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Emmanuel Macron / Marine Le Pen : leurs programmes économiques prennent-ils en compte l’ambition européenne ?

Présidentielle 2022. L’Europe constitue sans doute la principale ligne de fracture entre les programmes du président sortant et de la candidate du Rassemblement national. Quelles sont leurs propositions en matière économique ?

Si Emmanuel Macron entend approfondir la construction européenne, appelant à un “nouveau modèle de croissance”, Marine Le Pen défend un programme plus protectionniste, pariant sur le “patriotisme économique”. Crédits : MarianVejcik / iStock

Deuxième économie de l’Union européenne, la France interagit en permanence avec les autres Etats membres. Ses politiques et sa santé économiques influent sur le reste du Vieux Continent tout comme elles en dépendent. Qu’elles se présentent donc comme européennes ou purement nationales, les réformes économiques promises par Emmanuel Macron et Marine Le Pen lors de leur campagne pour l’élection présidentielle sont à observer à travers le prisme européen.

Deux modèles économiques différents

C’est avant tout une vision de l’Europe et une stratégie économique qui opposent Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Le premier entend approfondir la construction européenne, appelant à un “nouveau modèle de croissance” et rappelant régulièrement qu’il faut agir à 27, “en Européens”. La seconde défend un programme plus protectionniste, pariant sur le “patriotisme économique pour réindustrialiser et produire les richesses en France”.

La candidate du Rassemblement national s’attaque à la concurrence déloyale entre les entreprises. Elle souhaite ainsi rétablir des “contrôles aux frontières” de la France pour “s’assurer de la conformité des marchandises qui sont destinées au marché français”. Les personnes seraient elles aussi contrôlées aux frontières nationales, avec “des procédures de franchissement simplifié pour les citoyens des Etats de l’Union européenne”. Des dispositions contraires aux règles de fonctionnement du marché intérieur et de l’espace Schengen.

Marine Le Pen compte d’ailleurs s’affranchir des règles européennes en matière de commande publique : elle veut appliquer “la priorité nationale (ou européenne dans certains cas)” dans les marchés publics, notamment dans les cantines où 80 % des aliments devraient provenir des fermes françaises. C’est un des aspects du “localisme” promu par la candidate. Elle entend ainsi sortir l’agriculture des traités de libre-échange que l’UE signe avec d’autres pays ou ensembles régionaux dans le monde. Elle plaide pour des accords commerciaux ponctuels sur certains produits, avec l’introduction de “clauses miroir”, c’est-à-dire une réciprocité des normes de production environnementale et sanitaire pour les biens importés de pays tiers. Sur ce point, Emmanuel Macron a soutenu les nouvelles orientations de la Commission et demandé la renégociation de l’accord avec le MERCOSUR afin de tenir compte des standards de développement durable et de protection du climat issus de l’accord de Paris.

Attaché à la coordination des politiques économiques avec les partenaires de la France, Emmanuel Macron défend de son côté un “nouveau modèle de croissance européen”. Lors de sa présentation des priorités de la présidence française du Conseil de l’UE (PFUE, du 1er janvier au 30 juin 2022) en décembre dernier, il ambitionnait en effet de “définir ensemble ce que sera l’Europe de 2030″ afin que l’Europe puisse “produire, créer de la richesse à la pointe de l’innovation”, mais aussi “défendre son modèle social” et “être au cœur de l’agenda climatique”. Une manière pour Emmanuel Macron de positionner le Vieux Continent face à la Chine et aux Etats-Unis.

Le candidat de La République en Marche défend par exemple la “mise en œuvre d’une taxe carbone aux frontières de l’Europe pour éviter la concurrence déloyale”. Dans les faits, un “mécanisme d’ajustement carbone aux frontières”, proposé par la Commission et portée par la France dans le cadre de la PFUE, est en cours de négociation au niveau européen. La PFUE a obtenu un premier accord au Conseil sur ce mécanisme. Emmanuel Macron souhaite aussi instaurer des “mesures miroir” dans le droit du marché intérieur afin de renforcer les normes agricoles et environnementales exigées sur les biens en provenance de l’étranger. Cette question fait l’objet de discussions entre les Etats membres et des propositions de la Commission sont attendues en juin prochain.

Zone euro et règles budgétaires

En 2017, Marine Le Pen promettait la sortie de l’euro par référendum et un retour à une monnaie nationale. Cette question ne fait aujourd’hui plus partie de son programme. “Nous avons changé d’avis sur l’euro, car l’Union européenne a tout changé. Toutes les règles, qui faisaient que je venais vous dire que l’euro ne peut pas survivre, ont été modifiées”, a-t-elle affirmé sur France 2. Marine Le Pen est allée jusqu’à saluer la politique de la Banque centrale européenne (BCE), qui a eu recours à la création monétaire face à la crise de 2008 et à la pandémie de Covid-19.

