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Cinéma : “Sauvages”, cas d’école de la coproduction européenne

Tom Geens, le réalisateur de Sauvages (Couple in a hole en anglais), qui sort aujourd’hui en France, est à l’image de son film : extrêmement Européen. Belge néerlandophone polyglotte, la coproduction de son film est belgo-franco-britannique. Long-métrage ambitieux à l’intrigue pourtant très simple, “Sauvages” traite d’un couple d’Ecossais qui, traumatisé par la mort de leur enfant dans l’incendie de leur maison des Pyrénées, part vivre reclus dans une grotte.

Présent au Cinéma des cinéastes à Paris le 21 mars, lors d’une avant-première du film, Toute l’Europe a rencontré Tom Geens, cinéaste aux mille projets et désireux d’en “faire le plus possible avec le moins possible”.

Sauvages

Dix années de travail

Au total, il aura fallu plus de dix ans à Tom Geens pour aller au bout de Sauvages. La production cinématographique est certes souvent une entreprise de longue haleine, mais là, on se rapproche tout de même d’un parcours du combattant. Entre l’idée initiale d’un couple se retirant dans une grotte perdue dans une forêt, qui tient en quelques lignes, et le montage final, il s’est ainsi écoulé une longue et fastidieuse épopée pour trouver les fonds nécessaires : un “enfer” , mais “inoubliable” , du propre aveu du metteur en scène.

Tom Geens

Sauvages est le deuxième long-métrage de Tom Geens, après Menteur, réalisé en 2009

Tom Geens a bien pensé à aller tourner son film dans l’est de l’Europe, dans un pays où les coûts seraient réduits et les forêts “sauvages” . Mais plutôt que le Monténégro, la Bulgarie ou la Macédoine, c’est finalement les Pyrénées qui furent retenues, la région Midi-Pyrénées ayant donné le coup de pouce décisif au projet. Une destination moins exotique et surtout moins isolée avec laquelle le réalisateur a facilement su composer. Même si Paul Higgins, l’acteur principal, s’est blessé à la jambe lors de la première semaine de tournage. Sans le soutien miraculeux des assurances, qui en temps normal auraient jeté l’éponge, le film aurait fait long feu et emprunté un destin à la Orson Welles ou Terry Gilliam, illustres champions des projets avortés et des tournages catastrophes.

Au visionnage de Sauvages et à la rencontre de Tom Geens, on a vite la confirmation qu’un beau gâchis a heureusement pu être évité. Le film est singulier dans son ambiance, à la fois belge pour son étrangeté pas si éloignée de l’univers de Bouli Lanners, et britannique pour ces acteurs à la gestuelle au cordeau. “Le film est comme un poisson qui se sauve et qu’on n’arrive pas à saisir” , résumera Pierre Schoeller, réalisateur de L’Exercice de l’Etat présent le 21 mars au Cinéma des cinéastes. Ce n’est pas pour rien que le film a triomphé au festival du film britannique de Dinard en septembre 2015, remportant trois prix : meilleur film, prix du jury et meilleur scénario. Suffisant pour faire dire à Jean Rochefort, prestigieux président du jury, que l’avenir de Tom Geens sera “radieux” .

Rencontre avec Tom Geens, réalisateur de Sauvages


Faire sa place sur un marché saturé

Au risque de briser l’ambiance, on notera toutefois que Sauvages, en dépit de s’être trouvé un distributeur à l’occasion de ce festival en forme de plébiscite, risque fort d’être extrêmement mal exploité. Alors que le film sort en salles aujourd’hui en France, dans une ville comme Paris, seul le Publicis des Champs-Elysées le diffusera. Un comble compte tenu du nombre de cinémas d’art et d’essai existants dans la capitale. Et qui démontre à quel point la bataille fait rage sur le marché avec la multiplication des sorties - une douzaine en moyenne par semaine. Quelque peu amère, la distributrice de Sauvages regrettera la frilosité des exploitants, prompts à s’arracher les derniers opus des frères Coen ou de Woody Allen, dont la place est déjà assurée, plutôt que de se risquer avec un nouveau venu comme Tom Geens.

On espérera donc que le cinéaste réussisse à trouver son public en France et que ce dernier se laissera séduire comme la grande majorité des spectateurs présents dans la salle du Cinéma des cinéastes. Ils auraient ainsi la chance de découvrir la scène appelée à devenir culte “du sanglier” , clou du spectacle d’un film dont l’atmosphère obsédante reste longtemps à l’esprit et qui propose un traitement original du deuil, pourtant assez éculé au cinéma.

Bonne nouvelle tout de même pour le réalisateur : les premiers retours de Sauvages au Royaume-Uni sont élogieux et prometteurs, ce qui pourrait lui faciliter la vie au moment de produire ses prochains films sur lesquels il travaille simultanément dès qu’il n’est pas en train de chercher des financements. Farouche optimiste, Tom Geens transporte en outre un petit carnet partout où il va, sur lequel, comme pour Sauvages, il griffonne toutes les idées qui lui passent par la tête. Il ne semble pas prêt de renoncer face aux aléas du cinéma d’auteur européen : dynamique, mais souvent victime des exigences économiques.

Interview réalisée en partenariat avec Cineuropa

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