ou les journalistes peuvent s’adresser au médiateur européen quand :

  • ils souhaitent soumettre une plainte concernant une institution, un organe ou une agence de l’UE ;
  • ils ont déjà essayé d’obtenir réparation auprès de l’organisme concerné ;
  • les faits qui concernent leur plainte ne dépassent pas les deux ans ;
  • aucune procédure judiciaire n’est en cours.

Il est possible de contacter le médiateur européen dans l’une des 24 langues officielles de l’UE, en remplissant le formulaire de plainte en ligne dédié. Une fois sollicité, le médiateur européen peut assurer le suivi de la plainte avec l’organisme de l’UE concerné, aider le plaignant à trouver une solution équitable à son problème, adresser des recommandations à l’organisme de l’UE concerné et inspecter des documents européens.

En 2022, le Médiateur européen et ses équipés ont traité 2 238 nouvelles plaintes. Ils ont ouvert 348 enquêtes, dont 4 étaient à l’initiative de Emily O’Reilly, qui occupe le poste depuis 2013. Parmi ces enquêtes, 197 concernaient la Commission européenne. Cette même année, Emily O’Reilly a notamment ouvert des enquêtes sur le traitement réservé par la Banque centrale européenne (BCE) aux cas de “pantouflage” ou sur la manière dont la Commission assure la protection des droits fondamentaux dans les centres de gestion des migrations.

L’une des enquêtes les plus médiatisées concernait l’accès aux échanges de textos entre Ursula von der Leyen et le PDG du géant pharmaceutique Pfizer, Albert Bourla, au moment des négociations entreprises par l’UE pour obtenir des doses de vaccins contre le Covid-19. “Le traitement de cette demande d’accès à des documents laisse la regrettable impression d’une institution européenne qui n’est pas franche sur des questions d’intérêt public majeures”, avait déclaré la médiatrice européenne à l’issue des conclusions de son enquête, souhaitant désormais reconnaître les textos et les messages instantanés échangés entre les fonctionnaires européens comme des documents de l’UE.

Voter et agir en justice

En dehors de ces trois outils spécifiques, il existe pour les citoyens de l’UE deux autres manières d’agir plus traditionnelles : le vote et la justice.

Tous les cinq ans, les électeurs des 27 pays membres de l’Union sont appelés aux urnes pour élire au suffrage universel direct leurs représentants au Parlement européen. Ces derniers endossent le rôle de colégislateurs au sein de l’Union européenne, compétence partagée avec le Conseil de l’UE. Ils disposent ainsi d’un pouvoir législatif, mais également budgétaire et de contrôle politique. Et bien qu’elle ne soit pas directement élue par les citoyens européens, la Commission européenne doit être approuvée par les députés avant d’entrer en fonction. Ceux-ci continuent d’ailleurs de la contrôler tout au long de son mandat.

Les citoyens européens peuvent également agir en justice à l’échelle de l’UE dans certains cas. Un particulier peut par exemple demander à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’annuler une législation européenne qui le concerne directement. Il peut également saisir la Cour s’il estime que le Parlement européen, le Conseil européen ou la Commission européenne ne prennent pas certaines décisions qu’ils devraient prendre. Enfin, une juridiction nationale peut elle-même saisir la Cour de justice de l’UE pour l’interroger sur un cas particulier.

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