“Les manifestations d’aujourd’hui ne sont ni pro-européennes, ni anti-russes. […] Il s’agit d’une révolte populaire spontanée, une révolution de la dignité” . C’est par ces mots que le physicien Alexandre Milinkevitch, lauréat du prix Sakharov en 2006, définit dans une interview à La Croix le mouvement contestataire qui agite la Biélorussie depuis plus de dix jours et la réélection contestée du président Alexandre Loukachenko. Alors que celui-ci ne faiblit pas et que des milliers de manifestants continuent à battre le pavé, la répression est elle aussi entrée dans une nouvelle phase. Jeudi 20 août, le procureur général Alexandre Koniouk a lancé “des poursuites pour ‘atteinte à la sécurité nationale’ à l’encontre du conseil de coordination” , écrit Le Figaro.
Menaces sur l’opposition
Cet organisme, formé par l’opposition pour promouvoir la transition politique, s’est réuni pour la première fois mercredi. Il a appelé à l’organisation d’une nouvelle élection présidentielle “en conformité avec les normes internationales” et à “l’ouverture immédiate des négociations” avec les autorités [Le Devoir avec l’AFP]. Le conseil est accusé de vouloir “s’emparer du pouvoir” par le président Alexandre Loukachenko, qui menace de “refroidir certaines têtes brûlées” en son sein, poursuit le média. Une attitude qui s’inscrit dans la continuité des 26 ans du règne du leader biélorusse, marqués par “une ligne autoritaire ne supportant pas la critique ou l’opposition” , résume Le Parisien. “La création et l’activité d’un tel conseil sont destinées à la prise du pouvoir et à porter atteinte à la sécurité nationale de la Biélorussie”, a renchéri M. Koniouk dans une déclaration rapportée par la BBC.
“L’objectif, c’est de discréditer le ‘comité de coordination’, de criminaliser leur action pour éviter d’en faire une instance de dialogue” , analyse Anna Colin Lebedev, enseignante chercheuse à Nanterre, au micro de RFI. “On a vu à la télévision biélorusse des spots montrant d’un côté une Biélorussie verte, florissante avec des enfants heureux et de l’autre ce qu’elle deviendrait en fait si on laisse les manifestants agir : un champ de ruines avec des Occidentaux et un drapeau américain pour montrer que les Américains sont derrière” , conclut-elle. La figure de proue de l’opposition, Svetlana Tikhanovskaïa, a de son côté indiqué avoir demandé à l’Estonie de soulever auprès du Conseil de sécurité de l’ONU la question des “menaces qui pèsent sur les membres du conseil” afin de les “protéger contre d’éventuelles menaces et persécutions illégales” [Le Devoir avec l’AFP].
L’Union européenne comme possible médiateur
Mercredi 19 août, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne réunis en sommet extraordinaire ont conjointement rejeté les résultats de l’élection présidentielle biélorusse, et confirmé que des sanctions seraient mises en œuvre contre certains responsables du régime. “La décision de ne pas reconnaître la validité des résultats des élections en Biélorussie est juste” , juge le journaliste Reinhard Veser dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung.
Réunis hier au fort de Brégançon, Angela Merkel et Emmanuel Macron ont, après un entretien bilatéral, réaffirmé leurs préoccupations et proposé une médiation européenne. “Un dialogue entre les autorités, l’opposition et la société civile est […] indispensable [et] nous souhaitons que ce dialogue puisse être mis en place par les Biélorusses eux-mêmes” , a déclaré le chef d’Etat français cité par La Dépêche avec l’AFP. “L’Union européenne se tient prête néanmoins à accompagner celui-ci, si notre rôle de médiation peut être utile et est souhaité par les Biélorusses” , a-t-il poursuivi, incluant dans le processus “d’autres institutions, notamment l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe-NDLR) et (…) la Russie dans un dialogue exigeant”.
Si le dialogue est difficile avec le leader biélorusse - “Loukachenko n’a cherché à parler à aucun d’entre nous”, a dénoncé la chancelière allemande citée par Ouest France avec l’AFP -, le couple franco-allemand tente en effet d’impliquer Vladimir Poutine. “Nous avons la conviction que la stabilité et la possibilité d’une relation entre l’UE et la Russie se joue aussi sur ce dossier” a déclaré le président de la République. Le Monde tempère toutefois ces déclarations, en soulignant que “l’empoisonnement probable de l’opposant Alexeï Navalny, survenu jeudi matin, risque d’entraver cette démarche en portant l’attention sur les méthodes employées en Russie contre les voix critiques” .
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