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[Revue de presse] Arrêt de Karlsruhe contre la BCE : menace ou opportunité pour la zone euro ?

Le 5 mai, la Cour constitutionnelle allemande rendait un arrêt remettant en cause la politique monétaire de la BCE, pourtant au centre de la relance économique européenne face à la crise du coronavirus. Pour certains, cette décision pourrait toutefois représenter une opportunité pour l’approfondissement de la zone euro.

L'action de la Banque centrale européenne (BCE, située à Francfort-sur-le-Main) pour faire face à la crise est mise à mal par un arrêt de la Cour constitutionnelle allemande en date du 5 mai. Elle dispose de 3 mois pour se justifier.
L’action de la Banque centrale européenne (BCE, située à Francfort-sur-le-Main) pour faire face à la crise est mise à mal par un arrêt de la Cour constitutionnelle allemande en date du 5 mai. Elle dispose de 3 mois pour se justifier. - Crédits : instamatics / iStock

“La Cour constitutionnelle a placé une charge explosive sous l’euro et l’UE”, résume un fonctionnaire allemand, commentant la décision des juges de Karlsruhe pour Reuters. En lançant à la BCE un ultimatum pour justifier les achats d’obligations dans le cadre de son programme de relance de 2015, la Cour constitutionnelle remet en cause un pan majeur de sa politique monétaire, mais aussi son indépendance. Pour Franklin Dehousse, professeur à l’université de Liège et ancien juge à la CJUE, la remise en cause de l’action de la BCE “pourrait diminuer la crédibilité de celle-ci, au moment où elle est absolument vitale pour freiner le désastre économique que commence à provoquer le coronavirus” [La Croix].

Un frein à la réponse économique face à la crise

La Tribune (avec AFP) détaille le rôle primordial de la BCE. Sa politique de rachat “massif” de dettes publiques et privées, initiée en 2015 pour faire face à la crise de la zone euro, avait pour objectif de “réinject[er] de l’argent frais dans le circuit” , tout en “mainten[ant] les taux d’intérêts à leur plus bas niveau historique”. Une mesure essentielle, relancée en mars avec un nouveau programme d’achat pour contrer l’impact économique de la pandémie de coronavirus. Le quotidien économique nuance néanmoins, précisant que cette politique a pour conséquence de faire plafonner voire diminuer les rentes des épargnants. Un sujet “majeur” en Allemagne, qui est “un des plus grands pays d’épargnants au monde”. Par ailleurs, “nombre d’Allemands voient dans les coups de pouce de la BCE un encouragement aux pays du sud de l’Europe, perçus comme laxistes sur le plan budgétaire, à ne pas maîtriser leurs finances publiques et à se faire financer par les pays plus rigoureux du nord”, rapporte le média.

A l’inverse, de nombreuses voix se sont élevées suite à l’arrêt de Karlsruhe, accusant les juges allemands de “mettre en danger l’euro” et de “miner la solidarité européenne” [Politico]. Si ces derniers en venaient à décider que la banque centrale allemande ne peut plus participer au plan de la BCE, cela obligerait probablement l’institution à “interrompre complètement le programme, ce qui aurait des conséquences indicibles pour l’euro”. L’absence d’une solidarité financière européenne en période de crise irait même jusqu’à menacer “l’édifice européen” pour Libération, qui considère que “sans transfert budgétaire entre riches et pauvres et sans intervention de la BCE, l’euro serait totalement à la merci des marchés et son pronostic vital serait engagé”.

Une opportunité pour la zone euro

Certains observateurs se font néanmoins plus optimistes. Le contexte dans lequel a été rendu cet arrêt pourrait ainsi “ouvrir la voie à un potentiel changement de discours en Allemagne”, suggère Le Monde. Le quotidien estime en effet que “la crise du coronavirus affecte tous les pays européens en même temps” . Une symétrie qui change la donne, poursuit le média : “Impossible d’invoquer les erreurs d’un gouvernement pour refuser de lui tendre la main”. Face à la jurisprudence de Karlsruhe, la réaction du gouvernement allemand peut être déterminante à la fois pour la gestion de crise et pour l’avenir de la zone euro. Berlin se retrouve donc face à un dilemme de taille : “donner raison à Karlsruhe, c’est condamner l’euro et l’Union ; s’opposer à la Cour, c’est déclencher une crise institutionnelle et politique”, résume Libération.

Interrogée mercredi 13 mai au Bundestag, la chancelière allemande Angela Merkel a déclaré vouloir agir “de manière responsable et sage pour que l’euro puisse et doive continuer à exister, et pour que la Bundesbank puisse également prendre part aux activités de la BCE”. Sans donner de précisions sur la manière dont elle peut y arriver, la dirigeante allemande a ajouté que cet arrêt devait “motiver à faire davantage pour faire avancer l’intégration dans le domaine de la politique économique” [Reuters]. Certains voient dans cette déclaration une ouverture vers “des titres de dettes européens communs” , option jusque-là écartée par le parti conservateur allemand.

Mais, “l’arrêt du 5 mai, rendu après un recours déposé par des eurosceptiques notoires, pourrait paradoxalement faire céder les derniers réfractaires du camp conservateur allemand à l’idée d’un grand plan de relance européen [Le Monde]. A Paris, ce “mouvement d’Angela Merkel en faveur d’une plus grande intégration de la zone euro est une bonne nouvelle”, notamment pour la proposition de plan de relance européen soutenue par la France [Les Echos]. Un soutien de l’Allemagne à un tel programme pourrait être “une façon de sortir par le haut de l’ornière de Karlsruhe”, conclut Le Monde.

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