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Europe : quel bilan pour François Hollande ?

“J’ai fait en sorte de maintenir la cohésion”. “J’ai fait en sorte que la Grèce puisse rester dans la zone euro parce que sinon elle aurait éclaté cette zone euro, tellement elle était traversée de tensions et de crises”. Aussi bien à la conférence du think tank EuropaNova le 16 octobre que lors de son discours de renoncement à l’élection présidentielle le 1er décembre, François Hollande, à chacune de ses interventions, se sera employé, ces dernières semaines, à défendre son bilan, y compris européen. Elu sur des promesses ambitieuses, François Hollande a pour autant été bloqué dans plusieurs de ses initiatives. Résultats contrastés pour un mandat marqué par des crises multiformes ? Au fond, quel bilan européen pour François Hollande ?

François Hollande, le 7 octobre 2015, avec Angela Merkel

La non-renégociation du Pacte budgétaire : pêché originel du quinquennat ?

2012. Dans un contexte de crise économique de l’Union, François Hollande propose une nouvelle orientation pour l’Europe. Alors en compagne, le candidat socialiste avance un large programme de réformes, avec pour objectif premier l’Europe de la croissance. Sa promesse phare : la renégociation du Pacte budgétaire européen (TSCG). Signé le 9 octobre 2011 par Nicolas Sarkozy, ce traité visait à contenir l’endettement des Etats européens et favoriser leur financement par leurs propres recettes. Une “règle d’or” instaurant une limite de 0,5% du PIB de déficit structurel, restreignant ainsi les politiques de relance.

Déficit structurel : déficit de long-terme, obtenu une fois que l’on retire les facteurs liés à la conjoncture. Il permet de mesurer l’état réel de des finances publiques.

En lice pour l’Elysée, François Hollande promettait de rouvrir les négociations afin d’inclure des stimulateurs de croissance. Ajoutés à cela, des euro-obligations (titres de dettes européens) devaient permettre aux Etats en difficulté de bénéficier de faibles taux d’intérêt. En d’autres termes, communautariser la dette afin que les Etats stables économiquement partagent la confiance des investisseurs avec ceux plus touchés par la crise.

Objet des premières discussions entre le président Hollande fraichement élu et Angela Merkel, qui avait ouvertement soutenu Nicolas Sarkozy durant la campagne, la renégociation du TSCG coince entre la France et l’Allemagne. Au grand dam d’une partie de la gauche française, le traité est voté presque à l’identique et ratifié par le Parlement le 11 octobre 2012. Seule contrepartie obtenue par le président : un pacte de croissance y est adossé, prévoyant une enveloppe de 120 milliards d’euros. Pourtant, seuls 10 milliards correspondent à une réelle hausse des fonds en faveur de la croissance - le reste provenant d’une réorientation de financements existants.

Sauver la zone euro : Hollande, l’homme fort du dossier grec

Ainsi, François Hollande n’aura de cesse de vouloir inverser la tendance. Plusieurs mois de pouvoir aidant, le président prend ses marques au sein du consortium européen. Fonctionnement institutionnel, équilibres entre Etats membres, compromis et règles informelles : il se forme aux logiques européennes, ce qui lui vaut quelques succès. Le meilleur exemple de ceux-ci reste la résolution de la crise grecque, pendant laquelle François Hollande s’illustre en assurant l’unité de la zone euro.

Fragilisée par les conséquences de la crise de 2008-2010, l’Union piétine au niveau économique et financier. Le poids des dettes souveraines en particulier pèse sur les finances et la croissance des Etats membres. Au printemps 2015, la crispation atteint un sommet, la zone euro faisant face à une situation inédite : l’appartenance de l’un de ses membres est remise en cause. La Grèce, dont la dette s’élève à 175% du PIB, nécessite un nouveau plan d’aide pour éviter le défaut de paiement.

L’élection d’Alexis Tsipras, en janvier 2015, au poste de Premier ministre grec complique la donne. Le leader du parti de gauche radicale Syriza a été élu sur la promesse de fin de l’austérité. Alors que les créanciers du pays et certains Etats membres, notamment l’Allemagne, conditionnent l’aide financière à de profondes réformes structurelles. Le blocage est durable, la sortie du pays de la zone euro est alors mise sur la table.

François Hollande et Alexis Tsipras, en février 2015

François Hollande et Alexis Tsipras, en février 2015


Refusant catégoriquement cette option, François Hollande se place en médiateur entre ces intérêts divergents. Au pic des tensions et à l’issue de négociations marathon, un accord est trouvé en juillet. L’accord reprend plusieurs des positions allemandes : des réformes structurelles sur la TVA et les retraites sont notamment conclues avec la Grèce. Cependant, en évitant une sortie de la Grèce de la zone euro, celui-ci est un succès. La presse met en avant le rôle déterminant du président dans la résolution de la crise. François Hollande est présenté comme le défenseur de l’unité européenne contre les intérêts financiers.

Comme le souligne Bruno Cautrès, chercheur au CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences po), “la crise grecque aura été l’occasion, pour François Hollande, de prouver aux électeurs qu’il tenait deux de ses promesses : son opposition au ‘monde de la finance’ (incarné par l’Allemagne et le FMI), et la réorientation du traité budgétaire. Il a, à travers cette opération, montré qu’une communauté politique intégrée était privilégiée sur les enjeux économiques” .

