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Angela Merkel et l’Union européenne : quel bilan ?

En seize années à la tête de la première puissance économique d’Europe, la chancelière allemande a joué un rôle de premier plan au niveau de l’UE. Crises économique et financière de 2008, migratoire ou du Covid-19, climat, relations étrangères, couple franco-allemand… Quel bilan dresser de son action européenne ?

Angela Merkel - Crédits : Arno Mikkor / Flickr EU2017EE Estonian Presidency CC BY 2.0
Angela Merkel a été au cœur de nombreux moments décisifs pour l’UE - Crédits : Arno Mikkor / Flickr EU2017EE Estonian Presidency CC BY 2.0

Alors qu’elle a quitté le pouvoir le 8 décembre 2021, l’heure est au bilan pour la dirigeante conservatrice de l’Allemagne, dont le premier mandat avait commencé en 2005. Par l’importance de son pays en termes économiques, démographiques ou encore historiques (l’Allemagne fait partie des six Etats fondateurs de l’Union européenne), ainsi que sa longévité politique en tant cheffe du gouvernement, Angela Merkel a eu un poids significatif sur les décisions européennes, dans de nombreux domaines.

C’est notamment au gré des crises que l’empreinte de la chancelière sur l’histoire contemporaine de l’UE a pu être constatée. Le choc économique et financier de 2008 figure parmi les premières auxquelles elle a été confrontée.

La crise économique et financière : de l’intransigeance au compromis 

A compter de 2008, l’Europe est sévèrement touchée par la crise économique et financière mondiale. Face aux dettes qui s’envolent dans les pays européens, Angela Merkel préconise une grande rigueur budgétaire, quand d’autres, notamment en France, défendent plus de souplesse. Avec cette dernière, principal partenaire de l’Allemagne, les échanges sont d’abord tendus.

Mais la chancelière allemande et Nicolas Sarkozy, dont le couple franco-allemand qu’ils forment est surnommé “Merkozy”, finissent, bon an mal an, par accorder leurs violons. D’abord réticente, Angela Merkel se range finalement derrière l’idée d’un plan européen de sauvetage des banques. Le couple Merkel-Sarkozy impulse aussi la signature du pacte budgétaire européen en 2011, au point que celui-ci est alors qualifié de “traité Merkozy”. Ce texte, entré en vigueur en 2013, vise à éviter que les Etats membres ne s’endettent trop, en les conduisant à financer leurs dépenses par leurs recettes et en limitant le recours à l’emprunt.

Un rôle institutionnel important avec le traité de Lisbonne

Notamment prévu pour surmonter le “non” des Français et des Néerlandais au traité constitutionnel européen en 2005, celui de Lisbonne a été signé le 13 décembre 2007, sous la présidence portugaise du Conseil de l’UE. Mais le pays qui présidait précédemment l’institution était l’Allemagne, déjà dirigée par Angela Merkel. C’est pendant cette présidence qu’a été convoquée la Conférence intergouvernementale ayant abouti à la rédaction du traité de Lisbonne, aux implications institutionnelles majeures.

La crise économique et financière entraîne aussi celle des dettes souveraines, qui frappe durement plusieurs pays : l’Irlande, le Portugal, l’Espagne, l’Italie et surtout, la Grèce. Surendettée, son économie vacillante risque de faire sombrer l’ensemble de l’eurozone avec elle. Malgré les plans d’aide, auxquels l’Allemagne a volontiers participé en raison du risque systémique que représentait une sortie de la Grèce de la zone euro, le pays ne parvient pas à se relever du marasme économique dans lequel il est plongé. Opposée à tout effacement de la dette grecque, Angela Merkel finit par sérieusement envisager l’option d’un retrait de la Grèce de l’eurozone. C’est encore une fois l’intervention d’un président français, François Hollande cette fois-ci, qui contribue à adoucir sa position. En juillet 2015, les dirigeants européens valident un nouveau plan d’aide à destination de la Grèce, sans suppression d’une partie de ses créances comme cette dernière l’espérait.

