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Lobbies, citoyens, agences... quelle influence sur les décisions européennes ?

Avant de prendre une décision, les institutions européennes consultent d’autres acteurs. Lobbies, citoyens, organes européens… Comment agissent-ils sur la législation européenne ?

La société civile exerce son influence sur les décisions européennes. Ici, l’activiste climatique suédoise Greta Thunberg en visite au Parlement européen, le 4 mars 2020 - Crédits : Pietro Naj-Oleari / Flickr Parlement européen CC BY 2.0

Le 9 décembre dernier, un scandale de corruption d’une ampleur inédite touchant le Parlement européen était révélé au grand jour par la presse. Si l’enquête est en cours et doit permettre de faire toute la lumière sur les faits, l’affaire dite du Qatargate a remis au centre des débats la question de l’influence d’acteurs extérieurs sur les décideurs politiques européens. Entre les lobbies, les citoyens, les différents comités voire les Etats étrangers à l’Union européenne, petit tour d’horizon de ceux qui tentent de peser sur les textes européens.

Qui sont les lobbies qui tentent d’influer sur les décisions européennes ?

Soupçonnés d’être les véritables décideurs à Bruxelles, comment les lobbies interviennent-ils dans le processus décisionnel européen ? Le terme “lobby” (ou “groupe d’intérêt”) ne recouvre pas seulement l’action des grandes firmes internationales. Les multinationales usent effectivement de leurs ressources financières, sociales (leur réseau) et communicationnelles pour essayer d’influencer la prise de décision au sein de l’Union européenne, mais de nombreux autres groupes d’intérêt essaient eux aussi d’avoir un poids auprès des institutions.

La nature des lobbies est ainsi très diverse, allant d’une association patronale comme Business Europe qui représente quarante organisations patronales de 35 pays (dont le MEDEF français) à une union des gardes-forestiers européens. Une ONG, une université, un syndicat, une collectivité territoriale ou encore une fondation religieuse peuvent aussi se constituer en groupes d’intérêt… Mais chaque acteur de ce type dispose de ressources et d’accès aux institutions différents, ce qui a un impact sur le poids qu’il peuvent avoir auprès des pouvoirs publics. Toutes ces entités peuvent choisir d’agir par leurs propres moyens ou en faisant appel à l’un des nombreux cabinets de consultants présents dans la capitale belge.

La Haute autorité pour la transparence de la vie publique en France définit six catégories principales de lobbyistes au niveau européen : “des cabinets de consultants, des entreprises et associations syndicales, des groupes de réflexion (think tanks) et institutions académiques, des organisations cultuelles, des représentations d’autorités locales et autres entités publiques”.

Les lobbies ont plusieurs moyens d’action pour essayer d’influencer la prise de décision de l’Union européenne : contacts personnalisés avec les membres d’institutions européennes, presse, campagnes de mobilisation, groupes de réflexion/think tanks, participation à des groupes consultatifs et de travail… les possibilités d’action sont vastes.

Les groupes d’intérêt représentent une source d’expertise pour les députés et fonctionnaires européens. A ces derniers de garder ensuite le recul nécessaire face à des discours toujours orientés… L’enjeu réside dans leur faculté à faire le tri et, surtout, à consulter une pluralité d’acteurs qui leur permettra de se forger une vision la plus nuancée possible de la situation.

A l’occasion du Qatargate, la question de la transparence s’est de nouveau révélée d’un intérêt public majeur. Avant même ce récent scandale, l’opacité des relations entre acteurs publics et privés était régulièrement dénoncée. Des progrès ont été réalisés avec la mise en place en 2011 d’un registre de transparence commun au Parlement européen et à la Commission. Rejoints dix ans plus tard par le Conseil de l’UE en 2021, après une réforme du système. Cette base de données répertorie l’ensemble des entités qui souhaitent mener des activités de lobbying.

Mais ces avancées apparaissent à plusieurs égards limitées et des progrès pourraient encore être accomplis. Ainsi, si l’inscription au registre de transparence est obligatoire pour obtenir une accréditation au Parlement européen et participer à des auditions, rencontrer des commissaires européens et des membres de leur cabinet ou encore accéder aux locaux du Conseil de l’UE, cette règle est peu contrôlée. De plus, cette inscription sur le registre de transparence n’est pas obligatoire pour les anciens eurodéputés ou pour les représentants d’Etats tiers. Au 25 janvier 2023, 12 439 entités y sont inscrites. Or selon l’ONG Transparency International, ils seraient près de 48 000 individus à travailler à Bruxelles pour des organisations “cherchant à influer les institutions et les décisions européennes”.

Du côté des parlementaires européens, l’obligation de déclarer leurs entretiens avec des représentants d’intérêts ne concerne qu’une poignée d’entre eux (présidents de commission, rapporteurs et rapporteurs fictifs). Par ailleurs, les rencontres considérées comme informelles, par exemple une invitation à un cocktail, ne sont pas couvertes par cette obligation.

Vers un renforcement des règles de transparence au Parlement européen après le Qatargate ?