Le couple franco-allemand au ralenti

Sur le dossier grec, François Hollande a donc su imposer ses positions sur l’approche plus dure soutenue par l’Allemagne. Au prix d’une opposition entre les deux pays ? “La présidence Hollande n’aura pas été un moment fort de la relation franco-allemande” , confirme Bruno Cautrès. “Le duo est marqué par les incompréhensions de la chancelière quant à son homologue français” .

La première raison de ces incompréhensions tient à l’apparente volonté de François Hollande de se défaire du leadership partagé. Après la critique de “l’Allemagne de l’austérité” , cette tendance s’illustre par la tentative d’alliance avec les pays méditerranéens.

Seconde raison du quiproquo : un manque de solidarité des positions de chacun. La crise migratoire, par exemple, a vu les deux pays défendre des solutions opposées. Alors que l’Allemagne décide en août 2015 d’ouvrir ses frontières aux réfugiés, la France se montre sceptique à l’idée des quotas de répartition des migrants entre pays européens. En déplacement à Munich pour un sommet sur la sécurité, le Premier Ministre Manuel Valls déclare : “Nous ne sommes pas favorables à un mécanisme permanent de relocalisation. La France s’est engagée pour 30 000 réfugiés. Dans le cadre de ces 30 000, nous sommes toujours prêts à accueillir des réfugiés. Mais pas plus” . Dans une large mesure, Paris laisse le gouvernement allemand seul face à des flux toujours plus importants de nouvelles populations à intégrer.

François Hollande et Angela Merkel, à l'occasion de la commémoration de la bataille de Verdun, le 29 mai 2016

François Hollande et Angela Merkel, à l’occasion de la commémoration de la bataille de Verdun, le 29 mai 2016


Les relations franco-allemandes seront en revanche nettement plus étroites en matière de relations extérieures. L’Union européenne ne disposant que de compétences limitées s’agissant des affaires étrangères, François Hollande et Angela Merkel ont incarné le leadership européen depuis 2012. La stratégie vis-à-vis de la Russie reflétant particulièrement cette position coordonnée. Les deux dirigeants s’accordent ainsi sur l’imposition de sanctions économiques sur la Russie, en réponse à son annexion de la Crimée début 2014.

François Hollande et Angela Merkel amènent présidents russe (Vladimir Poutine) et ukrainien (Petro Porochenko) à une même table de négociations. Une médiation, également appelée “format Normandie” (réunions périodiques des quatre leaders), et qui aboutit le 12 février 2015 aux accords de Minsk II et à l’imposition d’un cessez-le-feu dans l’Est de l’Ukraine. Malgré des critiques régulières quant à leur application, ces accords marquent un succès du couple franco-allemand, permettant le maintien d’un dialogue au sein d’un conflit autrement gelé.

En outre, la solidité du couple franco-allemand n’a pas non plus été prise en défaut lors des attaques terroristes connues par les deux pays depuis 2015. “Nous, vos amis Allemands, nous nous sentons si proches de vous, nous pleurons avec vous, nous mènerons le combat ensemble contre ceux qui ont commis l’inconcevable contre vous” , déclarait la chancelière le 14 novembre 2015, après les secondes attaques terroristes perpétrées à Paris. Les attentats ont été l’occasion de renouveler la solidarité entre les deux pays et de les unir dans une lutte commune.

Le “piège européen”

En définitive, s’agissant de la politique européenne, le président aura fait preuve d’une forte capacité de proposition. L’Union bancaire, la réorientation de la politique de la BCE (obtenue en 2015 avec le rachat des titres de dettes européens), ou encore l’Europe de l’énergie : le chef de l’Etat n’aura cessé d’avancer de nouveaux projets. Le dernier en date, le renforcement de l’Union politique, comprenant une réforme des institutions afin d’améliorer la gouvernance. En ligne de mire : une consolidation de la zone euro passant par la mise en place d’un budget commun, d’une harmonisation de la fiscalité, et l’instauration d’un poste de président permanent de l’Eurogroupe.

Mais nombre de ces propositions sont, de fait, restées inabouties. Le président français a reculé sur certaines de ses promesses emblématiques, telles que la mise en place d’une taxe sur les transactions financières (revue a minima puis reportée à 2017) ou d’euro-obligations (non mises en place). Confronté à de multiples crises, à une opposition parfois forte des autres Etats membres et à un fonctionnement institutionnel européen complexe, sa marge de manœuvre a pu être réduite. A ce sujet, Bruno Cautrès met en avant un “piège” , que François Hollande aurait lui-même contribué à installer.

François Hollande a tenté de se positionner dans deux dimensions à la fois : d’une part, s’affirmer comme acteur clé au Conseil européen, d’autre part, rendre ce leadership conditionnel à des changements en faveur d’une Europe sociale, plus en accord avec les représentations de l’opinion publique française” , explique le chercheur. “Un discours particulièrement difficile à soutenir au niveau européen” .

Article dirigé par Toute l’Europe et réalisé avec des élèves de Sciences Po dans le cadre d’un projet collectif

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