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[Revue de presse] Brexit : dans la tempête, Theresa May maintient son accord

Malgré la démission fracassante de plusieurs membres de son gouvernement et la pluie de critiques qu’elle a essuyée à la Chambre des communes jeudi 15 novembre, Theresa May maintient son accord avec Bruxelles sur les modalités de sortie du Royaume-Uni de l’UE, le “meilleur possible” selon ses mots. “Vais-je aller jusqu’au bout ? Oui”, a-t-elle déclaré imperturbable lors d’une conférence de presse. Mais cette succession d’événements rend la situation de plus en plus volatile à Londres, et les jours de Theresa May au 10 Downing street pourraient être comptés.

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“Vais-je aller jusqu’au bout ? Oui” : la presse britannique note la détermination de la Première ministre - Crédits : Kiosko

Theresa May se rappellera longtemps de ce jeudi 15 novembre 2018. La veille, elle semblait s’en être plutôt bien sortie : à l’issue d’une réunion de plusieurs heures, la Première ministre britannique avait annoncé, souriante, la validation par son gouvernement de l’accord trouvé avec Bruxelles sur les conditions du divorce avec l’UE. 585 pages qui encadrent les relations UE-Royaume-Uni des deux prochaines années, la période de transition durant laquelle seront négociées les futures relations entre les deux parties. “Toutes les négociations sur un futur accord commercial sont à venir” , confirme Libération depuis Londres. Mais visiblement, cela ne satisfait personne.

La folle journée de Theresa May

Jeudi 15 novembre, “sa journée a commencé par l’annonce de la démission de quatre membres de son gouvernement” , relate La Croix. “Dès 9 heures” , le ministre chargé du Brexit Dominic Raab a expliqué que des “faiblesses fatales” l’empêchaient de soutenir l’accord : il savait alors “parfaitement qu’avec sa démission il venait de déclencher une série d’événements dramatiques” , souligne Libération, qui parle “d’oraison funèbre” . Comme lui, la ministre du Travail et des Retraites, Esther McVey, et deux sous-secrétaires d’État, pour la plupart “de fermes partisans du Brexit” , claquent la porte, poursuit le quotidien.

Mais “ces démissions n’ont pas altéré la détermination de Theresa May” , qui s’est tout de même rendue à Westminster, relate La Croix. “Pendant plusieurs heures, elle a répété ses arguments en faveur de ce plan” , poursuit le quotidien.

Le débat est “houleux” , “les critiques et les insultes voilées se succèdent” , raconte Libération. Face à l’assemblée de députés “presque tous hostiles” [Le Monde], Theresa May ne propose qu’une alternative : “soutenir son projet d’accord de divorce conclu avec l’UE, ou risquer une sortie sans accord, voire pas de Brexit du tout” [La Croix]. Mais la menace d’un scénario catastrophe ne convainc pas.

Durant la séance, “le député conservateur pro-Brexit Jacob Rees-Mogg [réclame ainsi] un vote de défiance contre Theresa May” [La Croix], qui se concrétisera s’il parvient à obtenir le soutien de 48 “députés conservateurs qui ne siègent pas au gouvernement” [Libération]. Trois heures plus tard, en début de soirée, Theresa May tient une conférence de presse, inébranlable : “Le leadership consiste à prendre les meilleures décisions, pas les plus faciles” , explique-t-elle aux journalistes [Le Monde].

Brexiters : pourquoi l’accord ne leur plait pas

Sans proposer de solutions alternatives [Le Monde], les démissionnaires et les Brexiters du Parlement jugent de leur côté que cet accord “maintient des liens trop étroits avec l’Europe” , rapportent Les Échos. “Il piétine les principales lignes rouges [qu’ils] ont défendues depuis le référendum” , poursuit le quotidien. “Le compromis négocié par Theresa May fait la part belle aux exigences des Européens ” , constate aussi Le Monde.

Car pour éviter le retour d’une frontière entre les deux Irlande, “Londres a dû accepter l’introduction dans l’accord de retrait d’une assurance tout risque” : le pays restera dans l’union douanière de l’UE si aucune autre solution n’est trouvée au terme de la période de transition [Le Monde]. “L’inverse de ce qui avait été vanté” par les Brexiters, observe Le Figaro. Et en conséquence, “Londres s’engage à respecter toutes les nouvelles règles européennes en matière d’environnement ainsi que les règles couvrant les droits des travailleurs” , commentent Les Echos.

