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Vers une première loi européenne pour lutter contre les violences faites aux femmes ?

Etats membres et eurodéputés discutent actuellement d’une proposition visant à protéger les femmes victimes de violences, tout en harmonisant les définitions et les sanctions à l’encontre de ceux qui les commettent.

147 féminicides ont été recensés en France en 2022
147 féminicides ont été recensés en France en 2022 - Crédits : BeritK / iStock

En Europe, sept femmes meurent chaque jour sous les coups de leur conjoint ou d’un membre de leur famille, selon les Nations unies. Tandis qu’en France, 147 féminicides ont été recensés en 2022, d’après le décompte de l’association féministes #NousToutes.

En mars 2022, la Commission européenne a mis sur la table une proposition de directive visant à endiguer le phénomène et qui propose notamment d’harmoniser les définitions et les outils mis à disposition pour le contrer. Un texte à la dimension symbolique puissante, selon le Parlement européen. “Il s’agit de la première loi européenne pour lutter contre les violences faites aux femmes”, souligne l’eurodéputée Nathalie Colin-Oesterlé. La Française, rapporteure sur le texte pour le groupe du Parti populaire européen (droite), y voit un “signal extrêmement fort envoyé aux victimes de ces violences”.

Le texte poursuit deux objectifs principaux. D’une part, il envisage d’harmoniser les définitions des violences faites aux femmes, ainsi que les sanctions prononcées contre ces actes. D’autre part, la proposition entend améliorer l’accompagnement des victimes, ainsi que la prévention. Dans les commissions parlementaires du Parlement européen, une large majorité s’est dégagée en faveur du texte le 28 juin dernier. Si bien que les eurodéputés ont décidé cette semaine d’entrer directement en négociations avec les Etats membres, sans passer par la case “plénière” à ce stade. 

L’Union européenne adhère à la convention d’Istanbul

Le 1er juin 2023, l’Union européenne a officiellement adhéré à la convention d’Istanbul, quelques semaines après un vote favorable du Parlement européen.

Le traité international, instauré par le Conseil de l’Europe, vise à établir dans chaque Etat signataire “des normes contraignantes visant spécifiquement à prévenir les violences fondées sur le genre, à protéger les victimes de violences et à sanctionner les auteurs”, précise le Parlement européen.

Harmoniser les définitions et les sanctions

Les législations des Etats membres sont actuellement trop “hétérogènes”, estime Nathalie Colin-Oesterlé. C’est pourquoi le volet pénal de la proposition vise à définir “un socle de définitions communes”.

Dans sa proposition, la Commission européenne a ainsi énuméré les actes pour lesquels ces définitions sont envisagées. La liste comprend le viol, le cyberharcèlement ou encore les mutilations génitales féminines. Le Parlement européen souhaite aller encore plus loin, en incluant par exemple les mariages et stérilisations forcés, ou encore le partage non consenti d’images intimes, un phénomène récemment mis en lumière par le revenge porn. Cette pratique consiste à diffuser publiquement, sur certains réseaux sociaux notamment, des vidéos à caractère sexuel de son ancien conjoint pour s’en venger, suite à une rupture amoureuse par exemple.

17 Etats membres de l’Union européenne condamnent officiellement le mariage forcé. La pratique est aussi implicitement interdite dans 7 autres pays de l’UE.

Le texte prévoit également une harmonisation des sanctions. “Les Etats membres veillent à ce que [le viol] soit passible d’une peine maximale d’au moins huit ans d’emprisonnement”, peut-on ainsi lire dans la proposition de la Commission européenne. L’exécutif européen définit également les circonstances aggravantes ainsi que des délais minimums de prescription pour chaque infraction.

Mieux protéger les victimes

Outre ce volet répressif, le texte entend également consacrer une attention plus importante au “parcours de combattante” des victimes, comme le qualifie Nathalie Colin-Oesterlé. Du dépôt de plainte jusqu’à un éventuel accueil dans une structure adaptée, le chemin est généralement semé d’embûches.

Pour parer à ces difficultés, le projet prévoit la mise en place d’une assistance juridique et sociale gratuite, d’une assistance téléphonique disponible 24h/24 et 7J/7 dans toutes les langues de l’UE ou encore l’aménagement du contrat de travail de la victime. Figure également la généralisation de dispositifs comme les ordonnances de protection ou les téléphones “grave danger”, des smartphones sur lesquels une touche préprogrammée est reliée à un service d’assistance. L’Union souhaite également mieux former les professionnels qui interviennent auprès des victimes, comme les magistrats, les médecins ou encore les policiers.

De son côté, Nathalie Colin-Oesterlé a déposé un amendement, retenu par le Parlement européen, pour garantir un meilleur hébergement des victimes dans chaque Etat membre. Avec sa proposition, l’eurodéputée souhaite que chaque pays dispose “d’une capacité d’hébergement d’une famille pour 10 000 habitants”. Si elle est retenue dans le texte final, cette disposition viendrait augmenter les capacités en France.

Une loi contre les féminicides en Belgique, une première européenne

Le 29 juin 2023, la Belgique est devenue le premier Etat européen à adopter une loi pour lutter contre les féminicides.

La loi-cadre prévoit un ensemble d’instruments pour lutter contre ces crimes et protéger les victimes. De nombreuses mesures sont ainsi similaires à celles contenues dans la proposition de directive de la Commission européenne.

Quels sont les points de désaccord avec les Etats membres ?

Désormais, Etats membres et eurodéputés doivent négocier pour tenter de trouver un compromis sur le texte. De son côté, le Parlement affiche une “position ambitieuse”, selon Nathalie Colin-Oesterlé. Le 9 juin dernier, le Conseil a défini la sienne, “beaucoup moins ambitieuse que celles de la Commission et du Parlement”, selon les mots de la députée.

Principal grief : l’exclusion du viol du champ d’application de cette directive. Les Etats membres estiment que la base légale sur laquelle se fonde le texte - l’article 83 du traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE), qui énumère les domaines pouvant faire l’objet d’une harmonisation en matière d’infractions pénales – ne permettrait pas de légiférer sur le sujet. Un argument que la parlementaire juge non recevable, rappelant que l’UE s’est déjà fondée sur cet article en 2011 pour lutter contre les “abus sexuels commis contre des enfants”. Dans un communiqué, elle dénonce ainsi “une volte-face” de la part de plusieurs pays, dont la France.

Quatre Etats membres (Belgique, Grèce, Luxembourg et Italie) regrettent néanmoins ce manque. Lors des négociations interinstitutionnelles qui débutent, ils devraient donc être du côté des parlementaires européens pour qui l’inclusion du viol dans le champ de la directive est une ligne rouge.

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Commentaires sur Vers une première loi européenne pour lutter contre les violences faites aux femmes ?

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1 commentaire

  • Avatar privé
    Gago

    Exclure le viol des violences faites aux femmes c’est comme exclure la liberté des droits de l’homme !!! 🤔