La réforme phare du “rottamatore” italien
“J’espère que je serai le dernier président du Conseil des ministres à vous demander un vote de confiance” . Lorsque Matteo Renzi se présente devant les sénateurs au printemps 2014, il ne cache pas son intention de réformer le système parlementaire italien, en réduisant notamment les pouvoirs de la chambre haute. “Mettre à la casse” (“rottamare” , en italien) la vieille classe politique et les lenteurs de la république italienne : voilà le slogan avec lequel l’ancien maire de Florence est devenu président du Parti démocrate en 2013, puis Premier ministre, à la suite d’un coup de théâtre qui a mis prématurément fin au gouvernement d’Enrico Letta.
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Après son arrivée au pouvoir, le Parti démocrate (centre-gauche) de Renzi remporte les élections européennes de mai 2014 avec plus de 40% des votes. Les parlementaires de gauche italiens deviennent les plus nombreux (31) au sein du groupe des socialistes et démocrates au Parlement européen. A 41 ans, le jeune Premier ministre jouit d’une grande popularité. Le Parlement, Sénat compris, lui accorde sa confiance.
Le long processus de révision constitutionnelle est alors lancé. Entre août 2014 et avril 2016, la Chambre des députés et le Sénat discutent le texte et l’approuvent six fois. La réforme licenciée modifie un tiers des articles de la Loi fondamentale de 1948, mettant fin au “bicaméralisme parfait” , c’est-à-dire à un système qui assigne des pouvoirs égaux aux deux chambres. Selon la volonté du gouvernement italien, le “Senato” aura dorénavant moins de compétences et un nombre de membres plus restreint, tandis que la “Camera” , élue au suffrage universel direct, continuera de voter la confiance aux nouveaux exécutifs ainsi que de discuter les lois ordinaires. Fort de son soutien populaire encore important, Matteo Renzi décide de lier son destin politique au sort de la réforme constitutionnelle, considérée comme indispensable. “Si je perds la bataille du référendum, je démissionne et vous ne me reverrez plus jamais” , lance-t-il fin 2015, une phrase qu’il regrettera peu après.
Les raisons du “oui” et du “non”
Avec l’approbation de la réforme et l’organisation du référendum confirmatif (une étape obligatoire en Italie, lorsqu’une modification de la Constitution n’est pas approuvée par une majorité des deux tiers au Parlement), le débat politique s’enflamme et le pari de Renzi semble de plus en plus dangereux. Le Premier ministre a beau soutenir que “cela fait trente ans que nous discutons de mettre fin au bicaméralisme parfait” , pour l’opposition le texte proposé doit être rejeté ainsi que pour l’ensemble du gouvernement.
Pour le Mouvement 5 étoiles (M5S) et la Ligue du Nord, le 4 décembre devient l’occasion d’en finir avec l’expérience Renzi et ramener le pays aux urnes. Pour d’autres formations contraires à la réforme, comme le parti Forza Italia de Silvio Berlusconi, Renzi doit rester mais la nouvelle constitution, associée à la loi électorale approuvée en 2015 (dite “Italicum”), donne trop de pouvoir à l’exécutif, d’où le risque d’une “dérive autoritaire” .
Beppe Grillo, leader du Mouvement 5 étoiles, en mai 2016
Le scrutin de dimanche se présente donc à la fois comme un vote sur l’action de Matteo Renzi et à la fois comme une évaluation du contenu de la réforme. Le front du “oui” , constitué par le Parti démocrate (excepté une minorité de ses députés) et par ses alliés au gouvernement, met en avant la stabilité que la nouvelle architecture constitutionnelle porterait au système républicain existant. Après avoir eu plus de 60 gouvernements depuis la Deuxième Guerre mondiale, l’Italie - assurent les partisans du “oui” - aura des exécutifs plus durables, des majorités parlementaires plus claires et une machine législative plus rapide, tout en réduisant les coûts du Sénat (qui passe de 315 membres à 100, sans indemnités).
Pour ses détracteurs, au contraire, la réforme transforme la chambre haute italienne en une assemblée de personnes “nommées” et non plus “élues” (le nouveau Sénat étant composé par des maires et des conseillers régionaux). La stabilité promise, ajoute-t-on du côté du “non” , est en réalité une diminution des pouvoirs du Parlement vis-à-vis du gouvernement.
Quels scénarios pour l’après-référendum ?
Selon d’autres analyses politiques, une victoire du “non” entrainerait une chute des investissements étrangers en Italie et aurait de graves conséquences économiques pour le pays. Même si selon d’autres économistes, il s’agit là d’un “alarmisme excessif” . Enfin, l’insécurité provoquée par une défaite de Renzi contribuerait à alimenter l’instabilité au niveau européen.
A l’inverse, la victoire du “oui” assurerait au Premier ministre italien un soutien solide, qui lui permettrait notamment de régler ses comptes au sein du parti avec la minorité qui a décidé de soutenir la cause du “non” . En outre, selon certaines rumeurs qui circulent ces derniers jours, Renzi pourrait même décider de démissionner en cas de victoire, pour récolter au plus vite les fruits des premières élections législatives organisées selon le nouveau système électoral. Ainsi, il se doterait d’une majorité plus stable, sans devoir négocier avec le centre-droit. Dans tous les cas, l’approbation de la réforme serait interprétée comme une défaite de la vague populiste, ce qui obligerait la Ligue du Nord et le Mouvement 5 étoiles à revoir leurs ambitions électorales.
Par Giovanni Vale, correspondant en Italie