Par ailleurs, la période de transition supposée s’achever au 31 décembre 2020 pourra “être rallongée d’un an” , mais “le montant de la facture s’alourdira alors pour Londres” [Les Echos] dont le “chèque de départ” s’élève déjà à 45 milliards d’euros [Le Monde]. “Une perspective qui rend fous les Brexiters” [Les Echos] qui “pensaient réorienter les quelques 10 milliards d’euros que le Royaume-Uni verse chaque année à l’Europe vers des priorités nationales” [Le Monde].

Convergence des oppositions à la Chambre des communes

La Première ministre devra donc encore batailler pour obtenir le soutien de son camp, et notamment du parti des unionistes irlandais (DUP). “Les Irlandais du nord craignent de se retrouver dans un régime politique différent vis à vis du Royaume-Uni” , commente Patrick Martin-Genier, expert en questions européennes interrogé par France Culture. Or la majorité de Theresa May “ne tient qu’à 13 voix et elle dépend des 10 voix du DUP” , rappelle Franceinfo.

L’opposition travailliste est elle aussi très divisée “entre une majorité de parlementaires europhiles et un leadership plutôt eurosceptique” , rappelle L’Obs. Mais le chef du Labour, Jeremy Corbyn, a rapidement “confirmé que son parti ne soutiendrait pas l’accord” , rapporte Euronews : “le Parlement ne peut pas, et je crois n’acceptera pas un faux choix entre ce mauvais accord et pas d’accord du tout” , a-t-il déclaré. “Pourquoi diable le Labour devrait-il soutenir ce texte ?” , a ajouté Kevin Starmer, chargé du Brexit au sein du cabinet fantôme du Labour, cité par L’Obs : le texte ne “respecte pas ses six “tests” adoptés lors du Congrès du parti au début de l’automne” (maintien d’une relation forte avec l’UE, politique d’immigration “juste” , etc.).

Vers des élections anticipées ?

Si “le Labour est tenté de voter contre, c’est aussi parce que le rejet de l’accord pourrait précipiter la chute de Theresa May” , constate l’hebdomadaire. “Les Travaillistes ont l’espoir secret de déclencher de nouvelles élections et Jeremy Corbyn de devenir Premier ministre” , analyse Patrick Martin-Genier [France Culture]. Car cette “convergence des oppositions risque d’emporter Theresa May” , ajoute-t-il. Et au regard de la situation du parti conservateur, ce dernier pourrait ne pas être capable de “se mettre d’accord sur le nom de son nouveau leader” pour s’installer au 10 Downing Street, explique Franceinfo. Ce qui entrainerait la tenue de nouvelles élections.

Dès lors, l’hypothèse d’un second référendum devient “envisageable” pour l’expert en questions européennes : “de plus en plus de personnalités politiques appellent à un second referendum” . Un sondage YouGov publié jeudi “indiquait qu’en cas de nouveau référendum, 54 % des Britanniques voteraient pour le maintien au sein de l’UE et 46 % contre” , rapporte Libération. Quoi qu’il en soit, “de nouvelles élections s’apparenteraient à un quasi referendum pour ou contre le plan de sortie” . “La situation à Londres est tellement volatile que tous les scénarios sont possibles. On ne sait pas ce qu’il va se passer” , conclut Christian Lequesne, professeur à SciencesPo sur Franceinfo.

Et dans la presse britannique ?

Outre-Manche, la presse se demande aussi si Theresa May “peut survivre un jour de plus” . The Guardian met ainsi l’accent sur les efforts de la Première ministre pour garder son parti uni : “Démissions, défiance et hostilité. Mais May continue à se battre” .

Le Daily Mail, “furieux contre ceux qui cherchent à saper la Première ministre” , qualifie pour sa part ses pourfendeurs d’ “assassins de bas étage” et de “saboteurs conservateurs lâches” . Le Times souligne ainsi les malheurs de la cheffe de gouvernement : “Lonely May titube” . Et le Daily Telegraph met en Une la journaliste Allison Pearson qui explique que Theresa May devrait immédiatement démissionner : “nous avons besoin d’un grand maître d’échec pour négocier avec Bruxelles” .

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