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La Commission appelle à une meilleure couverture vaccinale

Alors que plusieurs maladies, dont la rougeole, progressent dans l’Union européenne, la Commission a adressé en avril 2018 une recommandation au Conseil de l’UE pour encourager les Etats membres à mettre en place des campagnes de vaccination plus scrupuleuses.

Enjeu de santé publique, la vaccination permet aux individus de ne pas contracter de maladie contagieuse et donc d’éviter leur propagation. Un vaccin est une préparation contenant notamment des germes de maladie diminués. Il est administré dans le but d’immuniser l’organisme contre des maladies infectieuses. Il provoque en effet la fabrication d’anticorps qui neutralisent le germe diminué. Ainsi, si l’individu rencontre les vrais microbes ou virus, son système immunitaire les reconnaitra et les éliminera.

Etat des lieux de la couverture vaccinale dans l’UE

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les cas de rougeole ont quadruplé en Europe passant de 5 273 cas en 2016 à 21 315 cas en 2017 (dont 35 décès) après avoir atteint son niveau le plus bas en 2016. Entre le 1er mars 2017 et le 28 février 2018, ce sont 14 813 cas de rougeole qui ont été signalés, selon le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). Dans les cas où le statut vaccinal était connu, 86 % des contaminations concernaient des personnes non vaccinées.

D’après l’OMS, c’est en Roumanie (5 562), en Italie (5 006) et en Ukraine (54 767) que les records de personnes malades de la rougeole en 2017 ont été signalées. La Grèce (967), l’Allemagne (927) et la France (520) ont également connu des flambées épidémiques d’envergure, dont beaucoup étaient apaisées à la fin de 2017.

Autre pathologie, le grippe ferait 40 000 victimes chaque année en Europe, toujours selon l’ECDC. Des chiffres que l’on peut notamment expliquer par la faible couverture vaccinale. En effet, parmi les seniors, la couverture vaccinale contre la grippe diminue. Or l’ECDC estime qu’ils représentent plus de 90 % des cas de décès liés à la grippe. L’OMS recommande donc qu’au moins 75 % des personnes âgées soient vaccinées contre la grippe. La plupart des pays européens ont adopté cette recommandation. Cependant, dans la moitié des pays de la région Europe selon l’OMS, moins d’un senior sur trois se fait vacciner. Conséquence directe : l’augmentation du risque de voir de nouvelles flambées épidémiques survenir.

Les obstacles à la couverture vaccinale dans l’UE

Ces dernières années, les services de santé publique européens doivent faire face à de nombreuses difficultés. Parmi elles, le rétrécissement de la couverture vaccinale systématique et un taux de couverture qui reste faible dans des lieux géographiquement marginalisés. De plus, certains pays comme la Roumanie ont accumulé des retards d’achat de vaccins et le suivi médicale n’est pas optimal ce qui perturbe l’action des organismes de santé.

Pour la Commission, la première raison de l’affaiblissement de la couverture vaccinale repose dans la réticence à l’égard des vaccins. Une défiance grandissante à l’égard des études scientifiques officielles, doublée d’une crainte d’effets secondaires a entrainé un rejet de la vaccination obligatoire d’une partie de la population. De plus, la normalisation des vaccins a permis une forte réduction des maladies à prévention vaccinale. Cela a eu pour effet pervers la sous-estimation fréquente de la gravité de ces maladies aussi bien chez les citoyens que pour chez les professionnels de la santé.

Comme l’explique Anne-Marie Moulin, médecin et directrice de recherche émérite au CNRS, des “campagnes pour la liberté de se faire vacciner ont vu le jour” , et notamment en France. Ces initiatives s’opposent à “l’obligation vaccinale, ces militants refusent de faire vacciner leurs enfants et de se faire vacciner eux-mêmes.

L’une des explications de ce phénomène réside dans la promotion générale et unilatérale du vaccin de la part des pouvoir publics, qui “laisse peu de place à l’interrogation légitime des citoyens sur le bienfondé de l’obligation de vacciner massivement les populations” , explique la chercheuse En effet, certains Etats, dont la France et l’Italie, ont fait le choix de rendre plusieurs vaccins obligatoires pour les enfants. Or la contrainte n’est pas la seule solution pour Anne-Marie Moulin : “si contraindre peut être efficace, la vaccination n’a d’avenir que si les patients sont convaincus de son utilité” . Pour elle, il est important de comprendre que la “vaccination n’est pas un dogme, une politique de santé propre” , car “il n’y a pas la vaccination mais bien des vaccins” .

