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[Revue de presse] En Pologne et en Hongrie, double offensive contre les médias indépendants

En Pologne et en Hongrie, l’avenir de la presse indépendante s’assombrit encore. Un projet de taxe sur la publicité a entraîné une grève de plusieurs médias polonais tandis que la dernière radio indépendante hongroise doit cesser d’émettre à la fin de la semaine.

“Les médias n’ont pas le choix” . Le message était à la Une de tous les journaux indépendants polonais mardi 10 février 2021, à l’occasion d’une grève générale de 24h pour dénoncer la politique du gouvernement en matière de liberté de la presse - Crédits : site de Gazeta Wyborcza

Des écrans noirs et des Unes de journaux blanches. Ce mercredi, une bonne part des médias polonais indépendants sont restés volontairement muets, en grève contre un projet de taxe publicitaire porté par le gouvernement” , relate Libération. “ ‘Sur cette page, vous devriez voir nos contenus. Si les plans du gouvernement réussissent, vous ne les verrez peut-être plus’, a par exemple écrit le quotidien Gazeta Wyborcza sur la page d’accueil de son site Internet” [Les Echos]. “Nous franchissons aujourd’hui un pas que nous n’avons jamais voulu franchir, car il va contre toutes nos valeurs journalistiques” , peut-on également lire sur le site internet Onet, qui propose aux Polonais de découvrir “à quoi ressemblera le monde sans médias indépendants” [Libération].

L’appel à la grève a été suivi “par une cinquantaine d’entreprises, dont les chaînes de télévision TVN, appartenant à l’américain Discovery, du groupe Polsat, les premières radios privées ZET et RMF FM, ainsi que les importants sites d’information onet.pl et wp.pl. La télévision publique TVP, transformée depuis quelques années en un organe de propagande des conservateurs nationalistes au pouvoir, est restée accessible” , détaillent Les Echos.

Médias polonais pris à la gorge

A l’origine de ce mouvement protestataire, “un projet de taxe publicitaire présenté la semaine dernière par le gouvernement du parti Droit et Justice (PiS) [qui] prévoit un nouvel impôt sur les revenus publicitaires des médias, censé rapporter 800 millions de zlotys par an, soit environ 200 millions d’euros” , explique Libération. La nouvelle taxe, “qui varie de 2 à 15 % selon la taille du groupe” devrait permettre de “réparer les finances publiques mises à rude épreuve par la pandémie, l’argent allant aux soins de santé et à la culture” , précise Politico. Selon le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, le projet s’inscrit également dans la lignée “des efforts déployés à l’échelle européenne pour taxer les géants mondiaux de la technologie comme Google ou Facebook” [Les Echos].

Problème : “la plupart des médias indépendants en Pologne vivent des revenus de la publicité. Une nouvelle taxe aurait un effet dévastateur sur leur budget éditorial” , écrit le journal Gazeta Wyborcza cité par Le Figaro. En effet, selon “une étude de la banque d’investissement Wood & Company, les plus touchés seraient probablement Angora (l’éditeur du quotidien Gazeta Wyborcza), la chaîne de télévision TVN et ses propriétaires américains, et le groupe germano-suisse Axel Springer Polska”. Soit tous les propriétaires de titres de presse dont le financement ne dépend pas des investissements publics. A l’inverse, les “médias pro-gouvernementaux” reçoivent de leur côté “beaucoup de publicité des entreprises publiques” et devraient subir peu de dommages, ajoute Libération.

Silence radio en Hongrie

Au même moment en Hongrie, la population a appris que la radio indépendante Klubrádió cesserait d’émettre dans trois jours. En septembre 2020, le Conseil des médias (NMHH), sorte de “CSA local résolument favorable au pouvoir” , avait refusé “de prolonger la licence de diffusion de la dernière grande antenne indépendante de Hongrie, arrivant à expiration le 14 février à minuit” , explique Courrier international. “Klubrádió est accusée, par deux fois, de ne pas avoir envoyé dans les temps des documents administratifs sur la composition de ses programmes” , précise France Info, ce qui constitue “une double infraction à la loi sur les médias” .

Pour le directeur général de la station, qui a vu son recours rejeté par le tribunal de Budapest mardi 9 février, “Klubrádio subit une grave discrimination” . D’autres antennes ont déjà commis “ce genre d’entorses” , sans être pénalisées, voyant même “leur fréquence renouvelée” , affirme auprès de 24.hu celui qui se dit prêt à porter l’affaire “jusqu’à la Cour de justice de l’Union européenne” [Courrier international].

A Bruxelles et à Paris, on dénonce une décision “préoccupante” qui constitue un “signal très inquiétant en termes de pluralisme et d’indépendance des médias” , rapportent Les Echos. Le porte-parole du secrétariat d’Etat américain a lui aussi déploré “l’énième départ d’une voix indépendante sur les ondes hongroises” . A partir du 15 février, “la station ne sera plus accessible qu’en ligne” , mais le retrait de sa licence risque de lui faire perdre “jusqu’à deux tiers de son audience, ce qui limiterait la portée des interventions sur l’antenne de l’opposition”, ajoute Libération.

Liberté de la presse érodée

Deux pays, deux méthodes” , mais un même objectif. “En Pologne comme en Hongrie, la mise au pas des médias indépendants semble clairement à l’ordre du jour” , estiment Les Echos. “Depuis son arrivée au pouvoir en 2015, le parti conservateur nationaliste Droit et Justice (PiS), a pris le contrôle des médias publics sur fond de ‘repolonisation’ de l’économie et des médias” , explique le quotidien économique. A travers ce slogan, l’objectif du gouvernement est de faire racheter, par des groupes polonais, les “journaux, radios et télévisions dont les actionnaires sont étrangers, et qui sont généralement les plus critiques vis-à-vis du pouvoir” , complète Libération. “Avec cette taxe, l’idée du PiS est de rendre la situation financière des médias si déplorable que les propriétaires étrangers décideront de vendre aux entreprises polonaises qui se porteront candidates. Ils ne peuvent pas obliger directement ces investisseurs à quitter le pays, donc ils changent les règles du jeu” , explique Bartosz Wieliński, le rédacteur en chef adjoint de Gazeta Wyborcza [Libération].

Du côté de la Hongrie, “plus de 80 % des médias sont aujourd’hui entre les mains du pouvoir” [France Info]. Pour le rédacteur en chef adjoint du Courrier d’Europe centrale Matthieu Boisdron, “la volonté du gouvernement (…) d’encadrer a minima, voire de prendre en main et de mettre au pas la presse et les médias, est évidente et flagrante” depuis son arrivée au pouvoir en 2010 [France Culture]. Ainsi, “des centaines de radios, de journaux, de sites en lignes et de chaînes de télé ont disparu, les autres ont changé de propriétaire et de profil politique” au fil des années, détaille France Info. La chaîne publique française, pour qui cette concentration médiatique a “contribué à la réélection d’Orbán en 2018″ , note que “la fermeture de Klubrádió intervient d’ailleurs un an avant les prochaines législatives” .

La Hongrie occupe actuellement la 89e place sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse, publié par l’ONG Reporters sans frontières (RSF). Elle était 23e lorsque Viktor Orbán est devenu Premier ministre il y a 10 ans” , constate France 24. En Pologne, “depuis 2015, et l’arrivée du PiS au pouvoir, la liberté de la presse s’est brutalement érodée” . Le pays “est passé en cinq ans du 18e rang du classement de Reporters sans frontières au 62e” , observe également Libération.

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