Marine Le Pen prévoit par ailleurs “de faire passer le déficit budgétaire de la France en dessous de 3 % du PIB dès 2026″ et de stabiliser sa dette publique au cours du prochain mandat. Toutefois, elle ne se réfère pas aux règles budgétaires européennes, qui prévoient un déficit public inférieur à 3 % du PIB pour les pays membres de la zone euro, ainsi qu’une dette publique inférieure à 60 % du PIB. Elle les a dénoncées à plusieurs reprises, évoquant un “carcan budgétaire”. Ces normes ont été mises entre parenthèses depuis le début de la pandémie de Covid-19, et jusqu’en 2023.

Au début de son mandat, Emmanuel Macron souhaitait de con côté mettre en place un budget de la zone euro afin d’éviter les divergences entre des économies qui partagent la monnaie unique. La crise du Covid-19 passée par là, les Vingt-Sept se sont mis d’accord en juillet 2020, sous l’impulsion franco-allemande, pour mettre en œuvre un plan de relance européen doté de 750 milliards d’euros, financé par un endettement commun inédit des Etats membres de l’UE.

Emmanuel Macron plaide aussi pour une réforme des règles budgétaires européennes. Dans les instances de l’UE, la réflexion est actuellement ouverte non seulement pour prolonger la période de suspension provisoire, à cause des conséquences économiques liées à la guerre en Ukraine, mais également pour en réformer le cadre. En amont de la présidence française du Conseil de l’UE, le président de la République avait qualifié le débat autour des 3 % de “dépassé”. “Il faut des règles de convergence financière”, avait-il cependant ajouté. La question est : comment articuler le sérieux budgétaire et la convergence des Européens avec une ambition indispensable pour nous tous”. Le candidat cherche ainsi à concilier baisse de la dette, à partir de 2026, et investissements dans la transition écologique et le numérique et dans les “domaines d’avenir”. Ceux-ci sont déjà considérés comme prioritaires dans le plan de relance français destiné à soutenir l’économie après la pandémie de Covid-19.

L’objectif du plein emploi

Pour les deux candidats, ces méthodes économiques, bien que radicalement opposées, doivent permettre de réaliser une même ambition : atteindre “le plein emploi” durant le quinquennat.

Le nouveau modèle de croissance promu par Emmanuel Macron repose notamment sur de “bons emplois”. A l’échelon européen, cela passe par exemple par l’adoption de la directive sur les salaires minimums, qui inviterait les Etats membres à mettre en place des négociations collectives, en impliquant les partenaires sociaux pour définir des salaires minimaux. Interrogé dans l’entre-deux-tours sur la rémunération très élevée de certains grands patrons, il a esquissé l’idée d’un plafond de salaire au niveau européen. Selon le président-candidat, il faut convaincre les autres Etats “de porter une réforme qui permette d’encadrer la rémunération” des dirigeants d’entreprises.

Marine Le Pen veut assurer “la priorité nationale d’accès à l’emploi”. Une mesure contraire aux principes de libre circulation des personnes et d’accès aux emplois dans tous les Etats membres garantis par le droit européen. Cette mesure, parmi d’autres, nécessiterait une modification des traités, donc l’unanimité des Vingt-Sept. Dans son programme, les subventions aux entreprises seraient par ailleurs conditionnées à la création d’emplois sur le territoire. La cheffe de file du RN entend aussi mettre fin au travail détaché, considéré comme “une délocalisation déguisée”. La directive concernée a été réformée en 2018, limitant notamment le détachement à 12 mois, tandis qu’une directive relative aux transports routiers est venue poser les mêmes règles d’encadrement du travail détaché dans ce secteur d’activité en 2021.

Plus largement, un certain nombre de mesures proposées par la candidate seraient financées par une baisse de la contribution nette de la France au budget de l’Union européenne, qu’elle compte réduire de 5 milliards d’euros par an. En 2020, cette contribution nette était de 9,5 milliards d’euros pour la France. Marine Le Pen devrait alors rouvrir un dossier épineux qui avait déjà profondément divisé les Etats membres, lors des négociations sur le budget pluriannuel 2021-2027 de l’UE.

La question centrale des retraites

Emmanuel Macron souhaite reporter l’âge légal de départ en retraite de 62 ans, aujourd’hui, à 65 ans d’ici 2030. Le candidat a toutefois fait savoir dans l’entre-deux-tours qu’il pourrait revoir les conditions d’une telle réforme. “Dès la réforme passée, on va décaler l’âge légal de 4 mois chaque année” a-t-il expliqué sur le plateau de France 2. “A partir de 2023, il y aura quatre mois de décalage chaque année, ce qui veut dire qu’on arrivera autour de 64 ans en 2027-2028, avec une clause de revoyure”. Les pensions pourraient aussi être indexées sur l’inflation dès cet été.

Cette dernière mesure est également soutenue par Marine Le Pen. En revanche, l’âge légal resterait fixé à 62 ans pour la candidate, qui veut “permettre à ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans pendant 40 annuités de prendre leur retraite à 60 ans”. L’âge de départ reculerait progressivement pour les personnes qui commencent à travailler entre 20 et 21,5 ans, sans dépasser 42 annuités de cotisations.

Pour rappel, l’Union européenne recommande de longue date une réforme du système français de retraites dans le cadre du Semestre européen, un cycle de six mois qui a pour objectif de coordonner les politiques économiques et budgétaires des Etats membres et de préconiser des évolutions.

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