Le 12 janvier 2023, un mois après la révélation du scandale, la présidente du Parlement européen a présenté une série de mesures contraignantes pour renforcer la transparence de l’activité des députés et de leurs assistants. Le texte propose par exemple d’interdire aux anciens députés européens de faire directement du lobbying à la fin de leur mandat et d’accéder librement aux bâtiments.

Comment les citoyens européens font-ils entendre leur voix ?

Comme dans toute démocratie représentative, l’un des principaux pouvoirs des citoyens repose dans les élections européennes et nationales. Leur vote détermine les orientations politiques de l’Union. Les députés européens élus par les citoyens lors des élections européennes amendent et votent la législation européenne.

Les Etats membres ayant un rôle majeur dans l’élaboration des politiques européennes, le vote des citoyens aux élections nationales est aussi déterminant pour l’avenir de l’UE. La réélection de David Cameron au Royaume-Uni en 2015, en partie sur la promesse de mener un référendum sur la sortie de son pays de l’Union européenne, laquelle a conduit au Brexit, en est peut-être l’exemple le plus frappant.

Au niveau de la Commission européenne, l’influence s’exerce en particulier par le biais de consultations publiques, organisées par l’exécutif européen lorsqu’elle souhaite proposer un nouveau texte législatif ou en réviser un. Chaque consultation vise un public particulier, du citoyen aux parlements nationaux en passant par les entreprises.

Depuis l’entrée en vigueur du traité de Maastricht (1993), les citoyens ont également un droit de pétition. Ces pétitions sont adressées au Parlement européen et doivent porter sur un domaine qui relève des compétences de l’Union européenne. Les eurodéputés, après étude de recevabilité par la commission des pétitions, peuvent ensuite demander à la Commission européenne de se saisir du sujet soulevé par la pétition.

Depuis le traité de Lisbonne (entré en vigueur en 2009), les citoyens disposent en outre de l’initiative citoyenne européenne (ICE) : si un million de citoyens européens d’au moins sept Etats membres soutiennent une initiative, la Commission est tenue d’examiner la proposition. Cette dernière n’est cependant pas contrainte de donner suite à l’initiative. 

Autre levier d’influence pour les citoyens : la justice. Il leur est possible de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). S’ils estiment, par exemple, que la Commission n’a pas fait correctement appliquer une directive, ils ont le droit de l’attaquer. De même, s’ils considèrent qu’une législation est contraire aux traités, ils peuvent la contester.

Quel rôle pour les agences et comités européens ?

Les agences de l’Union européenne sont des organes, qui disposent d’une personnalité juridique, chargés d’un domaine spécifique parmi les politiques de l’Union européenne. Si elles ont un rôle principal d’exécution, celles-ci peuvent également être amenées à produire des avis et certaines de leurs actions ont un poids considérable. C’est ainsi l’Agence européenne des médicaments qui a délivré l’avis favorable aux différents vaccins contre le Covid-19, avant qu’ils puissent recevoir une autorisation de mise sur le marché par la Commission européenne.

Cinq groupes d’agences européennes sont à distinguer. Les agences décentralisées assument des fonctions liées à la mise en œuvre des politiques de l’UE. L’Agence européenne des produits chimiques par exemple, créée par le règlement REACH de décembre 2006, a pour rôle de réguler les substances chimiques en évaluant notamment leur dangerosité. Les agences exécutives sont quant à elles mises en place par la Commission européenne pour une durée limitée afin de gérer des programmes de l’UE, à l’instar de l’Agence exécutive pour la recherche (REA) qui prend en charge des subventions en faveur de la recherche. Deux autres groupes d’agences concernent celles liées à la politique de sécurité et de défense commune et les agences et organes Euratom. Enfin, une dernière catégorie d’agences regroupe des organismes créés dans le cadre de partenariats public-privé entre la Commission européennes et des entreprises privées.

Deux comités tentent également de conduire les décideurs européens à penser les textes législatifs en fonction des perspectives qu’ils mettent en exergue (celles du monde du travail, des ONG ou encore des régions…). Leur fonction reste toutefois consultative.

Le Comité social et économique européen (CESE) est composé de 329 membres représentant les milieux économiques et sociaux. Ceux-ci représentent trois groupes : les employeurs, les confédérations syndicales et les activités diverses (dont les ONG). Les membres sont proposés par les gouvernements nationaux.

Lorsque la Commission informe le CESE de sa volonté de proposer une nouvelle législation, ses membres, issus de la société civile, se rassemblent selon la section concernée (il existe 6 sections thématiques) en groupe d’étude et publient un avis. Dans l’exemple d’une législation sur la pollution, ce serait la section “Agriculture, développement rural et environnement” qui étudierait le projet de proposition de la Commission. Un de ses objectifs serait alors de faire valoir les intérêts des secteurs économique et social en apportant l’expérience du “terrain” de ses membres. 

Créé par le traité de Maastricht et composé de 350 membres, le Comité européen des régions (CdR) regroupe des représentants de différentes régions et villes européennes. Lorsqu’il est consulté, il apporte l’expertise des élus locaux et régionaux et veille au respect du principe de subsidiarité. Le CdR publie des avis et des recommandations. Dans le cas des émissions polluantes, le Comité pourrait par exemple recommander une politique à plusieurs échelons et les moyens à mettre en œuvre aux échelles locale et régionale.

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