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Conseil européen de La Valette : les Européens veulent en finir avec la crise migratoire

Les dirigeants européens se retrouvent à La Valette (Malte), vendredi 3 février, pour un Conseil européen informel, à l’heure où les menaces pesant sur la construction européenne inquiètent au plus haut point. A ce titre, et même si le sujet n’est pas à l’ordre du jour, la présence de Theresa May à la réunion devrait être l’occasion d’aborder l’explosive question du Brexit. L’après-midi seront évoqués les préparatifs du 60ème anniversaire des traités de Rome, qui sera célébré le 25 mars et permettra de rappeler les réussites du projet européen. L’ambiance sera sans doute plus détendue que le matin, consacré aux enjeux migratoires, profonde source de tensions entre Etats membres.

Réfugiés syriens et irakiens arrivant sur l'île de Lesbos en Grèce depuis la Turquie, aidés par les membres d'une ONG espagnole (octobre 2015)

Dans une Europe prise en tenaille entre des Etats-Unis dont le président est ouvertement hostile à l’Union européenne et une Russie aux visées expansionnistes, les dirigeants européens commencent à prendre la mesure de l’importance d’avancer en rangs serrés. Cette prise de conscience devrait conduire le Conseil européen, réunion des chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres à travers laquelle les grandes lignes de la politique de l’UE sont déterminées, à gagner en poids politique.

Vendredi à Malte, les chefs d’Etat et de gouvernement tenteront de pérenniser “l’esprit de Bratislava” , expression faisant référence au Conseil européen de septembre 2016 en Slovaquie. L’événement avait été consacré à une réflexion sur l’Europe post-Brexit, au cours de laquelle l’impérieuse nécessité de parvenir à une UE réellement unie a été clairement affirmée.

A cet égard, les questions migratoires figurent parmi les principales sources de désunion entre Européens. C’est une des raisons pour lesquelles la rencontre de vendredi y sera en partie consacrée, plus précisément concernant le contrôle des frontières extérieures de l’UE et notamment de la route de la Méditerranée centrale, que les migrants empruntent le plus souvent de la Libye vers l’Italie, au péril de leur vie.

La Méditerranée centrale, sujet de préoccupation

Si l’Union européenne a enregistré une chute significative du nombre de demandes d’asile, passant d’environ 1 320 000 en 2015 à 860 000 l’année dernière (données Eurostat), les Européens n’ont pour l’heure pas réussi à mettre un terme à la crise migratoire. L’urgence humanitaire est toujours présente. Et pour cause : selon l’ONU, malgré la diminution des arrivées en Europe, le nombre de migrants morts en Méditerranée a, quant à lui, augmenté en 2016. Plus de 5 000 personnes y ont perdu la vie l’année passée, alors que cette macabre statistique s’élevait, déjà, à 3 711 personnes en 2015.

Le controversé accord UE-Turquie sur les migrants aura au moins eu le mérite de considérablement réduire le nombre de personnes tentant la périlleuse traversée de la Méditerranée orientale, des côtes turques vers les îles grecques. Sur cette “route” , 57 000 arrivées avaient été recensées en février 2016 contre “seulement” 1 500 en juin. Néanmoins, si une solution a été trouvée pour la route de la Méditerranée orientale, celle de la Méditerranée centrale demeure un sujet de préoccupation majeure pour l’Europe.

La Libye, actuellement en proie au chaos de la guerre civile, est incapable de maîtriser les flux de migrants, sur lesquelles les réseaux de passeurs ont la mainmise. Pour cesser l’hécatombe en Méditerranée, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE, dans les discussions de vendredi matin porteront une attention particulière aux mesures à mettre place pour limiter le nombre de départs des côtes libyennes.

Des solutions se heurtant à de nombreux obstacles

Les opérations de l’UE en mer Méditerranée

Afin de sauver des vies, mieux contrôler les frontières et démanteler les réseaux de passeurs, l’UE a lancé plusieurs opérations sur les routes migratoires en Méditerranée. Les principales sont :

- L’Opération Poséidon, qui apporte notamment à la Grèce une assistance technique pour l’aider à améliorer le contrôle de ses frontières maritimes entre la Turquie et les îles grecques ainsi que ses actions de sauvetage en mer.

