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[Politique fiction] Quelle Europe en 2017 ? Marine Le Pen présidente de la République, isolée à la table des 28

Pour lancer l’année 2017, Toute l’Europe se prête au jeu de la politique fiction et propose une perspective à un an dans laquelle Marine Le Pen a remporté l’élection présidentielle, mais pas les législatives. La nouvelle présidente se trouve finalement rapidement en difficulté face à un gouvernement d’union nationale et aux dirigeants européens.

De gauche à droite : François Fillon, Angela Merkel et Marine Le Pen

Vendredi 15 décembre 2017, Conseil européen, Bruxelles


Les murs ne tremblent jamais vraiment au Conseil européen. Mais celui de décembre a bien confirmé le vent nouveau qui souffle en Europe. Les chefs d’Etat et de gouvernement européens, à l’exception notable des Premiers ministres polonais et hongrois, boudeurs, semblent heureusement avoir entendu le message envoyé avec brutalité par les Français le 7 mai dernier lorsqu’ils ont élu Marine Le Pen à la présidence de la République.

De fait, accompagnée de “son” Premier ministre de cohabitation, François Fillon, la cheffe de l’Etat frontiste, en dépit de son éternel sourire et de son remarquable aplomb, a connu un délicat sommet européen parsemé de défaites.

Postulat

Après avoir remporté l’élection présidentielle le 7 mai 2017 avec près de 52% des voix, Marine Le Pen et le Front national échouent à obtenir la majorité absolue lors des élections législatives du 18 juin.

Un sursaut anti-frontiste qui n’aura toutefois accordé la majorité à aucun parti, obligeant ainsi la formation d’un gouvernement de cohabitation et d’union nationale, mené par François Fillon.

Capitulation de Theresa May ?

Sur le Brexit d’abord, car les Européens ont mené la vie dure à Theresa May. Après avoir remercié son ministre des Affaires étrangères Boris Johnson à la suite d’un nouvel écart de comportement en juin, la Première ministre britannique semble être sur le point d’accepter de conserver la liberté de circulation pour les ressortissants européens afin d’éviter la déconfiture économique que représenterait un “hard Brexit” . Face à la fermeté de Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, et de Michel Barnier, le peu riant négociateur en chef du Brexit, il a dû y avoir quelque chose de jubilatoire, pour les Européens, à voir Mme May au bord de la capitulation. De quoi un peu plus battre en brèche les velléités de Mme Le Pen d’organiser un référendum français d’appartenance à l’Union européenne.

S’agissant de la politique européenne de sécurité, la présidente française s’est également retrouvée bien isolée à la table des 28. Car s’il ne fait aucun doute que les avancées réalisées depuis l’attentat de Berlin de décembre 2016 ne sauraient prémunir totalement les Européens contre le risque terroriste, force est de constater les résultats encourageants du renforcement de la coopération entre les services de renseignement. Ainsi que du Centre européen du contre-terrorisme créé au sein d’Europol en janvier 2016. Des résultats symbolisés par plusieurs enquêtes européennes ayant abouti à des captures de personnes fortement soupçonnées de fomenter des actions terroristes en France, Allemagne, Belgique et Pays-Bas.

Le départ de Schäuble lance l’allègement de la dette grecque

Sur le plan économique enfin, la volonté de Mme Le Pen de sortir de l’euro pour balayer ce qu’elle ne cesse d’appeler “le diktat de Bruxelles et Berlin” sur les budgets nationaux tend, elle-aussi, à perdre sérieusement en poids. A cet égard, la mise à la retraite du très rigide ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble en octobre par Angela Merkel après sa réélection triomphale à la tête de l’Allemagne (notamment aux dépens de la droite radicale et souverainiste), n’y est pas étrangère.

