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Les élections grecques vues par les jeunes Grecs

Ce week-end les Grecs se rendront à nouveau aux urnes pour choisir leurs députés. L’Europe entière suit ces élections de très près, curieuse de voir quel sera le nouveau gouvernement avec lequel Bruxelles devra dialoguer. Dans le pays, ce scrutin est également perçu comme un moment décisif, et les Grecs, notamment les jeunes, ne savent pas à quoi s’attendre.

Une génération en quête d’avenir

“Je ne sais pas ce qui se passera demain. On pourrait le demander à n’importe quel Grec, personne ne saurait répondre. Tout a changé trop vite” . Tasos Karakatsanis ne réussit pas à décrire la Grèce après le 17 juin. Ce Grec de 38 ans a pourtant un diplôme en économie et un doctorat en sciences politiques, mais depuis le début de la crise son pays a trop changé pour qu’il puisse le reconnaître. En moins de trois ans le taux de chômage a doublé, tandis que les mesures d’austérité ont fait augmenter les prix et baisser les salaires. Aujourd’hui, 22% des Grecs sont au chômage, un sur deux chez les jeunes de 15-24 ans.

De son côté, Tasos travaille. Après son doctorat en Angleterre, il est rentré à Athènes, et il a été embauché dans une entreprise qui vend des stands et des équipements pour les expositions. “Ce n’est pas vraiment le travail que je voulais, mais ça va” , dit-il. Ce week-end il votera pour SYRIZA ou pour le parti DIRAM (Gauche Démocratique) : “j’espère que c’est une coalition de gauche qui remportera les élections, mais je voudrais que ce soit une coalition équilibrée, par exemple avec SYRIZA, DIRAM et PASOK” , imagine-t-il. Le leader de SYRIZA, Alexis Tsipras, vient d’affirmer lors d’un débat télévisé que “la chose la plus importante c’est que la Grèce ait un gouvernement” . Tasos y croit. “Je pense que SYRIZA a refusé de former un gouvernement après les élections du 6 mai parce qu’elle croit ainsi augmenter son score aux prochaines élections” , explique-t-il.

Cette fois-ci, la coalition de gauche radicale (donnée gagnante selon les sondages) pourrait donc sceller des alliances. S’il y avait un résultat pareil aux élections de dimanche, le futur gouvernement grec remettrait en discussion les plans de sauvetage signés avec la Troïka. “Renégocier ces accords est essentiel” , affirme Tasos, “il est suffisant de regarder autour de nous : les sans-abris sont de plus en plus nombreux, le mouvement fasciste gagne du soutien, les gens n’ont plus aucun espoir ! Cela fait deux ans qu’on a que des mesures d’austérité, si on continue comme ça, il n’y aura plus de cohésion social, ça serait la jungle ici !”

Fuir l’austérité

Depuis le premier plan de rigueur, la Grèce a connu plus d’une dizaine de grèves générales. La dernière, en février dernier, a abouti à une guérilla urbaine : 45 bâtiments incendiés et plus d’une centaine de personnes blessées, policiers et citoyens. Mais les deux gouvernements qui se sont succédés depuis l’automne 2009 n’ont jamais cédé à la rue, et les mesures d’austérité concédées à la Troïka ont été toutes appliquées. Aujourd’hui, pour les jeunes Grecs, le futur dans le pays apparait incertain. Alors que le salaire minimum a chuté à 508 euros brut (460 pour les moins de 25 ans), près d’un jeune sur 3 serait prêt à partir à l’étranger, indique un sondage Eurobaromètre de janvier 2012. Pour la seule année 2011, plus de 23 000 jeunes diplômés ont quitté la Grèce pour s’installer en Allemagne, rapporte l’AFP.

