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Europe, économie, immigration… ce que le Brexit va changer

Quitter l’Union européenne : c’est ce qu’ont finalement décidé une majorité de citoyens britanniques le 23 juin 2016. Avec quel impact ?

Le choix des électeurs constitue un profond séisme pour le pays comme pour l’Union européenne. La période qui s’ouvre est pleine d’incertitudes, mais les conséquences du Brexit seront manifestement considérables. Passage en revue de ce que le Brexit va changer…

(article mis à jour le 29 juin 2016)

Conséquences du Brexit

… pour l’économie britannique

La majorité des économistes et des institutions financières internationales est catégorique : l’économie du Royaume-Uni sera profondément touchée par le Brexit pendant plusieurs années. Son PIB pourrait chuter de 3 à 9% selon les études. Le FMI envisage de son côté une récession dès 2017 et une montée du chômage à 6,5% d’ici 2018. Reste à savoir si, sur le plus long terme, le pays pourra retrouver sa bonne santé économique.

Principale cause : la fin du libre-échange entre le Royaume-Uni et le reste de l’Union européenne, le premier exportant la moitié de ses biens et services vers le second. Les deux parties vont négocier de nouveaux accords commerciaux, mais cela prendra du temps et l’accès du pays au marché européen sera en tout état de cause modifié.

Par ailleurs, les investissements étrangers risquent également de baisser, de nombreuses entreprises étrangères utilisant le Royaume-Uni comme porte d’entrée vers l’Europe.

Enfin, les incertitudes politiques de la période à venir n’inciteront pas les marchés à investir dans le pays. Les agences de notation Standard & Poor’s et Fitch ont déjà dégradé la note du Royaume-Uni, qui a ainsi perdu son triple A.

Par ailleurs, le Royaume-Uni économisera environ 7 milliards de livres par an en ne contribuant plus au budget de l’Union européenne (différence entre son versement et les subventions qu’il perçoit en retour). Mais le fait que le pays ne bénéficie donc plus des subventions européennes pourrait en revanche avoir un impact négatif sur l’agriculture, la recherche et la culture.

… pour l’économie européenne

De son côté, le reste de l’Union européenne devrait également pâtir de son divorce avec la 5e puissance économique mondiale. Les 27 autres Etats membres exportent plus de 10% vers le Royaume-Uni et bénéficient également des importations en provenance du Royaume-Uni. La défiance des investisseurs vis-à-vis du marché européen est, là aussi, à craindre sur le long terme.

Par ailleurs, la monnaie unique a, dans des proportions moindres que la monnaie britannique, chuté dans les jours qui ont suivi le référendum.

… pour la livre sterling

Au lendemain de l’annonce du Brexit, la monnaie britannique a chuté de plus de 10%. S’étant envolée au-dessus de 1,50 dollar le soir du 23 juin, elle a atteint 1,33 dollars le matin suivant, jusqu’à atteindre quelques jours plus tard son plus bas depuis septembre 1985, à 1,3121 dollar. Si de nombreux analystes avaient pronostiqué un tel choc, ils s’attendaient également à ce que l’essentiel de la chute de la livre ait lieu en un jour. De fait la livre est légèrement remontée depuis

L’action concertée des grandes banques centrales, dont la Banque d’Angleterre, la Banque centrale européenne, la Banque du Japon et la Réserve fédérale américaine, ont par ailleurs certainement aidé à soutenir la monnaie britannique. Celles-ci se sont dites prêtes à intervenir si besoin en fournissant des liquidités supplémentaires pour assurer sa stabilité, ce qui a contribué à rassurer les marchés.

… pour David Cameron

Quelques heures après les résultats, et contrairement à ce qu’il avait annoncé jusqu’alors, David Cameron a déclaré qu’il démissionnerait de ses fonctions de Premier ministre - et de chef du Parti conservateur - d’ici trois mois.

Il restera en poste jusqu’à la désignation d’un nouveau dirigeant le 9 septembre, avant le congrès du parti en octobre. Il reviendra au successeur de David Cameron de négocier avec Bruxelles la sortie du pays de l’UE.

… pour le Parti conservateur

C’est poussé par la frange eurosceptique du Parti conservateur (et par la montée du parti europhobe UKIP) que David Cameron s’est résolu à promettre, en janvier 2013, un référendum sur la place du pays dans l’Union européenne. Ayant lui-même fait campagne pour le maintien, David Cameron n’a pas pu empêcher une partie des Tories, dont l’ancien maire de Londres Boris Johnson ou le ministre de la Justice Michael Gove, de soutenir le Brexit.

