Edouard Philippe, député-maire du Havre, membre des Républicains et proche d’Alain Juppé, avait été officialisé au poste de Premier ministre lundi 15 mai. Deux jours plus tard, après un report de 24 heures afin de vérifier les situations fiscales des différentes personnalités choisies, son gouvernement a été rendu public par Alexis Kohler, nouveau secrétaire général de l’Elysée.
Comme prévu, cet exécutif est à l’image de la nouvelle donne politique qu’Emmanuel Macron s’emploie à constituer, faisant donc fi du clivage gauche/droite et incorporant des hommes et des femmes issus de la “société civile” , c’est-à-dire n’étant actuellement pas élu(e)s.
Parmi les principaux “poids lourds” du gouvernement Philippe, figurent trois proches soutiens du nouveau président dont l’engagement pendant la campagne est récompensé. Il s’agit de Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon, nommé à l’Intérieur, de François Bayrou, président du MoDem, qui devient garde des Sceaux, et de Richard Ferrand, député et secrétaire général d’En Marche, qui obtient le portefeuille de la Cohésion des territoires.
Au sein de cette équipe gouvernementale, qui comporte deux eurodéputées, huit ministres conduiront une action à forte dimension européenne :
Jean-Yves Le Drian (69 ans, Parti socialiste) - ministre de l’Europe et des Affaires étrangères
Baron du Parti socialiste, ancien maire de Lorient et ancien député du Morbihan, celui qui est également président de la région Bretagne (un poste qu’il devra quitter en raison du non-cumul des mandats) a rallié Emmanuel Macron au détriment de Benoît Hamon, candidat du PS, pendant la campagne présidentielle. Fort d’un solide bilan à la Défense, où il était apprécié des forces armées, il y a conclu plusieurs contrats d’armement avec des pays comme l’Australie, l’Inde ou le Qatar d’une valeur totale de plus de 81 milliards d’euros.
Au sein du gouvernement d’Edouard Philippe, M. Le Drian aura donc la charge d’un nouveau portefeuille international. Au Quai d’Orsay, il succède à Jean-Marc Ayrault et Laurent Fabius. Comme son titre l’indique - pour la première fois, la France a un “ministre de l’Europe” - les affaires européennes sont appelées à être l’une de ses priorités, en accord avec le positionnement très pro-européen d’Emmanuel Macron. Il devrait à cet égard œuvrer à la relance du couple franco-allemand (il est favorable à plus de coopération en matière de défense) et de la construction européenne, jouer un rôle important dans les négociations du Brexit, et être particulièrement occupé par les dossiers syrien et ukrainien. En définitive, il doit apporter au nouveau président toute son expérience et ses réseaux sur le plan international. Il l’accompagnera notamment au prochain sommet du G7 en Sicile le 27 mai.
Marielle de Sarnez (66 ans, MoDem) - ministre chargée des Affaires européennes
Ministre de plein exercice alors que ce portefeuille fait le plus souvent l’objet d’un secrétariat d’Etat, Mme de Sarnez, qui succède à Harlem Désir, travaillera en collaboration étroite et sous la tutelle du président de la République, qui entend s’impliquer personnellement sur les questions européennes, et Jean-Yves Le Drian, nommé ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. Son expérience au Parlement européen, où elle s’est spécialisée sur les questions de commerce international, de culture et d’éducation (elle a notamment contribué à la création du programme Erasmus Mundus) devrait faciliter son entrée en fonction. Parmi les dossiers les plus brûlants, celui du Brexit est appelé à occuper une grande partie de son temps. A cet égard, Marielle de Sarnez devrait se rendre à Bruxelles dès le 22 mai, pour un Conseil des ministres dédié à cette question.