- L’Opération Triton aide, quant à elle, l’Italie dans le contrôle de ses frontières maritimes en Méditerranée centrale et également dans le sauvetage des migrants en mer.

- L’Opération Sophia a pour but principal de mettre les passeurs hors d’état de nuire en les arrêtant et en neutralisant leurs embarcations.

Depuis 2015, l’ensemble de ces opérations a permis le sauvetage de plus de 400 000 personnes, la neutralisation de 303 navires appartenant à des réseaux criminels et d’arrêter 89 passeurs et trafiquants présumés.

Plusieurs solutions ont été avancées par les Etats membres concernant la route de la Méditerranée centrale. Une d’entre elles consiste à transposer l’accord UE-Turquie à la Libye. Toutefois, un tel accord, qui suppose l’accueil en Libye de personnes dont la demande d’asile a été refusée en Europe, se heurte à deux obstacles majeurs, selon Yves Pascouau, chercheur à l’Institut Jacques Delors et directeur de programme à l’European Policy Centre, think tank basé à Bruxelles, spécialiste des politiques d’immigration, d’asile et d’intégration, interrogé par Toute l’Europe.

Il n’y a pas véritablement de possibilité d’étendre l’accord avec la Turquie à la Libye” , estime le chercheur. D’une part, “parce que l’Etat libyen ne contrôle pas la totalité de son territoire et se trouve dans une relative instabilité, si ce n’est dans une instabilité totale” . D’autre part, la Libye, au contraire de la Turquie, n’est pas membre du Conseil de l’Europe et n’est, par conséquent, pas soumise à la Convention et à la Cour européennes des droits de l’homme, ce qui l’empêche de fournir des garanties quant à un traitement digne des réfugiés, explique Yves Pascouau. “Les derniers rapports en matière de respect des droits de l’homme, en particulier des migrants et des réfugiés, sont particulièrement défavorables à la Libye” , ajoute-t-il.

Partant de ce constat, les Etats membres devraient alors s’orienter vers des négociations avec le gouvernement d’union nationale de Libye, seule entité luttant pour le contrôle du territoire reconnue par la communauté internationale. Au menu, un financement européen dans le but de former des garde-côtes libyens et soutenir les communautés locales afin d’empêcher les départs du pays vers l’Europe. “Une fois que les migrants ont quitté les eaux territoriales libyennes, les autorités européennes ou nationales ou encore les ONG les interceptant en mer sont juridiquement tenues de les rapatrier sur le territoire européen. C’est ce que les Etats membres veulent éviter” , analyse Yves Pascouau. Ainsi, la pression de certains Etats membres pour mettre en place un accord, ou du moins, une collaboration renforcée, avec la Libye quant aux flux migratoires devrait être forte, estime le chercheur.

Autre sujet des plus sensibles dans les discussions à Malte : le plan de relocalisation de 160 000 réfugiés de la Commission européenne entre Etats membres d’ici septembre prochain, approuvé par le Conseil à l’automne 2015, dont les objectifs sont encore très loin d’être atteints (moins de 10 000 relocalisations pour l’instant) et qui, selon Yves Pascouau, ne le seront pas. Etant donné les tensions entre Etats membres à ce sujet, notamment dues à l’opposition des pays du groupe de Visegrad (Hongrie, Slovaquie, République tchèque et Pologne) au plan de relocalisation, l’Europe a revu ses ambitions à la baisse. “Tout l’enjeu aujourd’hui est de continuer à relocaliser les demandeurs d’asile depuis la Grèce et l’Italie à un rythme plus important qu’il n’a été jusqu’à présent” , explique Yves Pascouau.

Malte, un pays à la tête du Conseil directement concerné par les enjeux migratoires

Malte
, plus petit Etat membre de l’Union européenne et qui a pris la présidence tournante du Conseil pour six mois (janvier-juin 2017), est très sensible aux questions liées à l’immigration. C’est pourquoi, rien d’étonnant à ce que le pays ait placé la politique migratoire en tête des priorités de sa présidence, en plaidant notamment pour une meilleure répartition des réfugiés entre Etats membres. Malte se trouve en effet, par sa position géographique, en première ligne sur la route de la Méditerranée centrale, se situant à 290 kilomètres des côtes tunisiennes et 340 de celles de la Libye, ce qui l’a amenée à devenir une porte d’entrée pour les migrants en Europe.

Sources :

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