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Michel Barnier : “Une action de l’UE présente une valeur ajoutée par rapport à la somme des actions individuelles organisées dans l’urgence”

Michel Barnier est ancien ministre français des Affaires étrangères et ancien commissaire européen. A la demande de la Commission européenne, il a publié un rapport en mai dernier sur la refonte du mécanisme de protection civile. Touteleurope.fr l’a interrogé sur les enjeux de ce dossier et les perspectives attendues.

Michel Barnier, pourquoi développer une Protection civile européenne ?

Le rapport que m’ont demandé le Président de la Commission européenne José Manuel Barroso et le Président du Conseil de l’Union européenne le Chancelier Wolfgang Schüssel au mois de janvier 2006 part concrètement de la tragédie du tsunami. Il traite de la réponse de l’Union européenne aux grandes crises transnationales et propose en particulier de créer une force européenne de protection civile. Je suis convaincu que pour des désastres d’une telle ampleur, une action de l’Union européenne présente en effet une valeur ajoutée par rapport à la somme des actions individuelles organisées dans l’urgence.

“Récemment, les événements du Liban ont encore montré aux Européens qu’ils devaient agir ensemble et qu’une force européenne de protection civile aurait été utile pour faire face ensemble à la crise humanitaire et à la pollution de la côte méditerranéenne par le pétrole.”

Je ne propose en aucune manière de centraliser des moyens de protection civile à Bruxelles, mais bien plutôt d’organiser et de mutualiser ceux des moyens nationaux existants qui seraient dédiés à la réponse européenne sous un double drapeau national et européen. Tout moyen additionnel serait aussi placé en gestion déléguée dans les Etats membres. La force européenne, appelée “Europe Aid” , serait ainsi composée de ces unités labellisées de manière volontaire par les Etats membres.

Je propose de créer un Centre Opérationnel à Bruxelles. Celui-ci pourrait en liaison avec les autorités nationales, partant de leur expérience et selon une approche “de bas en haut” , établir scénarios et protocoles d’action systématiques pour répondre aux sept grands risques transnationaux suivants : les tremblements de terre et tsunami ; les incendies et les feux de forêts ; les inondations et les glissements de terrain ; les accidents industriels et nucléaires ; les attaques terroristes ; les catastrophes maritimes ; les grandes pandémies. Un Institut de Formation pour la protection civile et l’aide humanitaire destiné à former des équipes européennes complèterait cet édifice.

Qu’est-ce qu’Europe Aid ? En quoi cette force européenne vient compléter le mécanisme communautaire de protection civile ?

Europe Aid est le nom que je propose pour cette force européenne, composée d’unités nationales - ou régionales selon les pays - dédiées à la réaction européenne. Pourquoi ? C’est un nom simple, clair et compréhensible par tous les citoyens européens. Ce symbole de l’aide européenne d’urgence serait accompagné du drapeau européen et du drapeau national. Une tenue commune pour tous les personnels de la force européenne de protection civile serait aussi créée.

“On se souvient qu’une des polémiques soulevées lors de la tragédie du tsunami a été celle de la trop faible visibilité européenne par rapport à l’effort global très important consenti par les Européens.”

Nous savons que le mécanisme communautaire de protection civile institué en 2001 a constitué un progrès indéniable pour améliorer la coordination des forces de protection civile des Etats membres que la crise soit interne ou externe à l’Union. Mes propositions complètent le mécanisme existant en proposant une préparation systématique des scénarios et protocoles d’action autour d’un Centre opérationnel, constitué autour de l’actuel mécanisme. Ce travail préparatoire mettrait en évidence les “manques” éventuels en matériel dans la réponse européenne, que je propose d’acheter et de placer en gestion déléguée dans les Etats membres. Cela n’existe pas à l’heure actuelle. Or, si l’histoire européenne récente a connu des marées noires récurrentes (Erika, Prestige), l’Europe manque toujours de navires capables de pomper le pétrole en haute mer par temps de tempête. Elle manque aussi parfois de moyens de transport pour acheminer l’aide.

Vous proposez la mise en place d’un système d’information clair pour le citoyen européen et notamment des campagnes d’information ciblées dans les aéroports. Quels messages souhaitez-vous adresser aux citoyens lors de ces campagnes d’information ?

Il est essentiel que chaque citoyen européen soit informé à titre préventif de ses droits lorsqu’il part en voyage à l’étranger. L’article 20 du Traité des Communautés européennes permet à tout citoyen de l’Union de bénéficier, sur le territoire d’un pays tiers où l’Etat membre dont il est ressortissant n’est pas représenté, de la protection de la part des autorités diplomatiques et consulaires de tout Etat membre, dans les mêmes conditions que les nationaux de cet Etat.

Nous proposons que cette information soit reproduite sur tous les passeports européens ainsi que les numéros d’appel utiles en cas de besoin d’assistance, et en particulier des numéros des cellules de crises de chacun des Etats membres. Cette information passe ensuite par une campagne d’information ciblée en particulier dans les aéroports.

Vous préconisez d’inscrire la protection civile sous la responsabilité d’un ministre européen des Affaires étrangères. Quel écho cette proposition a recueilli lors du Conseil européen des 15 et 16 juin dernier ?

Mes propositions se situent sur un calendrier de quatre ans. C’est un horizon de moyen terme qui s’achève en 2010, c’est-à-dire à un moment où, d’une manière ou d’une autre, les pays de l’Union européenne auront créé, je l’espère, le poste de Ministre européen des Affaires Etrangères, prévu par la Constitution, qu’ils ont voulu et accepté tous ensemble à Rome.

Le Conseil européen des 15 et 16 juin dernier a salué mon rapport - d’abord présenté le 9 mai 2006 au Président de la Commission M. Barroso et au Président du Conseil le Chancelier Schüssel - comme une contribution importante au débat en cours sur le rôle de l’Union européenne dans la réponse aux crises. Le Parlement européen est également très engagé sur ce défi.

“Les institutions ont entre les mains cette proposition concrète, opérationnelle. C’est leur responsabilité de la mettre en œuvre et, pour ma part, je reste disponible pour accompagner ce projet.”

Propos recueillis le 22/09/06

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