Et chez nos voisins ? Les pays aux frontières de l’UE sont confrontés à des situations hétérogènes. La Russie fait par exemple face à un rejet massif de la vaccination. “C’est le régime soviétique qui a imposé le vaccin sur tout le territoire. Pour l’opinion publique, s’y opposer, c’est refuser le passé oppresseur qui y est associé” , explique Anne-Marie Moulin. A l’inverse, les pays du Maghreb comme le Maroc, l’Algérie et la Tunisie ont rendu plusieurs vaccins obligatoires et “l’opposition à cette politique est quasi inexistante” . La “tuberculose restant une préoccupation importante pour la population qui est régulièrement touchée et pour qui la tradition vaccinale de l’ancien colonisateur français représente un modèle efficace de santé publique” .

Les propositions de la Commission européenne pour améliorer la couverture vaccinale

Les recommandations de la Commission suivent trois axes majeurs.

Le premier entend lutter contre les résistances à l’égard des vaccins. Pour ce faire, l’exécutif européen veut mettre en place un dispositif d’information sur le vaccin dans l’ensemble de l’UE. Par exemple, l’une des idées reçues la plus répandue et la plus persistante concerne le vaccin ROR (rougeole, oreillons et rubéole) qui rendrait les enfants vaccinés autistes. Si cette théorie a été réfutée par des rapports scientifiques, elle continue de “susciter la crainte chez certains parents en France” et “l’information n’arrivera jamais à lever toutes les interrogations” , estime Anne-Marie Moulin.

La Commission souhaite également qu’une politique de vaccination pérenne soit mise en place avec comme objectif que 95% de la population soit vaccinée. Un seuil qui permettrait a minima d’empêcher toute propagation épidémique. La Commission propose aussi d’imposer un contrôle de routine du statut vaccinal par échantillonnage national pour suivre l’avancée des campagnes vaccinales.

Enfin, le texte recommande d’harmoniser les politiques entre les Etats membres. En effet, “Les maladies infectieuses ne sont pas confinées à l’intérieur des frontières nationales” , rappelait le commissaire pour la santé et la sécurité alimentaire Vytenis Andriukaitis, en avril 2018. Ainsi, la Commission propose de créer une carte de vaccination personnelle valable à travers les frontières. Cela permettrait aux individus vivant dans plusieurs pays de l’Union de se faire vacciner dans le pays qu’ils souhaitent. La Commission propose également de centraliser le recensement des stocks de vaccins grâce à une base de données commune, pour anticiper d’éventuelles pénuries.

Une meilleure formation des professionnels de santé est aussi évoquée. Anne-Marie Moulin admet qu’une “mise à jour régulière des nouvelles informations sur les vaccins peut être utile” pour le personnel de santé. “Il ne faut cependant pas trop leur en demander ” , tempère-t-elle. En effet, “imaginez un médecin généraliste qui rencontre à de nombreuses reprises des patients réfractaires à la vaccination, ils n’auront pas le temps de convaincre chaque mère ou père de famille que le vaccin est bénéfique pour la santé de leur enfant par un argumentaire long et fastidieux” . Faute de quoi, les médecins “n’insistent pas et abandonnent” .

A propos de la démarche de la Commission d’une manière plus générale, pour la chercheuse, une “recommandation du vaccin par l’UE n’est pas très favorable à l’image du vaccin en général car la pression institutionnelle n’est pas bien considérée chez les réfractaires à la vaccination” . En revanche, “rapprocher et surtout comparer les systèmes de vaccination permettra de mieux cerner les besoins et les lacunes de chacun des pays” .

Directrice de recherche émérite au CNRS, Anne-Marie Moulin est médecin et philosophe. Elle a écrit divers articles sur l’histoire des politiques vaccinales et a pris part au comité d’orientation de la concertation citoyenne sur la vaccination qui a produit un rapport en 2016 pour le ministère de la santé.

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