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Royaume-Uni : nouveau mandat à hauts risques pour David Cameron

Obtenir un meilleur “deal” européen pour la Grande Bretagne et éloigner la perspective d’un ‘Brexit’. Maintenir l’Ecosse, de plus en plus indépendantiste, dans le Royaume. Conforter les bonnes performances économiques. Trois sujets explosifs et potentiellement contradictoires qui vont grandement occuper David Cameron, fraichement réélu à la tête du gouvernement britannique. Car si sa victoire inattendue du 7 mai conforte naturellement le Premier ministre sortant, ce dernier ne disposera que d’une courte majorité à Westminster et devra composer avec une frange de plus en plus droitière et eurosceptique au sein de son parti.

David Cameron

Un gouvernement de combat contre Bruxelles

De toute évidence, David Cameron, tout juste reconduit au 10 Downing Street, n’aura pas le loisir de profiter de son triomphe du 7 mai. Le Premier ministre britannique, pragmatique et fin politicien, ne s’est d’ailleurs pas reposé sur ses lauriers lors de son discours de victoire, même si cette dernière était inattendue et qu’elle lui confère une légitimité démocratique inégalée depuis son accession à la tête du gouvernement en 2010.

D’abord parce qu’il sait que si se passer d’une coalition n’était pas une mince affaire, sa majorité à Westminster est pour le moins étroite : 331 sièges sur 650. David Cameron devra dès lors s’assurer d’une discipline de parti sans faille et éviter de nouvelles défections vers le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP), comme ce fut le cas durant son premier mandat. De fait, les rangs conservateurs ne sont pas homogènes et la frange droitière et eurosceptique de plus en plus significative.

La composition du nouveau gouvernement est de nature à la satisfaire. George Osborne, Chancelier de l’Echiquier, principal chef d’orchestre de la politique libérale et austéritaire du Royaume-Uni depuis 5 ans, est conforté dans ses fonctions. Il sera même vice-Premier ministre et bras armé de David Cameron. Theresa May reste ministre de l’Intérieur, tandis que Philip Hammond, ouvertement eurosceptique, conserve les Affaires étrangères. Enfin, Boris Johnson, le sémillant et également eurosceptique maire de Londres, est également intégré aux réunions du gouvernement, sans toutefois disposer d’un portefeuille afin de se concentrer sur les élections municipales prévues pour 2016.

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Le Premier ministre, qui fait le choix de la stabilité, envoie donc un signal fort à Bruxelles, comme le demandait son parti : il n’entend pas revenir sur sa promesse de référendum sur la place du Royaume-Uni dans l’Union européenne. Et ce n’est pas le Parti travailliste, terrassé par son pire score depuis les années Thatcher, et dont le leader, Ed Miliband, est logiquement démissionnaire, qui sera à même de contester cette entreprise. Pas plus que les libéraux-démocrates, qui se sont fait tailler des croupières par les conservateurs, leurs anciens partenaires de coalition. Nick Clegg, vice-Premier ministre sortant, a également quitté la tête de son parti.

Renégocier pour éviter un ‘Brexit’

Cette tradition politique britannique a par contre été bafouée par Nigel Farage, patron du UKIP. Battu dans le Kent, celui-ci a démissionné avant de revenir sur sa décision… quatre jours plus tard. Il tâchera désormais de s’appuyer sur les 12,6% des suffrages obtenus par son parti, qui ne se reflèteront cependant pas à Westminster, scrutin majoritaire à un tour oblige. Nul doute toutefois que M. Farage se fera fort d’occuper toute sa place lors du prochain débat sur l’Europe et de militer bruyamment pour un départ du Royaume-Uni de l’UE.
De Bruxelles, David Cameron tentera d’obtenir que les pays non membres de la zone euro gardent leur mot à dire dans l’approfondissement de l’intégration économique et politique ; que l’idée d’une “Union toujours plus étroite” soit ôtée des traités ; ou encore que le marché unique européen soit, lui, encore renforcé. Autant d’éléments, à la portée parfois simplement symbolique, qui ont une réelle chance de trouver satisfaction.

Sur la question de l’immigration en revanche, David Cameron doit s’attendre à une vive opposition de la part de ses partenaires continentaux. La remise en cause du principe de libre-circulation des travailleurs fait à cet égard figure de ligne rouge indépassable pour les Européens. Conscient de l’obstacle, le Premier ministre s’est d’ailleurs employé à nuancer son propos, ne parlant plus que de mesures ne relevant que de la législation nationale, comme conditionner les prestations sociales à une durée - en l’occurrence longue : 4 ans - de cotisation pour les résidents européens.

Et pour mener à bien ce dossier sur lequel ses troupes et ses électeurs ne manqueront pas de le juger, David Cameron pourrait être tenté d’accélérer le calendrier. De fait, le référendum promis pourrait avoir lieu dès l’an prochain. Sa position dans la future campagne dépendant, elle, des concessions qu’il aura obtenu, ou non, de Bruxelles et des Etats membres. Pour l’heure, la perspective du ‘Brexit’ semble plutôt improbable. La population britannique, d’après les derniers sondages - par ailleurs décrédibilisés par leur incapacité à prévoir les dernières élections - voterait à une courte majorité pour rester dans l’UE. Une position soutenue par la City de Londres, consciente des risques économiques.

Maintenir l’unité du Royaume

Le choix de 2016 pour tenir ce périlleux référendum apparaît dès lors plutôt judicieux. David Cameron n’a aucun intérêt à attendre 2017, année électorale en France et en Allemagne, une période tout sauf favorable aux changements politiques d’envergure. Et le Premier ministre pourra également encore compter sur la stature que lui offre sa réélection. Les conservateurs seront d’ailleurs d’autant plus enclins à restreindre leurs ardeurs eurosceptiques que le maintien de l’Ecosse dans le Royaume-Uni semble en dépendre.

Ici réside d’ailleurs le grand paradoxe de la mission de David Cameron au cours des cinq prochaines années : obtenir des gages de Bruxelles au risque de se rapprocher irrémédiablement d’une sortie de l’UE et calmer les velléités indépendantistes des Ecossais, résolument pro-Européens. Naturellement, le triomphe des indépendantistes écossais (SNP) le 7 mai - ces derniers occupent désormais 56 des 59 sièges écossais à la Chambre des communes - complique encore la donne pour le Premier ministre. Pour l’heure, ce dernier peut s’appuyer sur le verdict du dernier référendum sur cette question, qui date de moins d’un an, et sur sa promesse d’une “dévolution maximale” de pouvoirs au Parlement d’Edimbourg.

En 2016 pourraient d’ailleurs se confondre le référendum sur la place du Royaume-Uni dans l’UE et les élections législatives écossaises où le SNP tentera de confirmer sa percée en vue d’une éventuelle nouvelle consultation sur l’indépendance. Un difficile numéro d’équilibriste attend donc David Cameron qui devra en plus composer avec le ressentiment grandissant de cette nation constitutive du Royaume vis-à-vis de sa politique d’austérité qui a eu de lourdes conséquences sur les Britanniques les plus pauvres.

Les cent et quelques premiers jours du nouveau mandat du gouvernement pourraient donc être déjà décisifs. Il devra trouver un terrain d’entente avec des Européens sur la défensive avec les sempiternelles spécificités et exigences britanniques. Il devra donner des gages à ses électeurs qui ont récompensé son bilan économique : de nouvelles coupes budgétaires sont prévues. Et il devra ménager l’Ecosse en position de quasi sécession électorale.

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