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[Revue de presse] Pologne : le projet de retrait de la convention contre les violences faites aux femmes inquiète le reste de l’Europe

Vendredi 24 juillet, le ministre de la Justice polonais a fait part de son intention de se retirer de la convention européenne d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes. L’annonce a suscité de vives critiques au niveau européen, conduisant le gouvernement à nuancer les propos de son ministre.

Le ministre de la justice polonais Zbigniew Ziobro a annoncé qu'il prendrait des mesures pour sortir de la convention d'Istanbul dès le lundi 27 juillet
Le ministre de la justice polonais Zbigniew Ziobro a annoncé qu’il prendrait des mesures pour sortir de la convention d’Istanbul dès le lundi 27 juillet - Crédits : Gouvernement polonais

L’actuel ministre de la Justice polonais, Zbigniew Ziobro, a annoncé vendredi 24 juillet “qu’il proposerait au ministère du Travail et des Familles d’entamer une procédure de retrait de [la convention d’Istanbul], selon Le Monde. Au cours d’une conférence de presse tenue le lendemain de son annonce, le ministre a déclaré qu’il “prendrait des mesures (…) pour se retirer du traité” dès ce lundi 27 juillet, détaille Politico. Ce traité, adopté par le Conseil de l’Europe en 2011, “offre un cadre juridique complet pour la prévention de la violence envers les femmes, notamment la violence conjugale” , précise RFI.

La convention, entrée en vigueur dès le 1er août 2014 a été signée et ratifiée par le précédent gouvernement polonais dirigé par le parti centriste Plateforme civique (PO). Mais depuis son arrivée au pouvoir en 2015, le parti Droit et Justice (PiS) avait déclaré qu’il “retirerait le pays du traité” [Politico] et s’était montré à plusieurs reprises très critique vis-à-vis de son contenu. Les détracteurs du traité estiment en effet que cette convention “viole les droits des parents en obligeant les écoles à enseigner aux enfants une idéologie de genre qui va à l’encontre des traditions familiales polonaises” , relate le média.

Dénonciation d’une “idéologie gay

Opposant de la première heure au traité européen” , le ministre polonais de la Justice considère que ce texte a été créé pour “justifier l’idéologie gay” , rappelle RFI. “[Le traité] contient des éléments de nature idéologique, que nous considérons comme nuisibles” , a -t-il réaffirmé samedi en conférence de presse [Reuters]. Pour lui, “l’accord international est inspiré par les idéologies du lobby LGBTQ” alors qu’il suffit de “lire les Saintes Écritures pour savoir qu’on ne bat pas une femme, on n’a pas à adhérer à une convention animée par des idéologies déformées” , rapporte le journal italien la Repubblica, cité par France Culture. Le ministre a par ailleurs déclaré que “la Pologne dispose d’outils juridiques suffisants pour protéger les victimes de la violence domestique” [Reuters].

Zbigniew Ziobro estime que “le texte peut amener ‘à des changements moraux et culturels profonds’ auxquels la société polonaise s’oppose” , notamment en définissant la femme “autrement que par son sexe biologique” [RFI]. Le texte irait également “à l’encontre des droits des parents en recommandant l’enseignement dans les écoles de l’égalité hommes-femmes” , selon l’analyse du ministre [Le Monde]. Dans son article 4, “la convention évoque effectivement la nécessité de protéger les droits des victimes sans discrimination aucune fondée notamment sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre” , note France Culture. Il s’agit néanmoins du “premier outil supranational à fixer des normes juridiquement contraignantes en vue d’empêcher la violence de nature sexiste” , rappelle Ouest-France (avec AFP).

En réaction à cette annonce, “des milliers de personnes, dont une majorité de femmes, ont manifesté à Varsovie (…) et dans d’autres villes” pour dénoncer cette décision. Magdalena Lempart, l’une des organisatrices de la manifestation dans la capitale polonaise, s’inquiète ainsi de voir dans ce projet une “[légalisation des] violences domestiques” [Le Monde].

Inquiétudes européennes

L’annonce de la décision du ministre polonais de la Justice a alarmé le Conseil de l’Europe, l’organisation internationale de sauvegarde des droits de l’Homme et de l’Etat de droit à l’origine de la convention. “Quitter la convention d’Istanbul serait fortement regrettable et serait un important recul dans la protection des femmes contre la violence en Europe” , s’est inquiétée Marija Pejčinović Burić, la secrétaire générale de l’organisation strasbourgeoise [Ouest-France (avec AFP)].

Plusieurs eurodéputés, dont les chefs des groupes Socialistes et Démocrates et Renew, ont également fait part de leurs inquiétudes au cours du week-end. “Il est honteux qu’un État membre de l’UE veuille se retirer de la convention d’Istanbul” , a ainsi déclaré sur Twitter Iratxe García Pérez, présidente du groupe S&D. Son homologue du groupe libéral Renew, Dacian Cioloş a quant à lui souligné que “la lutte contre la violence à l’égard des femmes n’est pas une idéologie, mais une obligation morale” .

Plusieurs députés européens, dont la libérale belge Hilde Vautmans, ont également interpellé la Commission européenne pour “faire en sorte que l’adhésion de l’UE à la Convention d’Istanbul soit effective de toute urgence” . Une volonté partagée par l’Irlandaise Frances Fitzgerald (PPE) qui considère que cette ratification au niveau européen est “essentielle pour qu’aucune femme ne soit laissée sans protection et vulnérable à la violence” [Ouest-France (avec AFP)]. L’exécutif européen a annoncé à l’AFP qu’il “ ‘poursuivrait ses efforts pour finaliser l’adhésion de l’UE à la convention, qui a été signée en 2017, mais n’a pas encore été ratifiée” .

Face à ces critiques, le parti conservateur et nationaliste polonais Droit et Justice (PiS) a “pris ses distances” avec le projet du ministre de la Justice, soulignant que “la coalition gouvernementale n’était pas unanime sur ce point” , rapporte Le Monde. Dimanche 26 juillet, la porte-parole du parti conservateur Anita Czerwinskala a déclaré qu’ “aucune décision n’a été prise” pour le moment. “Le ministre a son opinion. S’il présente cette proposition, nous l’analyserons” , a-t-elle tempéré [RFI].

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