Les propositions européennes de Nicolas Sarkozy sont nécessairement à mettre dans le contexte électoral français. Dans l’optique de rattraper son retard dans les sondages sur François Hollande, le candidat de l’UMP a voulu donner des gages à la France du non (au référendum sur le Traité constitutionnel européen de 2005). De plus, un sondage du Monde a montré que les Français sont majoritairement favorables à ce que les Etats aient plus de pouvoir face à Bruxelles.
Un “Buy European Act” et un “Small Business Act” européen
Ainsi, M. Sarkozy désire mettre en place des mesures protectionnistes pour l’économie européenne : “le libre-échange oui, la concurrence déloyale non!” a-t-il répété. Sur le modèle du “Buy American Act” , conçu en 1933 pour faire face à la grande dépression, le candidat de l’UMP veut mettre en œuvre un “Buy European Act” afin que “les entreprises qui produisent en Europe bénéficient de l’argent public européen” .
Cette loi serait accompagnée d’un “Small Business Act” européen. Avec de telles dispositions, les entreprises européennes - y compris les PME - seraient privilégiées aux dépens des entreprises provenant des pays tiers pour l’obtention de marchés publics. Nicolas Sarkozy reprend ici un de ses thèmes de campagne de 2007. Sa proposition avait alors été combattue, notamment par les pays scandinaves et le Royaume-Uni et avait abouti sur un accord de soutien financier aux PME européennes mais pas à des marchés réservés.
A ce discours du président-candidat, Bruxelles a tenu à répondre, par l’intermédiaire de Michel Barnier, commissaire au Marché intérieur, qu’une réforme visant à limiter l’accès aux marchés publics aux entreprises de pays non-européens qui excluent les sociétés étrangères de leurs propres marchés était d’ores et déjà en préparation et que Nicolas Sarkozy “n’aurait pas à attendre longtemps” . La Commission européenne a reconnu avoir manqué de vigilance au cours des dernières années en ouvrant sans restriction les marchés pour favoriser “des réalisations à des tarifs moindres” .
Et le président du Conseil européen Herman Van Rompuy d’ajouter qu’il est “nécessaire de jouer à armes égales, avec de meilleurs accès aux marchés étrangers pour les entreprises de l’UE et une meilleure protection des droits de la propriété industrielle” , tout en rappelant que restreindre les appels d’offre représenterait des “coûts non-négligeables” .
Réformer le fonctionnement de Schengen
Avec sa volonté d’un patriotisme économique accru, Nicolas Sarkozy a mis en avant un second cheval de bataille lors de son discours de Villepinte : la réforme de Schengen. Au risque d’être accusé de vouloir “parler aux électeurs du Front National” , comme ce fut le cas par le Parti socialiste, le président-candidat a déclaré que “les accords de Schengen ne permettent plus de répondre à la gravité de la situation et qu’ils doivent être révisés” . M. Sarkozy souhaite une “réforme aussi structurelle que celle que nous venons de mettre en œuvre pour l’euro” , ajoutant qu’il est impossible “de laisser la gestion des flux migratoires entre les seules mains des technocrates et des tribunaux” .
En l’état actuel des choses, le candidat de l’UMP estime que la France ne peut plus accueillir dignement ceux qui arrivent et ne peut pas financer son système de protection sociale. Son vœu est la constitution d’un gouvernement politique de Schengen et une discipline commune vis-à-vis de l’immigration. Le président se déclare de fait favorable à des sanctions voire à l’exclusion d’un Etat défaillant qui ne respecterait plus ses obligations. Et de conclure qu’il suspendrait la participation de la France de l’espace Schengen si “aucun progrès sérieux dans cette direction” n’était accompli d’ici douze mois.
Cecilia Malmström, commissaire européenne aux Affaires intérieures, a immédiatement réagi aux positions avancées par Nicolas Sarkozy, rappelant “qu’une modification de Schengen doit passer par un changement de traité” . L’idée de “réformer Schengen sur le modèle de ce qui a été fait pour l’euro” n’est pas nouvelle a poursuivi la Commission et il s’agit d’une autre de ses propositions. Deux changements ont d’ailleurs été soumis :
- L’isolation d’un pays en cas de défaillance dans le contrôle de ses frontières,
- Le rétablissement unilatéral des contrôles par un pays et, après cinq jours, le soutien ou non de l’initiative par la majorité des membres.
L’idée est de mutualiser le processus car “une décision d’un Etat a des répercussions sur les autres” . A cet égard, l’absence de Claude Guéant à Bruxelles jeudi 8 mars lors d’un Conseil des ministres européens, pourtant en grande partie consacré à l’amélioration de la surveillance des pays qui peinent à contrôler les frontières externes de la zone Schengen, a été remarquée.
En savoir plus
Discours de Nicolas Sarkozy à Villepinte - 11 mars 2012
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Sarkozy en campagne contre Schengen - Presseurop - 12 mars 2012
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