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Coopération transfrontalière : qu’est-ce que la Grande Région ?

Depuis le 20 janvier 2021, la Région Grand-Est assure la présidence de la Grande Région, un espace transfrontalier de près de 12 millions d’habitants, laboratoire de l’intégration européenne dans les domaines économique et social.

A l'occasion du 17e sommet des Exécutifs de la Grande Région le 20 janvier, la France a pris la présidence tournante jusqu'à la fin de l'année 2022
A l’occasion du 17e sommet des Exécutifs de la Grande Région le 20 janvier, la France a pris la présidence tournante jusqu’à la fin de l’année 2022 - © Bodez / Région Grand Est

L’idée de renforcer la collaboration entre les territoires du “triangle minier” (Sarre, Lorraine, Luxembourg) émerge à la fin des années 1960. Impulsée par le chancelier allemand Kiesinger et le Général de Gaulle sous la forme d’une coopération intergouvernementale, la Grande Région s’est depuis institutionnalisée et élargie pour inclure d’autres territoires.

Qui sont les membres de la Grande Région ?

La Grande Région est aujourd’hui un espace de coopération qui regroupe six territoires issus de quatre pays différents : les Länder de Sarre et de Rhénanie-Palatinat (Allemagne), la Wallonie, la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Communauté germanophone de Belgique (Belgique), l’intégralité du Grand-Duché du Luxembourg (Luxembourg) et la Lorraine (aujourd’hui intégrée dans la région Grand Est).

Carte des membres de la Grande Région - Source : granderegion.net

Que fait la Grande Région ?

Depuis 1995, l’ambition de la Grande Région est de construire un espace plus intégré dans les domaines économique et social et faire de cet espace transfrontalier un laboratoire de l’intégration européenne. “Si la coopération transfrontalière est le moteur de l’intégration européenne, alors la Grande Région en est le laboratoire” , peut-on lire sur son site internet.

La Grande Région agit dans les domaines suivants :

  • Mobilité et développement territorial

Plusieurs initiatives ont été prises pour améliorer les liaisons ferroviaires entre les principales villes de la région. C’est notamment le cas du projet “Eurocaprail” , qui vise à développer l’axe Bruxelles-Luxembourg-Strasbourg et raccorder Metz et Luxembourg aux capitales européennes proches.

  • Éducation et apprentissage tout au long de la vie ;

Depuis 2003, le programme Schuman permet aux élèves d’une école de séjourner pendant deux semaines dans l’établissement d’un autre pays, et ce pour favoriser le développement d’une culture transfrontalière. Un lycée germano-luxembourgeois baptisé Schengen a également vu le jour en 2007 dans la ville allemande de Perl et vise à favoriser l’acquisition de compétences linguistiques pour une meilleure insertion sur le marché du travail.

  • Économie et compétitivité ;

La Grande région s’attelle notamment à réduire les contraintes administratives de part et d’autre des frontières et, en réaction à la pandémie de Covid-19, à favoriser le télétravail et harmoniser les dispositifs de chômage partiel pour ne pas discriminer les travailleurs frontaliers.

  • Tourisme et culture ;
  • Société, citoyenneté et sécurité ;
  • Environnement et durabilité ;
La Grande Région en chiffres

En 2020, la Grande Région c’est…

11,7 millions d’habitants
65 400 km² de superficie
412 milliards d’euros de PIB
5,3 millions de personnes en situation d’emploi

La Grande Région est financée par le budget européen dans le cadre de la politique de cohésion de l’UE et notamment du Fonds européen de développement régional (FEDER). Celui-ci alimente des programmes inter-régionaux (Interreg) visant à stimuler la coopération entre les territoires européens, parmi lesquels le programme Interreg Grande Région. Pour la période 2014-2020, ce dernier a bénéficié d’un budget total de 234,6 millions d’euros, composé de 139,8 millions d’euros de fonds communautaires et de 94,8 millions d’euros des gouvernements.

Quelles sont ses institutions ?

A partir de 1969, des commissions intergouvernementales se tenaient de manière épisodique et regroupaient alors les ministres des Affaires étrangères et/ou les représentants de région. En 1980, un accord est conclu afin de formaliser la coopération. Cet acte juridique fonde la Grande Région et institutionnalise les réunions. Le premier sommet de la nouvelle Grande Région se tient à Mondorf-les-Bains en 1995, à l’initiative de Jean-Claude Juncker, alors Premier ministre du Luxembourg, et d’Oskar Lafontaine, ministre-président du Land de Sarre.

L’idée européenne gagne en réalité. Jamais la chance de réaliser une union de plus en plus étroite entre les peuples européens n’a été aussi présente. Dans le cadre de ce processus d’intégration, les territoires le long des frontières internes jouent un rôle particulier : c’est surtout ici que l’Europe se construit” .

(Extrait de la première Déclaration Commune du Sommet ; Mondorf-les-Bains, 1995)

Pour gérer la coopération au quotidien entre ses membres, la Grande Région dispose désormais de plusieurs organes :

  • Le Sommet des Exécutifs de la Grande Région

Chargé d’impulser la coopération, le Sommet est l’organe de prise de décision politique qui regroupe les chefs des exécutifs des territoires membres : ministres-présidents (Belgique et Allemagne), président du Conseil régional et préfet.e de région (France), ministre à la Grande Région et Premier ministre (Luxembourg).

