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[Revue de presse] Etat de droit : en Hongrie, l’illusion de la fin de l’état d’urgence

Mardi 16 juin, les parlementaires hongrois ont voté la fin de l’état d’urgence qui donnait les pleins pouvoirs au Premier ministre Viktor Orbán pour endiguer la crise sanitaire. Une levée en trompe-l’œil, puisqu’elle ne restreint pas pour autant les pouvoirs du Premier ministre, ce qui inquiète les ONG de défense des droits de l’homme et de la démocratie.

Le 16 juin, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a fait passer devant le Parlement une loi mettant fin à l'état d'urgence mais conserve la possibilité de gouverner par décret
Le 16 juin, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a fait passer devant le Parlement une loi mettant fin à l’état d’urgence mais conserve la possibilité de gouverner par décret - Crédits : European People’s Party / Flickr CC BY 2.0

Mardi 16 juin, le Parlement hongrois a voté à l’unanimité en faveur de la fin de l’état d’urgence qui permettait au Premier ministre Viktor Orbán de gouverner par décret depuis le 30 mars. Un régime d’exception qui avait accordé “de quasi pleins pouvoirs au dirigeant nationaliste, pour une durée indéterminée, le temps jugé nécessaire afin de combattre l’épidémie de nouveau coronavirus” , rappelle Le Figaro avec l’AFP. Responsables politiques et ONG avaient alors fait part de leur inquiétude face à la durée illimitée de ce régime d’exception qui menaçait à leur sens l’état de droit.

Ainsi, la levée de l’état d’urgence permet de montrer “la bonne foi des dirigeants” face aux détracteurs du régime et “diffuseurs de fake news” , qui devraient “présenter leurs excuses” au gouvernement hongrois, s’est félicité ce dernier [New York Times]. La Croix y voit pour sa part une manœuvre politique habile, “le coup d’un tacticien” qui, en “en éteignant la polémique qu’il a lui-même provoquée” se met ainsi “habilement en position d’exiger des excuses à ses détracteurs” . S’estimant “injustement accusé de basculer vers l’autoritarisme, il se présente aujourd’hui en vrai démocrate” , abonde RFI.

À première vue, le gouvernement semble avoir tenu sa promesse de mettre fin à l’état d’urgence et de revenir sur les pouvoirs presque illimités que le Parlement lui a accordés le 30 mars” , explique la BBC. A première vue seulement, car “la suppression de la loi laisse le gouvernement encore plus puissant qu’avant la crise du coronavirus” , affirme le média britannique.

Tour de passe-passe législatif

En effet, si le Parlement a voté pour la levée de l’état d’urgence, il a dans le même temps “voté une autre loi qui permettra au gouvernement de reprendre les pleins pouvoirs sans l’autorisation du Parlement en cas de nouvelle crise sanitaire” [RFI]. “Grâce au deuxième projet de loi adopté en même temps, le gouvernement pourra à l’avenir déclarer un ‘état d’urgence sanitaire’, écarter le Parlement et statuer par décret aussi longtemps qu’il le souhaite” , poursuit la BBC. Politico précise par ailleurs que si le Parlement a demandé la fin de l’état d’urgence, “la décision de renoncer à la capacité de gouverner par décret reste à la discrétion du gouvernement d’Orbán” . De quoi faire craindre aux observateurs de la politique intérieure hongroise que cette extension de pouvoirs ne rentre dans le droit commun.

La loi visant à lever l’état d’urgence déclenché par la crise du coronavirus a été considérée par certains comme une confirmation des nouveaux pouvoirs donnés au Premier ministre Viktor Orbán” , qui créerait ainsi “une base juridique pour l’utilisation de nouveaux pouvoirs gouvernementaux extraordinaires et illimités” relève le New-York Times en s’appuyant sur une étude de l’Institut Karoly Eotvos, un organisme de surveillance de la démocratie à Budapest.

Critiques des ONG hongroises

Ce tour de passe-passe législatif alarme également plusieurs ONG locales. L’antenne hongroise du Comité Helsinki, comité de surveillance et de défense des droits de l’homme, ainsi que l’Union hongroise des libertés civiles et la branche hongroise d’Amnesty International, dénoncent la nouvelle loi qui permettra au gouvernement “de statuer à nouveau par décret pour une durée indéterminée, cette fois sans même les garanties constitutionnelles minimales” . Ces organismes fustigent le vote du Parlement considéré comme une “illusion d’optique” permettant au gouvernement de “[conserver] des pouvoirs plus importants qu’avant la crise” [Euronews].

Márta Pardavi, la co-présidente de l’antenne hongroise du Comité Helsinki, a ainsi déclaré à Politico que “le gouvernement avait déjà utilisé ses pouvoirs de réglementation par décret pour adopter plus de 120 mesures d’urgence, ‘dont un certain nombre n’avaient rien à voir avec les mesures de protection liées au Covid’ ” .

Du côté des institutions européennes, la situation hongroise suscite une inquiétude semblable, mais exprimée plus prudemment. Le 12 avril, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait “promis à la Hongrie des poursuites judiciaires concernant l’état d’urgence, ‘si les restrictions [allaient] au-delà de ce qui est autorisé’ ” , rappelle La Croix. Face à ces changements législatifs, Věra Jourová, la commissaire européenne en charge des Valeurs et de la Transparence, a pour sa part prévenu qu’elle resterait vigilante, rapporte Politico : “Ce sera l’heure de vérité, [pour] savoir si la situation, l’ordre juridique et l’équilibre des pouvoirs en Hongrie reviendront à la normale … ou s’il y aura des restes du régime d’urgence, que nous considérerons comme un problème du point de vue du droit communautaire.”

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