Sa nomination n’est une surprise pour personne. Seul candidat encore en lice, l’Espagnol Luis de Guindos, actuel ministre des Finances du gouvernement Rajoy, a été choisi par ses 18 homologues de la zone euro pour devenir le nouveau vice-président de la Banque centrale européenne (BCE). Le Monde le souligne : “cette nomination aura une influence déterminante” sur la vie des citoyens européens, “comme sur les politiques économiques menées ces prochaines années au sein de l’union monétaire” . La BCE, “dont la mission est de maintenir la stabilité des prix dans la zone euro” [RTBF] est en effet devenue “incontournable dans le pilotage de la politique économique et la gestion des crises” [Challenges].
L’Irlandais Philip Lane, “gouverneur de la banque d’Irlande” et “seul concurrent de Luis de Guindos” , s’était retiré de la course peu “avant la réunion des ministres” de l’Eurogroupe [Le Figaro]. Même s’il bénéficiait du soutien du Parlement européen, ses chances étaient “minces” , l’Espagnol étant quant à lui appuyé par la France et par l’Allemagne [RTBF].
Nomination controversée
Luis de Guindos, “ancien patron de Lehman Brothers Espagne” [Le Figaro], “jouit d’une bonne réputation à Bruxelles” [Le Monde]. Il y est considéré comme “le redresseur de l’économie espagnole grâce à une cure d’austérité sans précédent mise en place avec le Premier ministre Mariano Rajoy” [Le Figaro]. Souvent qualifié en Espagne de “ministre le plus compétent du gouvernement” , M. de Guindos se félicite notamment de la “réduction du déficit public et [de] la sortie de la récession fin 2013″ [Ouest-France]. En 2017, la croissance espagnole a d’ailleurs atteint un niveau de 3,1%.
Malgré ces résultats, la nomination de Luis de Guindos “fait grincer des dents” , à la fois dans son pays et au sein du Parlement européen [Le Point]. Le quotidien espagnol El Pais souligne ainsi que si “l’Espagne est souvent utilisée comme exemple par l’Allemagne” pour défendre les politiques d’austérité, c’est oublier que “l’économie espagnole cumule de graves déséquilibres” : “surendettement” , “chômage” et “indicateurs sociaux très négatifs” . A l’annonce de sa nomination, “le parti de gauche radicale Podemos” a même été jusqu’à qualifier M. de Guindos de “meilleur serviteur des vautours financiers” [Ouest-France].
Au Parlement européen, on regrette surtout “de voir un politique nommé numéro 2″ de la BCE [Le Point]. “Jamais un ministre n’est passé directement d’un gouvernement à la direction de la banque européenne” , rappelle d’ailleurs El Pais. L’eurodéputée française Pervenche Berès craint ainsi que sa désignation ne crée “un conflit d’intérêt et sape l’indépendance de la gouvernance de la BCE” [Le Point]. C’est justement pour cette raison que les députés européens de la “commission des Affaires économiques et monétaires” avaient soutenu la candidature de l’Irlandais Philip Lane, l’estimant “plus convaincant[e]” [Le Monde].
Choix politique
La nomination de Luis de Guindos marque par ailleurs l’ouverture du “grand mercato qui va secouer Bruxelles et Francfort d’ici à la fin 2019″ [Challenges]. En effet, jusque 2020, “pas moins de quatre des six membres du directoire, l’organe exécutif de la BCE, seront remplacés” y compris l’actuel président Mario Draghi. Le seul critère figurant dans les traités pour l’accession des candidats à ces postes clés est leur “autorité et expérience professionnelle dans le domaine monétaire ou bancaire” [Le Monde].
Pourtant, au-delà de la “stricte compétence des candidats” , c’est “davantage [leur] nationalité” et “la sensibilité des États” qui détermine ces choix [Le Figaro]. “Selon une règle non écrite, quand le patron [de la BCE] vient du Nord, son adjoint est issu du Sud” , et réciproquement [Challenges]. Cette nomination est donc “cruciale” , puisqu’elle “déterminera en partie toutes les autres” [Le Monde].
Le retrait de Philip Lane augmente les chances de voir un Européen du Nord succéder à la présidence de la BCE. C’est pour l’instant le nom “du gouverneur de la Bundesbank allemande, Jens Weidmann” qui est le plus souvent cité [Challenges]. Bien entendu, “les concurrents ne manquent pas, tel [l’actuel gouverneur de la Banque de France], François Villeroy de Galhau” . Mais “pas sûr (…) qu’il ait ses chances” [Challenges], car “la répartition des nationalités pour les autres postes importants à pourvoir en 2019 - la présidence de la Commission européenne, celle du Conseil européen et celle du Parlement européen” [Le Figaro] doit également être équilibrée.
Impossible donc de prédire à l’avance qui sera nommé. D’une part parce que les “ ‘petits pays’, qui se sentent laissés pour compte” comptent bien peser dans la balance. En témoigne par exemple cet avertissement d’un ministre des Finances : “entre Baltes et Scandinaves, nous formons un groupe décidé à résister à la bande des quatre : France, Allemagne, Espagne et Italie” . D’autre part parce que Parlement européen aimerait voir “des profils qui renforcent la ‘démocratisation de l’Europe’ ” , passant notamment par une “féminisation” . En effet, le directoire ne compte aujourd’hui qu’une femme, “l’Allemande Sabine Lautenschläger, spécialiste de la supervision” [Challenges].
Mardi 20 février, la décision doit encore être “validée formellement” par les “28 ministres des Finances de l’UE” . La recommandation sera ensuite adoptée “par les chefs d’États et de gouvernement” , lors d’une réunion informelle les “22 et 23 mars prochains” [La Tribune].