De l’accueil massif de réfugiés au pacte migratoire UE-Turquie

Dans l’Europe des années 2010, les crises s’enchaînent. A partir de 2015, le Vieux Continent fait face à un afflux de réfugiés syriens fuyant la guerre civile, débouchant sur une crise migratoire d’une ampleur inédite. Ces demandeurs d’asile sont cependant loin d’être accueillis à bras ouverts par la plupart des Etats membres. Certains leur manifestent une réelle hostilité, à l’instar des pays du groupe de Visegrád (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie). La Hongrie de Viktor Orbán va même jusqu’à construire une barrière à sa frontière avec la Serbie en juillet 2015.

Une attitude du dirigeant hongrois vivement critiquée par Angela Merkel, qui y voit un déni des valeurs humanistes européennes. Fin août, elle annonce, à la surprise générale, l’accueil massif des réfugiés originaires de Syrie. Plus d’un million d’entre eux rejoindront alors l’Allemagne entre 2015 et 2016. Si la décision de la cheffe de l’exécutif est nationale, elle a un impact réel au niveau européen car beaucoup de demandeurs d’asile syriens choisissent ainsi l’Allemagne plutôt que les autres pays d’Europe, et trouvent alors un endroit pour s’installer durablement.

La politique d’accueil de la chancelière est cependant temporaire. Pour gérer les flux migratoires sur le plus long terme, elle se place au cœur de la négociation et de la signature le 18 mars 2016 d’un traité controversé avec la Turquie de Recep Tayyip Erdoğan. Ankara s’engage à empêcher, du moins drastiquement diminuer, les arrivées de migrants en Europe à partir du sol turc et à accepter le renvoi en Turquie de ceux ayant franchi la frontière avec la Grèce après la conclusion du pacte migratoire. En échange, l’UE prévoit une libéralisation des visas pour les Turcs et à une aide de six milliards d’euros.

La crise du Covid-19 : de l’orthodoxie budgétaire à la solidarité européenne

En 2020, c’est au tour de la crise du coronavirus de frapper l’Europe. Un défi sanitaire pour le Vieux Continent mais aussi un profond choc économique. Pour le surmonter, des dépenses publiques conséquentes s’avèrent nécessaires. Rapidement, l’idée d’un emprunt commun des Vingt-Sept, impliquant une mutualisation de la dette, émerge.

Dans un premier temps, Angela Merkel défend une position proche des “frugaux” (Autriche, Danemark, Finlande, Autriche et Pays-Bas), s’opposant fin mars à une mutualisation des créances européennes. Mais encore une fois, la chancelière fait preuve d’esprit de compromis. En mai, elle propose aux côtés d’Emmanuel Macron la création d’un fonds de solidarité européen de 500 milliards d’euros. Une proposition dont la Commission s’inspire dans le plan de relance de 750 milliards d’euros soumis aux États membres, qui l’approuvent en juillet 2020.

Un bilan contrasté sur le climat

En 2007, Angela Merkel fut surnommée Klimakanzlerin, à savoir la “chancelière du climat”, par la presse allemande pour sa volonté de faire de la lutte contre le réchauffement climatique la priorité de son action à la tête du gouvernement. Cette année, le cap de réduction des gaz à effet de serre de l’Allemagne est fixé à 40 % en 2020 par rapport aux niveaux de 1990, soit 20 points de plus que ce que les États membres de l’UE se donnent pour objectif en 2010 dans la stratégie “Europe 2020”. Mais le pays n’aura atteint qu’une baisse de 30 %. Il a été beaucoup reproché à la chancelière d’avoir mis en route des mesures à l’impact trop faible par rapport à l’objectif recherché, en essayant de ne pas pénaliser une industrie allemande, automobile notamment, abimée par la crise économique des années 2010. La décision de sortir du nucléaire en 2011 après l’accident de Fukushima explique aussi les résultats en demi-teinte de l’Allemagne, demeurée ainsi particulièrement dépendante aux énergies fossiles, telles que le charbon et le gaz naturel.

Ce recul moins rapide que prévu des émissions de CO2 n’a néanmoins pas empêché l’exécutif allemand de viser 55 % de réduction d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990, une cible rehaussée à 65 % en mai 2021. Et de militer pour que l’Europe se dote elle aussi d’objectifs plus ambitieux. Au cours de la présidence de son pays du Conseil de l’UE (juillet-décembre 2020), Angela Merkel a ainsi cherché à convaincre le plus possible ses homologues européens d’approuver une baisse de 55 % des émissions carbone à l’horizon 2035 par rapport à 1990. Un objectif définitivement adopté par l’Union en mai 2021.

