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L’Union européenne veut renforcer la lutte contre le trafic d’œuvres d’art

Fruit de pillages, de vols ou encore de contrefaçons, le commerce illégal des biens culturels dépasse les frontières nationales. La Commission européenne doit prochainement publier un plan d’action pour mieux combattre ce juteux trafic.

La lutte contre le trafic d'œuvres d'art, un enjeu européen
Les fouilles illégales de sites archéologiques auraient atteint un rythme “industriel”, selon plusieurs experts - Crédits : river43 / iStock

En 2015, les destructions de temples antiques perpétrées par Daech à Palmyre, en Syrie, produisent un véritable électrochoc. Ces exactions sont accompagnées de nombreux pillages par le groupe armé islamiste, qui récupère des œuvres archéologiques afin de les revendre. Un business rentable et illégal, dont on estime qu’il pourrait représenter la deuxième source de revenus de l’organisation terroriste, derrière le pétrole.

Le trafic concerne toutes les régions du monde

Si les zones de guerres sont particulièrement susceptibles de connaître ces saccages, le trafic de biens culturels ne se limite pas aux pays fragilisés par des conflits. En Europe comme en Amérique du Nord, des marchés parallèles se développent. Les œuvres peuvent même atterrir dans le commerce traditionnel. Le vice-président de la Commission européenne Margarítis Schinás relayait récemment une étude conduite par le ministère allemand de la Recherche qui concluait que seulement 2 % des antiquités en provenance de l’Est et de la Méditerranée puis mises sur le marché en Allemagne avaient une origine connue et légale.

L’ampleur du phénomène est toutefois difficile à évaluer. Comme pour beaucoup de marchés parallèles, les statistiques sont partielles et fragmentées. En décembre 2020, plus de 52 000 œuvres d’art volées étaient recensées sur Psyché, le fichier d’Interpol qui liste ces précieux biens dérobés. Cette base de données internationale est accessible à tout citoyen qui en ferait la demande pour vérifier en temps réel si un objet a été volé à un musée ou une galerie.

Car ces œuvres patrimoniales peuvent notamment se retrouver… en ligne. Et pas seulement sur des sites confidentiels. En 2019, Facebook aurait supprimé environ 50 groupes liés au marché noir des antiquités, où se vendaient notamment des céramiques et des pièces de monnaie. Un trafic qui a connu un regain pendant la pandémie de Covid-19.

Le rôle des Etats

Le trafic dépassant les frontières nationales, la coopération entre les Etats est majeure pour réprimer les criminels de l’art. En 2018, un des plus gros coups de filet pour de tels faits a été mené. Au petit matin, des forces de police italiennes, allemandes, britanniques et espagnoles ont perquisitionné simultanément 40 maisons dans 4 pays européens. 23 suspects ont été arrêtés, menant à la saisie de plus de 25 000 pièces archéologiques, pour une valeur de 40 millions d’euros. Une opération en partie coordonnée au niveau européen, avec l’aide d’Europol et Eurojust.

Au sein de l’UE, tous les Etats membres ne contrôlent toutefois pas le commerce d’œuvres d’art de la même manière. Un rapport de 2019 prenait l’exemple du milliardaire espagnol Jaime Botín, fondateur de la banque Santander. En 2012, il demande aux autorités de son pays l’autorisation de transporter à Londres un tableau de Picasso, acquis dans les règles en 1977, afin de le revendre. La loi espagnole en la matière est l’une des plus restrictives d’Europe : sa requête est non seulement refusée, mais les douanes françaises saisissent l’œuvre quelques années plus tard, sur un yacht en Corse. Jaime Botín est même poursuivi pour contrebande de biens culturels. Or, dans la plupart des autres pays européens, l’exportation de la toile par le milliardaire aurait été considérée comme légale.

De son côté, la France a mis en place des coopérations pour combattre la circulation illicite des objets culturels. Elle participe à des actions avec l’UNESCO et a porté en 2016 une résolution aux Nations Unies, aux côtés de l’Italie, pour réaffirmer la nécessité de protéger le patrimoine en danger. Dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’UE, Paris a fait savoir qu’elle entendait souligner l’importance de la lutte contre le trafic des biens culturels.

L’Union européenne et la lutte contre les trafics d’œuvres d’art

En dépit des divergences nationales sur la question, l’Union européenne entend s’investir de plus en plus dans ce combat. Un cadre juridique existe déjà au niveau européen. Un règlement de 2008 assure que les exportations de biens culturels sont soumises à des contrôles aux frontières extérieures de l’UE. Certains tableaux, les objets archéologiques, ou encore des livres anciens doivent obtenir une autorisation spéciale pour quitter le territoire européen. Dans le contexte de la seconde guerre du Golfe au début des années 2000, l’UE avait d’ailleurs interdit l’importation ou l’exportation de biens culturels depuis et vers l’Irak.

Dès 1993, au sein même du marché européen, une directive obligeait les Etats membres à restituer le patrimoine d’un autre Etat membre lorsqu’il était illégalement sorti du territoire de ce dernier. Cette règle a été renforcée en 2014. Si un pays considère un bien comme un “trésor national”, il peut demander sa restitution dans le cas où l’œuvre aurait été exportée de façon frauduleuse.

L’Union est allée plus loin en 2019, en réglementant les importations depuis d’autres régions du monde. Tous les objets archéologiques et éléments de monuments de plus de 250 ans d’âge doivent faire l’objet d’une autorisation d’importation par l’Etat membre concerné. Les importateurs de sculptures, peintures, manuscrits et autres pièces de monnaie doivent déclarer aux douanes ces objets patrimoniaux s’ils ont plus de 200 ans et une valeur supérieure à 18 000 euros.

La Commission européenne doit publier un plan d’action pour mieux lutter contre le commerce illégal des biens culturels pendant le premier semestre 2022. Elle sera suivie d’une consultation publique cet automne, destinée à enrichir le futur plan d’action européen. L’utilisation des nouvelles technologies dans ce combat pourrait être mise en avant, telles que l’analyse des images provenant de satellites pour surveiller les sites archéologiques.

Le Conseil de l’Europe a adopté en 2017 une convention afin “de prévenir et combattre le trafic illicite et la destruction de biens culturels, dans le cadre de l´action de l´Organisation pour lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée”. Elle vise en particulier les vols, les excavations, la falsification de documents ou encore la mise sur le marché d’œuvres de biens acquis illégalement. Signée par 13 pays, elle doit entrer en application en avril 2022.

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