Après la victoire de ces derniers, le Parti conservateur réussira-t-il à se rassembler de nouveau ? Une partie de la réponse se jouera dans le choix du successeur de David Cameron aux postes de chef du parti et donc de Premier ministre. Deux favoris sont en lice : le chef de file de la campagne pro-Brexit et ancien maire de Londres, Boris Johnson, et la ministre de l’Intérieur Theresa May, eurosceptique notoire ralliée in fine au camp du “Remain” , et plus consensuelle. Les candidats ont jusqu’au 7 juillet pour se déclarer.

… pour le Parti travailliste

Une grande majorité des députés du Labour ont fait campagne pour le maintien dans l’Union européenne. Dès lors, comment les travaillistes vont-ils rebondir après cette défaite électorale ? C’est le premier d’entre eux, le leader Jeremy Corbyn, qui fait face au gros des critiques.

Déjà pendant la campagne, celui qui avait en 1975 soutenu la sortie du Royaume-Uni de la CEE, était accusé de tenir un discours trop tiède, laissant à d’autres - comme Gordon Brown - la tâche de convaincre des bienfaits de l’Union sur la protection sociale ou les droits des travailleurs. Si bien qu’à deux semaines des élections, la moitié des sympathisants du Labour ne savait pas quelle était la position officielle du parti sur l’enjeu du référendum.

Le 28 juin, Jeremy Corbyn a perdu la confiance de ses députés, qui se sont prononcé à 172 voix contre 40 pour le départ de celui qui est leader du parti depuis à peine huit mois. S’ajoute à cela les démissions en cascade de son équipe exécutive (le “shadow cabinet”) qui a perdu une vingtaine de membres. Même s’il s’accroche au pouvoir, il est fort à parier que les jours de M. Corbyn à la tête du Labour sont désormais comptés.

… pour l’immigration au Royaume-Uni

C’était le sujet central de la campagne, et ce qui a probablement fait basculer le vote en faveur du Brexit. En 2015, 300 000 personnes, principalement venues de l’UE, ont immigré au Royaume-Uni, loin des 100 000 prévues par David Cameron. Un afflux de personnes continu depuis qu’en 2004 le pays a ouvert l’accès à son marché du travail aux citoyens des nouveaux membres de l’UE, dont la Pologne, puis plus tard la Bulgarie et la Roumanie.

La crise de 2008 a fait monter l’hostilité des Britanniques envers ces nouveaux arrivants, accusés d’exercer une pression croissante sur le système de santé et sur les services de sécurité sociale.

En ce qui concerne l’immigration illégale, Emmanuel Macron a, en mars dernier, évoqué une possible rupture des accords du Touquet en place depuis 2003 entre la France et le Royaume-Uni. La France ne retiendrait plus les migrants à Calais et laisserait aux Britanniques le soin de contrôler eux-mêmes les arrivées clandestines sur leurs côtes.

… pour l’Ecosse

L’Ecosse a voté à l’inverse des électeurs anglais, en plébiscitant un maintien dans l’Union européenne à 62%. Le Parti national écossais (SNP) qui contrôle le Parlement d’Ecosse n’en demandait pas tant…

Fondamentalement europhiles, les nationalistes ont vu en ce référendum une occasion de brandir la menace d’un second scrutin sur l’indépendance du pays si les Ecossais votaient pour rester et le reste du pays pour quitter l’UE. Nicola Sturgeon, Première ministre SNP a déclaré le 24 juin qu’elle prenait acte de la décision de ses électeurs.

Elle s’est rendue à Bruxelles le 29 juin pour s’entretenir avec Martin Schulz et Jean-Claude Juncker, sans doute pour tâter le terrain et établir des relations solides en vue d’un futur européen pour l’Ecosse.

Dans le même temps, l’eurodéputé SNP Alyn Smith a été ovationné au Parlement européen lorsqu’il a défendu la place des Ecossais dans l’UE : “Nous ne vous avons pas laissé tomber, alors que je vous en conjure, ne nous laissez pas non plus tomber” .

… pour l’avenir de l’Union européenne

Principale interrogation à la suite du Brexit : le sort qui attend désormais l’Union européenne. Celui-ci est évidemment lié à d’innombrables facteurs…

D’autres pays vont-ils à leur tour demander un référendum pour sortir de l’Union européenne ? C’est ce qu’espèrent en particulier certains dirigeants d’extrême-droite, comme Marine Le Pen en France ou Geert Wilders aux Pays-Bas qui se sont félicités du résultat et promettent d’organiser un tel scrutin s’ils sont élus.