Elément vraisemblable de l’accord de coalition passé entre les chrétiens-démocrates de Mme Merkel et les Verts, ce départ ouvre en effet la voie à la mise en œuvre d’une politique de relance de grande ampleur. Critiqué de longue date, le dogme de l’équilibre budgétaire et des cures d’austérité semble se fissurer. Elément le plus symbolique : un accord historique pour une réduction de la dette grecque est sur les rails, après plusieurs années de blocage.

Après la France, où le Front national a conquis le pouvoir, l’enjeu, pour l’Allemagne et les Européens, est de ne pas voir les partis populistes obtenir le pouvoir en Italie. Un pays où le risque est maximal après le difficile retour au pouvoir de Matteo Renzi en juin, à la tête d’un gouvernement minoritaire face auquel le Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo est plus que jamais en embuscade. Cet assouplissement économique, couplé avec le renforcement de l’intégration européenne en matière fiscale, votée en novembre par le Parlement européen, a donc redonné des couleurs à l’Europe après un premier semestre 2017 de soupe à la grimace.

Le Conseil se réhabitue à la cohabitation

Dans ce contexte, la cohabitation entre Marine Le Pen et François Fillon a de faux-airs de guérilla. A la manière de François Mitterrand face à Jacques Chirac en 1986, la présidente a refusé à deux reprises cet automne de signer les ordonnances de son Premier ministre. En retour, M. Fillon a multiplié les discours offensifs à l’Assemblée nationale face aux quelque 154 députés FN.

Fort du soutien de la grande majorité du Conseil européen, le Premier ministre n’a rien concédé à la cheffe de l’Etat. Ce dernier est ainsi allé jusqu’à tenir sa conférence de presse en même temps que la sienne, après le désormais traditionnel dîner consacré au Brexit, sans la cheffe du gouvernement britannique. Avec son calme habituel et une stature d’homme d’Etat retrouvée après quelques semaines marquées par l’accablement en mai et juin, le chef des Républicains s’est montré incisif pour démonter chaque position de la présidente frontiste, cherchant manifestement à la présenter comme une amateure.

Après six mois logiquement hésitants à la tête d’un gouvernement “d’union nationale” très hétéroclite sur le plan politique, M. Fillon semble donc avoir atteint sa vitesse de croisière. A l’instar de l’exfiltration de M. Schäuble en Allemagne, la démission forcée, en septembre, de Laurent Wauquiez, éphémère ministre de l’Intérieur, a permis de resserrer les rangs au sein de l’exécutif. Protégé par François Fillon, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes aura en effet causé sa propre perte en s’alignant d’un peu trop près sur la position du Front national en matière anti-terroriste, réactivant l’idée, déjà repoussée par le Conseil constitutionnel, de l’internement des fichés S. Une ultime sortie qui a peut-être sauvé le fragile alliage allant de la ministre des Affaires sociales Najat Vallaud-Belkacem, jadis honnie par la droite, à Bruno Retailleau, ministre des Finances autrefois proche de Philippe de Villiers.

La synthèse à tout prix

Le Premier ministre peut par conséquent aborder l’année 2018 avec un semblant de sérénité. A contre-emploi dans le rôle très “hollandien” du facilitateur de synthèses, François Fillon devra toutefois se montrer habile pour maîtriser sa “grande coalition” , dont la France est si peu coutumière. Outre le remerciement de M. Wauquiez, confier la présidence de l’Assemblée nationale à Benoit Hamon, candidat surprise de la gauche lors de la présidentielle, a été une autre bonne décision opérée par le chef du gouvernement.

Angela Merkel est de loin la dirigeante européenne en poste depuis le plus longtemps. Elle n’était cependant pas encore chancelière lors de la dernière cohabitation, entre Jacques Chirac et Lionel Jospin de 1997 à 2002. Malgré tout, elle ne s’y est probablement pas trompée, le 17 juin dernier, lors du premier déplacement à l’étranger de François Fillon, nouvellement nommé à Matignon, en soutenant que la France n’a pas eu à pâtir de ces périodes où “le gouvernement était tenu de s’appuyer de tout son poids sur la légitimité du Parlement” .

Par Jules Lastennet

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