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Les élections grecques angoissent l’Europe

Au lendemain des élections du 6 mai 2012, le panorama politique grec était bouleversé. Depuis la fin de la dictature des colonels en 1974, seuls deux partis se sont alternés au pouvoir : la Nouvelle Démocratie (conservateur) et le PASOK (socialiste). Mais alors que chacun d’entre eux avait toujours remporté plus de 40% des voix, lors des dernières élections ils ont recueilli ensemble moins de 33% des suffrages. Et à en croire les sondages, le futur gouvernement pourrait se faire sans eux.

Elections grecques du 17 juin : SYRIZA y croit

Deux millions et huit cent mille grecs ont tourné le dos au PASOK et à la Nouvelle Démocratie lors des élections du 6 mai 2012. Il s’agit d’une petite révolution pour la politique grecque, habituée à voir ces deux partis faire le beau et le mauvais temps à Athènes. “Les gens votaient le PASOK ou la Nouvelle Démocratie plus par tradition que par conviction. Maintenant ils ont ouvert les yeux” , affirme Marica Frangakis, économiste grecque et membre de SYRIZA, la coalition de gauche radicale qui a vu son score exploser lors du dernier scrutin.

Depuis sa création en 2004, SYRIZA (une coalition de plus de dix petits partis) n’avait jamais dépassé la barre des 6%. Lors des élections européennes de 2009, par exemple, elle n’avait pu envoyer à Bruxelles qu’un seul de ses candidats, M. Nikolaos Chountis, qui siège aujourd’hui dans le même groupe que Jean-Luc Mélenchon (GUE/NGL). En mai dernier, pourtant, le parti guidé par Alexis Tsipras a remporté plus d’un million de votes, soit 16,78% et 52 députés à la Vouli, le parlement d’Athènes. En outre, selon le dernier sondage Public Issue réalisé pour le quotidien Kathimerini, SYRIZA pourrait atteindre 31,5% aux élections du 17 juin prochain, devenant ainsi la première force politique du pays.



Marica Frangakis
est membre du comité central de Synaspismos, le principal parti qui forme la coalition de gauche SYRIZA. Economiste de formation, elle est membre de l’EuroMemo Group (un groupe d’économistes pour une économie alternative en Europe) et elle est également engagée dans le mouvement ATTAC (Association pour la Taxation des Transactions financière et l’Aide aux Citoyens), fondé à Paris en 1998.

Au QG de SYRIZA l’atmosphère est euphorique. “Nous recevons énormément d’appels des médias étrangers” dit Natasha, une activiste du parti que nous avons joint par téléphone. “Ce matin j’ai déjà fait deux interviews et il n’est que 10 heures, il faudra bien que je commence à travailler à un moment donné !” , plaisante-t-elle. Au comité central l’enthousiasme est mieux caché. “Nous nous attendons à un très bon score, mais dépasser 35% serait une belle surprise” , affirme Marica Frangakis, l’une des dirigeantes du parti. En effet, pour remporter la majorité des sièges au parlement grec, le parti devrait dépasser ce cap, dans le cas contraire il serait nécessaire de former des alliances.

“Franchement” , commente Gerard Papasimakopoulos, journaliste de Athens News, “je ne crois pas que SYRIZA sera le seul gagnant de ces élections. J’espère qu’ils soient prêts à former un gouvernement de coalition” . Sur ce sujet le parti n’a pas une position nette. Lors d’une interview télévisée, mardi 12 juin, Alexis Tsipras a déclaré que “la chose la plus importante c’est que la Grèce ait un gouvernement après les élections” . Cependant, son parti n’a pas encore signé d’alliance. “Nous avons invité le KKE [le Parti Communiste Grec] à collaborer, mais ils ont refusé” , s’excuse Mme Frangakis. A part les communistes, d’autres partis pourraient rejoindre SYRIZA dans un futur gouvernement : notamment le DIMAR (Gauche Démocratique), l’aile centriste de SYRIZA, indépendante depuis 2008 et forte de 7,5% des voix selon les sondages. Le PASOK pourrait également rentrer dans le club, avec un score de 13,5% selon les sondages. Ces scénarios ne suscitent pas d’enthousiasme chez SYRIZA. “Le DIMAR a voté ‘non’ au deuxième plan de sauvetage en 2009, mais il a critiqué la gauche allemande pour avoir fait la même chose à Berlin. Ils n’ont pas les idées très claires” , accuse Mme Frangakis, “et le PASOK, c’est lui qui a emmené la Troïka ici!” .

