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[Revue de presse] L’accord UE-Turquie menacé par les inquiétudes chypriotes

Alors que doit se tenir dans deux jours un nouveau sommet UE-Turquie, l’accord sur les migrants élaboré par Angela Merkel et le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu fait face à de nouvelles critiques. Après les vifs débats au sein du Parlement européen, c’est désormais le président de la République de Chypre qui menace de ne pas adopter un accord qu’il estime trop favorable à la Turquie. L’occasion de revenir sur les tensions historiques entre Chypre et la Turquie.

Anastasiades

Donald Tusk à l’écoute les doléances de Nicosie

Lors d’une visite à Nicosie, le président du Conseil européen Donald Tusk “s’est heurté de plein fouet aux réticences chypriotes” rapporte L’Obs. Nicos Anastasiades, le président de la République de Chypre, a été très clair : son pays n’a “pas l’intention d’approuver l’ouverture de nouveaux chapitres dans les négociations d’adhésion de la Turquie à l’UE si Ankara ne respecte pas ses obligations” . Or, comme le rappelle Le Figaro, “cette relance des négociations d’adhésion est l’une des contreparties accordées par Bruxelles à la Turquie pour que cette dernière accepte l’accord” .

Il est déplacé, contre-productif, pour ne pas dire inacceptable de déplacer le poids de la responsabilité de la crise des migrants sur mes épaules ou sur celles de la République de Chypre” , a déclaré à ce sujet M. Anastasiades après sa rencontre avec M. Tusk. Le Polonais lui a même concédé que “la question de la légalité du plan mis sur la table la semaine dernière restait problématique, [et que] la proposition turque établie avec l’Allemagne demande encore à être rééquilibrée, afin qu’elle puisse être acceptée par les 28 Etats membres et les institutions européennes” [L’Obs].

Le poids de ce pays a autant d’importance que celui de l’Allemagne, de la France ou de n’importe quel autre pays” a également déclaré M. Tusk. [La Vanguardia].

Le Figaro rappelle que “le plan prévoit la réadmission en Turquie de tous les migrants arrivés clandestinement en Grèce, y compris les demandeurs d’asile syriens fuyant la guerre dans leur pays” . En échange de cette gestion humanitaire, la Turquie demande la réouverture des chapitres de négociations sur la candidature turque à l’UE, l’exemption de visa pour ses ressortissants et une aide financière supplémentaire pour gérer les flux de personnes. L’ONU et de nombreuses ONG ont jugé ce dispositif contraire au droit international.

Le président du Conseil s’est ensuite rendu à Ankara pour s’entretenir avec le Premier ministre Ahmet Davutoglu, et a dû admettre à sa sortie qu’un accord serait compliqué à obtenir : “Ce n’est pas une tâche facile et nous devons faire ça correctement. Il est clair qu’il reste encore un gros travail à faire” [L’Obs].

La division de Chypre s’invite au cœur du débat UE-Turquie

Pour quelles raisons Chypre, plus que les autres pays de l’UE, est-elle fermement opposée à cet accord avec les turcs ? La RTBF revient sur les tensions qui opposent les deux pays depuis des décennies : “l’île de Chypre est divisée depuis l’intervention turque de 1974 et la création, dix ans plus tard, d’une République turque de Chypre au nord, reconnue uniquement par la Turquie. Au sud de l’île, la République chypriote grecque. Toute l’île est membre de l’Union européenne depuis 2004, mais tant que l’île est divisée, la partie turque de l’île n’est pas soumise aux règles européennes et ne bénéficie pas de tous les avantages liés à cette adhésion européenne”.

Les tensions entre les Chypriotes grecs et la Turquie se sont encore plus accentuées suite à l’adhésion de Chypre à l’UE en 2004. “La Turquie refuse toujours que les avions et les navires chypriotes grecs entrent sur le territoire turc, alors que tous les autres Etats ont cette liberté” [RTBF]. C’est l’une des raisons qui ont poussé l’UE à geler plusieurs chapitres du processus d’adhésion de la Turquie, tant que les Turcs ne reconnaissent pas l’existence d’un Etat chypriote grec.

Or, explique la RTBF, l’accord UE-Turquie prévoit, entre autres, la réouverture des chapitres de négociations, ce qui est insupportable pour la République de Chypre qui se retrouverait sans moyen de pression face à l’indifférence des Turcs à son égard. D’autant plus que le contexte sur l’île est propice à la réunification entre les zones turques et grecques : “Les deux présidents chypriotes grec et turc se parlent beaucoup, ils s’apprécient” . Un accord favorable à la Turquie pourrait raviver de nouvelles tensions communautaires et briser un équilibre encore fragile.

Enfin, un dernier point a été soulevé par les autorités chypriotes. Si la suppression de visa pour les ressortissants turcs est adoptée, elle devrait être réciproque, et les citoyens des pays de l’UE devraient pouvoir entrer en Turquie sans visa. Or “aujourd’hui, si un Chypriote veut demander un visa en Turquie, il doit le faire comme ressortissant de l’administration chypriote grecque, comme si l’Etat chypriote n’existait pas” . Cette distinction est inacceptable pour les Chypriotes, conclut la RTBF.

Si pour l’instant Donald Tusk se défend de vouloir mettre la pression sur Chypre, il n’est pas exclu que tout sera fait jeudi et vendredi lors du prochain sommet européen pour convaincre ses autorités de ne pas bloquer un accord déjà critiqué de toutes parts. La présidence néerlandaise du Conseil de l’UE se montre elle étonnamment rassurante : “je suis relativement optimiste quant à la possibilité d’obtenir un paquet de mesures satisfaisant” a déclaré Bert Koenders, cité dans Il Sole 24 Ore.

En attendant, la situation sur le continent est toujours critique, et particulièrement à la frontière gréco-macédonienne, comme le rappelle L’Obs : “quelque 1 500 réfugiés et migrants qui avaient réussi lundi à franchir cette frontière close depuis une semaine ont été renvoyés en Grèce, selon les autorités macédoniennes” .

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