Assisté d’un secrétariat, il encadre également les travaux menés par les différents groupes de travail. Chaque membre prend à tour de rôle la présidence du Sommet pour une durée de deux ans. Depuis le 1er janvier, la région Grand Est l’exerce pour la période 2021-2022.

  • Le Conseil parlementaire interrégional (CPI)

Organe consultatif, composé des membres des parlements régionaux (pour l’Allemagne et la Belgique), national (Luxembourg), ou du Conseil régional (France), il édite des recommandations dans différents domaines qui sont ensuite transmises au Sommet. Le travail s’effectue dans le cadre de commissions thématiques.

  • Le comité économique et social de la Grande Région (CESGR)

Le CESGR est un second organe consultatif composé d’experts et des partenaires économiques et sociaux. A l’image du Conseil économique et social européen, il se compose de trois groupes : représentation patronale, représentation syndicale et société civile ou administrative. Le comité émet des avis et résolutions sur les champs économique, social, culturel et l’aménagement du territoire. Il travaille également sur le schéma de développement territorial de la Grande Région.

D’autres structures ont également été mises en place pour la mise en œuvre de certains projets comme la Maison de la Grande Région, le Centre européen Robert Schuman, ou encore la Task Force Frontaliers.

Quelle ambition pour la présidence française ?

Depuis le 20 janvier 2021, la région Grand Est assure la présidence tournante du Sommet des Exécutifs pour les deux prochaines années. Celle-ci s’est donnée comme slogan pour guider son action : “la Grande Région, carrefour de l’Europe, un espace innovant, résilient et solidaire” . A l’occasion du 17e sommet des Exécutifs de la Grande Région, le président du Conseil régional Jean Rottner a indiqué quatre 4 axes d’intervention prioritaires pour prolonger le travail effectué sous les dernières présidences et répondre “à un monde qui change et se transforme” :

  • Transformer les territoires pour retrouver une souveraineté industrielle et encourager la recherche médicale appliquée et sur les nouvelles formes d’énergie ;
  • Valoriser des ressources communes comme l’eau, où les ressources sont partagées entre la Meuse, la Moselle et la Sarre, à travers le soutien à l’émergence de circuits-courts de consommation ou encore la protection de la biodiversité et des espaces naturels via le réseau Natura 2000 ;
  • Relier les territoires et les citoyens pour garantir la mobilité des habitants dans l’espace transfrontalier et les intégrer dans un espace de vie commun. Cela passe aussi bien par l’adaptation des formations sur le territoire de la Grande Région pour répondre aux mutations du marché du travail que par le soutien à la mobilité ou encore à la culture avec la préparation d’Esch sur Alzette (Luxembourg), désignée capitale européenne de la Culture pour 2022. Un moyen de soutenir les secteurs culturel, touristique et de l’événementiel dans l’espace transfrontalier ;
  • Protéger les habitants en renforçant les initiatives de coopération entre les régions, aussi bien en matière de santé publique que de sécurité et protection civile.

Outre la lutte contre la pandémie de Covid-19 et ses conséquences, d’autres thèmes seront également mis en avant dans les deux prochaines années, comme le développement de la coopération dans le domaine numérique, le soutien à la recherche et à la mobilité durable, l’intégration du marché du travail ou encore l’élaboration d’une stratégie territoriale globale de long-terme pour fixer les grandes orientations à donner au projet de la Grande Région.

L’action de la Grande Région durant la crise sanitaire

Depuis de nombreuses années, la Grande Région investit également dans le domaine de la santé, en cherchant notamment à coordonner les systèmes de sécurité sociale, faciliter l’accès aux soins et leurs remboursements ou encore en assurant une meilleure mobilité pour les patients et pour les professionnels de santé.

Fortement impactée par la pandémie de Covid-19 et la fermeture des frontières, la Grande Région a mis en place un certain nombre d’outils pour maintenir la coopération et la mobilité transfrontalière, mises à mal à partir de mars 2020. Aux premiers jours de la crise sanitaire, de nombreux travailleurs frontaliers bénéficiant du chômage partiel avaient par exemple vu leurs revenus ponctionnés deux fois : par l’impôt en France et les prélèvements sociaux en Allemagne.

Sur le plan sanitaire, une Task Force Corona a été mise en place dès les premiers mois de la crise pour organiser un suivi des mesures de lutte contre la pandémie prises au niveau national et tenter de les coordonner. La Grande Région s’est aussi mobilisée pour aider au transfert de patients depuis les hôpitaux des régions les plus touchées vers les celles disposant de capacités d’accueil. Entre le 21 mars et le 4 avril, 183 patients, majoritairement issus de la région Grand-Est ont ainsi été transférés dans des hôpitaux en Allemagne, au Luxembourg mais aussi en Autriche et en Suisse. Selon le Conseil régional, 50 patients du Grand Est ont été traités dans un autre hôpital de la Grande Région entre mars et décembre.

Après la première vague, la Grande Région a milité pour la réouverture des frontières et l’instauration de mesures d’exception pour les travailleurs transfrontaliers mais s’est retrouvée confrontée au fait que les régions restaient dépendantes des décisions prises au niveau national. Une situation que le Luxemburger Post résumait de la manière suivante : “Censé être un territoire d’expérimentation pour la mise en œuvre accélérée d’échanges entre pays limitrophes, l’espace s’est transformé en symbole des divergences nationales, avec application de mesures décidées au niveau national” .

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