A l’opposé, cet événement est vécu par certains comme un signal et une opportunité pour réformer en profondeur l’Union européenne. Ce qui serait le meilleur moyen de répondre aux attentes des citoyens et couper court à la montée de l’euroscepticisme.

Il est toutefois probable qu’aucune de ces deux options radicales ne voie le jour, mais que l’Union européenne continue à se réformer progressivement. C’est en tout cas ce qu’ont laissé entendre les dirigeants allemand, français et italien qui ont proposé, en amont du Sommet européen des 28 et 29 juin, une “nouvelle impulsion” pour l’Europe. Celle-ci passe par la lutte contre la “marginalisation sociale” et l’investissement dans les villes, la relance de l’Europe de la défense, de nouvelles “étapes” pour l’Europe sociale et le renforcement des politiques communautaires en faveur de la jeunesse. Les trois pays ont approuvé un package de propositions dont ils souhaitent débattre à 27 lors d’une réunion spéciale en septembre.

Enfin, certains estiment envisageable (voire certain) que le retrait du Royaume-Uni n’ait finalement pas lieu ! Parce que le référendum britannique reste consultatif, parce que la décision en revient au Parlement britannique, parce que d’ici quelques temps une partie des pro-Brexit se rendraient compte de leur erreur et parce que le futur Premier ministre pourrait être désigné ou élu avec un programme de maintien dans l’UE… cette éventualité qui paraissait absolument impossible au lendemain du référendum est aujourd’hui avancée. Elle reste toutefois balayée par les responsables politiques européens, dont une majorité fait pression sur le Royaume-Uni pour le déclenchement de l’article 50 du traité sur l’Union européenne, afin que les négociations sur les futures relations puissent commencer et que le retrait ait lieu le plus rapidement possible.

… pour la place du Royaume-Uni dans l’Union européenne avant son retrait effectif

D’ici le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, qui pourrait avoir lieu seulement dans deux ans (la période prévue par l’article 50 du traité sur l’Union européenne), l’Etat reste donc pleinement membre de l’UE.

Entre autres, le pays garde ses députés européens mais le commissaire britannique Jonathan Hill a quant à lui démissionné suite au référendum. Le Royaume-Uni devait également assurer la présidence tournante du Conseil de l’UE de juillet à décembre 2017, ce qui semble désormais peu probable.

… pour l’avenir des relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne

L’ensemble des relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne va devoir être renégocié. Un travail titanesque, qui touche aussi bien au commerce qu’à la circulation des personnes entre l’île et le continent, sans compter la réorganisation d’une Union européenne à 27. A titre d’exemple, les tractations ont pris des années pour un traité de grande ampleur comme l’accord UE-Canada (qui entrera en application en 2017).

Les relations entre les deux parties pourraient prendre la forme d’accords bilatéraux comme ceux qui relient l’UE à la Norvège ou à la Suisse, des exemples fréquemment cités et qui assurent à ces pays un accès privilégié au marché européen ainsi que le bénéfice de certaines politiques européennes sans pour autant participer à leur élaboration.

Les dirigeants européens semblent déterminés à concéder le moins d’avantages possibles au pays nouvellement sorti, afin d’éviter que d’autres Etats membres soient tentés de faire de même. Toute la difficulté pour l’Union européenne sera d’être suffisamment ferme avec le Royaume-Uni tout en s’efforçant de préserver une partie des nombreux bénéfices réciproques de leur ancienne alliance…

… pour l’anglais dans les institutions européennes

L’anglais est, en plus d’être la langue officielle de trois pays membres (le Royaume-Uni, l’Irlande et Malte), une des trois langues de travail des institutions européennes, avec l’allemand et le français. Certains espèrent qu’avec le Brexit, la majorité des locuteurs anglophones quitteront les institutions européennes - en particulier les 73 eurodéputés britanniques - ce qui laisserait une plus grande place au français comme langue de travail.

Il est toutefois difficile d’imaginer que l’anglais disparaisse totalement des couloirs de Bruxelles et de Strasbourg. Elle reste la langue la plus parlée par les citoyens européens et plus facile à maîtriser que le français ou l’allemand. Elle restera de plus la langue officielle de deux pays membres, l’Irlande et Malte.

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