Une question de démocratie ?

Les intentions de vote des Grecs

Public Issue a réalisé le 1er juin un sondage pour le quotidien Kathimerini. A croire ce sondage, les Grecs pourraient voter ainsi :

31,5% SYRIZA (Coalition de gauche radicale)

25,5% Nouvelle Démocratie

13,5% PASOK

7,5% DIMAR (Gauche Démocratique)

5,5% KKE (Parti communiste grec)

5,5% Parti des Grecs indépendants

4,5% Aube dorée

2,5% Libérales

4% Autres

Le premier juin dernier, le London Review of Books a publié un article du philosophe slovène Slavoj Žižek, qui invite les européens à supporter SYRIZA. Selon M. Žižek, le 17 juin prochain les Grecs auront “un véritable choix” , mais, dit-il, pour Bruxelles il n’y aurait qu’un seul “bon choix” , c’est-à-dire la victoire du PASOK ou de la Nouvelle Démocratie. La vision des leaders européens est très simple, écrit le philosophe slovène : “Un seul résultat - le bon avancent-ils - permettrait au douloureux mais nécessaire processus de sauvetage du pays par l’austérité de continuer. L’autre choix - si le parti ‘d’extrême gauche’ SYRIZA venait à l’emporter - conduirait le pays au chaos et verrait l’avènement de la fin du monde (européen) tel que nous le connaissons” . Une victoire de SYRIZA , conclut M. Žižek, pourrait donc mettre l’Europe face à l’imprévu de la démocratie : Bruxelles serait alors obligée de tenir en compte la volonté du peuple grec.

Le philosophe de Ljubljana n’est le seul à penser que les élections grecques seront un “test démocratique” pour l’Europe. Adriano Sofri, l’ancien membre de Lotta Continua, partage le même avis. Sorti de prison en janvier 2012 après 22 ans de détention, M. Sofri a rencontré la semaine dernière le porte-parole de SYRIZA, Vassilis Moulopoulos. L’interview a été publiée sur le quotidien italien “La Repubblica” . “Les détracteurs de SYRIZA” , écrit l’intellectuel italien, “ces partis fidèles, auxquels l’Europe des banques accordent la stabilité, sont les mêmes qui ont emmené la Grèce jusqu’ici. Et les Grecs les détestent” . Au lieu de la craindre, l’Europe devrait donc se réjouir d’une victoire de la coalition de gauche radicale. “SYRIZA pourrait introduire dans les institutions européennes l’idée d’une ‘Europe des peuples’, qui les rendraient plus démocratiques” , conclut M. Sofri.

En Grèce, l’idée d’un test démocratique le 17 juin fait sourire. Alors que Mme Frangakis de SYRIZA confirme que Bruxelles se trompe à craindre une victoire de son parti, pour le journaliste de Athens News Gerard Papasimakopoulos, ces élections ne seront dans aucun cas une victoire de la démocratie. “Pendant des décennies” , affirme le journaliste, “les Grecs ont voté le PASOK et la Nouvelle Démocratie. Ces partis n’ont pas simplement été acceptés, mais ils ont été soutenus depuis 1974. Je trouve ridicule de les accuser maintenant” . Pour le journaliste grec, le problème du pays est social avant d’être politique, et il se dit “très pessimiste” par rapport aux élections. “Beaucoup de gens voteront SYRIZA pour sanctionner le PASOK et la Nouvelle Démocratie” , dit-il, “mais SYRIZA n’est pas le Messie, il a promis plus qu’il pourra tenir. De l’autre côté, les candidats de la Nouvelle Démocratie ne font que se cacher derrière le rhétorique” . “La seule chose sûre à propos de ces élections, c’est que la démocratie ne l’emportera pas” , conclut, amer, le journaliste.

En savoir plus

Les intentions de vote des Grecs au 1er juin - Public Issue (en anglais)

Are the numbers starting to add up for SYRIZA ? - Ekathimerini (en anglais)

Gardez-nous de nos sauveurs (de Slavoj Žižek) - Presseurop

Se Atene cadrà non sarà la sola (de Adriano Sofri) - La Repubblica (en italien)

Les élections grecques vues par les jeunes Grecs - Touteleurope.eu

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