Politique étrangère : relation forte avec les États-Unis, sans tourner le dos à la Russie et à la Chine

En termes de politique étrangère, compétence dépendant encore en premier lieu des États membres, la cheffe de l’exécutif allemand a maintenu la relation privilégiée qu’entretenait son pays avec les États-Unis. Un très proche allié qui dispose de 35 000 soldats présents outre-Rhin. Si les rapports se sont dégradés avec la présidence de l’isolationniste Donald Trump de 2017 à 2021 – pour se réchauffer avec son successeur Joe Biden, Angela Merkel a pour autant toujours fait preuve d’un profond atlantisme. En novembre 2019, lorsque le chef de l’État français Emmanuel Macron critique sévèrement l’Otan, le considérant en état de “mort cérébrale” après que la Turquie (membre de l’Alliance atlantique) a attaqué les Kurdes de Syrie pourtant alliés de l’Otan, la cheffe du gouvernement fait part de son désaccord en défendant longuement l’organisation militaire devant les députés du Bundestag.

Cette proximité avec Washington ne signifie pas pour Angela Merkel qu’elle ne peut pas nouer des liens à l’est du Vieux Continent. Malgré les questions relatives aux droits de l’homme et le dossier ukrainien, pour lesquels elle a dénoncé l’action de la Russie aux côtés de l’Union européenne, la chancelière a toujours défendu un maintien de relations solides avec le Kremlin. Un choix fortement motivé par l’approvisionnement en gaz naturel venant de Russie, dont dépend le secteur énergétique allemand, devenu d’autant plus crucial par la décision allemande de mettre définitivement fin aux centrales nucléaires en 2011. Le gazoduc Nord Stream 2, qui relie la Russie à l’Allemagne en passant par la mer baltique et qui doit prochainement entrer en service, en est une illustration. De quoi froisser certains des alliés européens de l’Allemagne, critiques à l’égard de cette approche, à l’instar de la Pologne et des pays baltes.

La guerre en Ukraine : une participation centrale à la résolution du conflit

Depuis 2014, la guerre du Donbass, conflit civil opposant Ukrainiens favorables à Kiev et séparatistes pro-russes, a causé au moins 13 000 morts. Si la guerre n’est pas achevée, Angela Merkel et François Hollande ont joué un rôle décisif, en tant que médiateurs, dans la signature de l’accord de paix de Minsk (“Minsk II”) le 11 février 2015, ayant mis fin à la majeure partie des combats.

En ce qui concerne la Chine, elle aussi régulièrement accusée de malmener les droits de l’homme, les intérêts économiques semblent là encore prévaloir pour Angela Merkel. Elle a notamment beaucoup œuvré auprès des États membres pour qu’ils acceptent la mise en place d’un accord sur les investissements avec la Chine. Si un compromis a été trouvé en ce sens en décembre 2020, la signature et la ratification de l’accord ont été gelées depuis. En cause : les sanctions chinoises à l’encontre de personnalités européennes, répondant elles-mêmes aux sanctions européennes visant des responsables chinois impliqués dans la répression de la minorité ouïghoure.

Un couple franco-allemand indéfectible

Au cours de ses quatre mandats de chancelière, Angela Merkel a connu autant de présidents français : Jacques Chirac (de 2005 à 2007), Nicolas Sarkozy (entre 2007 et 2012), François Hollande (de 2012 à 2017) et Emmanuel Macron. Si les rapports avec eux ont été plus ou moins bons, que la coopération entre France et Allemagne a connu des hauts et des bas, le couple franco-allemand est demeuré une réalité tout au long de ces 16 années de pouvoir. Et est resté moteur des décisions européennes.

En janvier 2019, l’amitié entre les deux pays est réaffirmée à travers le traité d’Aix-la-Chapelle, 56 ans après la signature du traité de l’Elysée, qui marquait en 1963 la réconciliation définitive de Paris et de Berlin. Le nouvel accord de coopération vient compléter le précédent, en particulier en termes de politique étrangère. Un domaine dans lequel Allemands et Français entendent davantage coopérer, pour toujours plus unir leurs voix.

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