La Grèce vue des étrangers

Grâce à un partenariat de l’université de Montpellier, Mélissa Conord est partie en Grèce en février dernier. Pendant un semestre, elle a suivi des cours à l’université de l’Egée, sur l’île de Lesbos. “Lors des élections du 6 mai, tous nos amis grecs sont rentrés chez eux pour voter, mais ils ne savaient pas trop ce qui allait se passer” . Rentrée en France, elle pense repartir en Grèce cet été, pour se rapprocher de son nouveau compagnon originaire de Crète. “Je parle souvent avec lui, mais jamais de la crise. J’ai compris qu’il ne faut pas aborder le sujet. Il n’y a pas trop de boulot en ce moment, et même si les Grecs cherchent à le prendre bien, c’est un moment difficile” .


Tasos Koumasidis, 31 ans, a fait le même choix, mais il n’a pas opté pour l’Allemagne. Pour le joindre il faut composer le 0044, le préfixe du Royaume Uni. “Je suis arrivé ici en février 2010. Avant, j’étais à Athènes et j’avais un travail comme technicien dans une station télé. Mais en novembre 2009 j’ai été viré” , raconte Tasos. A la différence de son homologue qui travaille encore dans la capitale grecque, lui est parti à l’étranger. Initialement il pensait n’y rester que quelques mois, aujourd’hui il habite Londres depuis deux ans déjà.

“J’aimerais bien rentrer en Grèce” , avoue-t-il, “mais ce n’est pas possible pour le moment avec la situation qu’il y a” . Il avait pensé rentrer pour les élections, mais a finalement eu un empêchement professionnel et n’a pas pu partir.

“Je ne sais pour qui j’aurais voté. SYRIZA est trop extrémiste pour moi, mais la Nouvelle Démocratie et le PASOK sont les responsables de cette crise” , affirme Tasos. “J’aurais peut-être voté pour un parti plus centriste et pro-européen. Le DIMAR, peut-être” . Même s’il a loupé ce scrutin, il croit qu’il y en aura probablement un autre d’ici trois mois, “que ça soit SYRIZA ou la Nouvelle Démocratie qui remportent les élections” . “Ils ne pourront pas tenir plus que quelques mois : SYRIZA a trop promis et les conservateurs seraient délégitimés par les manifestations” affirme-t-il. En tous cas, quel que soit le résultat, Tasos ne pense pas se réinstaller en Grèce : “la plupart de mes amis” , justifie-t-il, “sont également à l’étranger” .

Parmi les amis de Tasos Koumasidis qui sont partis à l’étranger, il y a Panos Antonopoulos, un ancien camarade de lycée. Parti en septembre 2009, avant le début de l’austérité, Panos a traversé l’Europe : Barcelone, Londres et enfin Paris. Ingénieur, il a travaillé à Athènes et à Chypre, avant de quitter le pays. “J’avais envie de vivre ailleurs, je ne suis pas parti à cause de la crise, bien que mon secteur, l’ingénierie environnementale, ne soit pas encore très développé dans mon pays” .

La Grèce lui manque un peu, affirme-t-il alors qu’il se prépare une salade avant d’aller voir Grèce-République Tchèque à la télévision. “Mais je n’y rentrerais pas maintenant. J’aime bien vivre à l’étranger” , raconte-t-il. “En plus, j’ai un regard plus objectif en étant ici. Je peux lire les commentaires de la presse étrangère sur ce qui se passe à Athènes, et ça me permet de relativiser les discours des politiques grecs” .

Il ne rentrera pas pour les élections : “même si j’étais là, je ne voterais pas. J’en ai marre de voter pour le moins pire” , admet-il. “Et puis, ça coûterait cher. Les prix ont explosés en Grèce. On peut payer jusqu’à 7 euros pour un capuccino, 5 ou 6 pour une bouteille de bière” , raconte Panos. “Ici, faire les courses est moins cher qu’à Athènes” , dit-il en regardant le va-et-vient des gens rue de Belleville. Deux heures plus tard, il est au téléphone avec Giannis Vavitsas, un autre ami qui est resté à Athènes. Ils commentent la défaite de la sélection grecque. “Je ne crois pas qu’on sortira de la zone euro” , dit Giannis, “ce qui est sûr, c’est que si on continue à jouer comme ça on sortira de l’EURO 2012 !” .

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