Bruno Le Maire (48 ans, Les Républicains) - ministre de l’Economie
A Bercy, M. Le Maire aura pour missions de favoriser l’environnement des entreprises, de traiter des dossiers industriels délicats comme ceux de Whirlpool, de Tati ou encore des chantiers navals de Saint-Nazaire, et de s’attaquer au chantier de la fiscalité. Germanophile, le nouveau ministre de l’Economie devrait également travailler étroitement avec son homologue allemand, actuellement Brigitte Zypries. S’agissant des finances publiques, celui qui s’est déclaré “contre l’assistanat” sera regardé de près par Bruxelles. Il aura en effet à faire respecter la promesse d’Emmanuel Macron de respecter le seuil des 3% de déficit.
Enfin, Bruno Le Maire sera également appelé à porter le projet de réforme de la zone euro du nouveau président. Ce dernier souhaite en effet doter la zone euro d’un budget propre, d’un ministre de l’Economie et des Finances et d’un Parlement. A cet égard, l’expérience acquise en matière de négociations européennes par le nouveau patron de Bercy lors de son passage au ministère de l’Agriculture ne lui sera pas de trop pour convaincre l’ensemble des Etats membres d’adhérer au plan français.
Sylvie Goulard (52 ans, En Marche) - ministre des Armées
Polyglotte, elle parle couramment anglais, allemand et italien, Mme Goulard, qui était davantage attendue aux Affaires étrangères ou à l’Economie, devrait également contribuer au rapprochement du couple franco-allemand : la défense étant l’un des domaines pour lesquels les deux pays entendent intensifier leur coopération au cours des années à venir. D’autant que ses relations sont excellentes avec Ursula von der Leyen, sa désormais homologue allemande. La nouvelle ministre des Armées est en outre appelée à travailler en étroite collaboration avec le président de la République, qui entend affirmer sa position de premier responsable en matière de défense. Elle doit d’ailleurs être à ses côtés lors de sa visite aux troupes françaises au Mali, le 19 mai, et lors du sommet de l’OTAN le 25 mai.
Nicolas Hulot (62 ans, sans étiquette) - ministre d’Etat, ministre de la Transition écologique
Décrit comme une “prise de guerre” importante pour l’exécutif, il aura pour mission de muscler l’action du nouveau président en matière environnementale, un thème qu’il n’a que peu évoqué durant la campagne. A cet égard, la présence de M. Hulot au sein du gouvernement est certainement assortie de marges de manœuvre étendues, car ce dernier avait, jusqu’ici, toujours refusé de s’engager au sein de l’exécutif.
Une partie de son travail sera de maintenir et renforcer l’impulsion européenne en faveur de l’écologie et de mettre en œuvre les accords de Paris sur le climat, qu’il avait personnellement contribué à rendre possible de par sa position d’envoyé spécial du président Hollande pour la protection de la planète de 2012 à 2016. Nicolas Hulot sera également très attendu sur la question des perturbateurs endocriniens, la France étant en pointe en vue de leur classification au niveau européen, puis de leur interdiction comme s’y est engagé Emmanuel Macron.
Muriel Pénicaud (62 ans, sans étiquette) - ministre du Travail
Au ministère du Travail, Mme Pénicaud aura la charge délicate de mettre en œuvre la réforme du marché du travail qu’Emmanuel Macron prévoit pour cet été et par ordonnance. Très appréciée des patrons et respectée par les syndicats qui lui reconnaissent une culture du dialogue social, ces atouts lui seront indispensables pour affronter ce sujet explosif. A celui-ci s’ajoutera notamment la question de la révision de la directive européenne régissant le détachement des travailleurs, centrale dans l’optique de lutter contre le dumping social au sein de l’UE. Le dossier se trouve actuellement entre les mains du Parlement européen et des négociations à couteaux tirés sont attendues d’ici la fin 2017 entre la France, associée à la plupart des pays d’Europe occidentale, et les Etats membres de l’Est.
Jacques Mézard (69 ans, Parti radical de gauche) - ministre de l’Agriculture
Frédérique Vidal (53 ans, sans étiquette) - ministre de l’Enseignement supérieur
Par Jules Lastennet