Nouvelle coalition droite-gauche
Après la rupture des discussions entre les conservateurs (CDU-CSU), les libéraux et les Verts pour former une coalition de gouvernement, les sociaux-démocrates (SPD) sont revenus vendredi 24 novembre, sur leur volonté de ne pas “renouer avec les conservateurs, et […] faire partie d’une coalition” [Euronews]. Une position choisie par le leader du SPD, Martin Schulz, après la déroute de son parti aux élections du 24 septembre et quatre années passées en tant que partenaire de coalition. Cependant, depuis cette date, l’Allemagne n’a plus de gouvernement effectif.
Et pour Mme Merkel, il n’est pas question d’organiser de nouvelles élections, observe RFI. La chancelière sortante et présidente de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) “compte sortir au plus vite de l’impasse dans laquelle se trouve l’exécutif allemand” [Euronews]. Depuis son fief électoral de Kühlungsborn, sur les bords de la Baltique, “elle a insisté sur la nécessité de parvenir rapidement à un accord avec les sociaux-démocrates” [RFI].
Dimanche 26 novembre, elle “a rencontré les dirigeants de son parti (…) pour évaluer les hypothèses de sortie de crise” , rapporte La Croix. La chancelière, poursuit le quotidien, a évoqué “la nécessité de dégager ‘un compromis’ ” avec le SPD. Jeudi 30 novembre, Martin Schulz, Angela Merkel et Horst Seehofer, le leader des conservateurs bavarois (CSU) alliés de la CDU, doivent se rencontrer autour de Frank-Walter Steinmeier, président allemand. En perspective, donc : une nouvelle coalition droite-gauche comme entre 2005 et 2009 puis entre 2013 et 2017, qui pourrait satisfaire 52% des Allemands selon un sondage du quotidien allemand Bild relayé par La Croix.
Le SPD en position de force
Les négociations entre le centre-gauche et le centre-droit allemand ne seront toutefois probablement pas rapides. Notamment car le congrès du SPD a lieu du 7 au 9 décembre. Mais aussi parce que ces derniers, “laminés par quatre années de grande coalition” envisageaient sérieusement de “se régénérer sur les bancs de l’opposition” [RFI].
Les sociaux-démocrates ont néanmoins laissé filtrer quelques annonces quant à leurs positions. Par exemple, la secrétaire du SPD pour les Affaires familiales, Elke Ferner, “a appelé le bloc conservateur de Mme Merkel à reconsidérer les politiques sociales qu’il avait bloquées durant la précédente coalition” , rapporte Politico. De son côté, le vice-président du parti, Karl Lauterbach a expliqué que “l’abolition du système d’assurance maladie privé serait un prérequis aux négociations” . Si Angela Merkel ne bouge pas sur ce sujet, “nous n’avons aucune chance d’éviter de nouvelles élections” , a-t-il prévenu [Politico].
A priori, “les sociaux-démocrates sont en situation favorable dans la négociation qui s’annonce” , observe La Croix. Toutefois, Horst Seehofer “a averti le SPD de ne pas venir à la table de négociations en tentant d’imposer ses conditions” . De nouvelles négociations difficiles en perspective, donc.
Points de désaccords entre la CSU et le SPD
Car bien que la CSU se soit “fait une raison” et “opte pour le vieil attelage de la grande coalition droite-gauche” [La Croix], le parti n’a qu’une chose en tête : les élections régionales en Bavière en 2018. La région est un fief des conservateurs ce qui implique que la CSU joue “un rôle clé à Berlin” [Politico].
Et comme avec les écologistes lors des précédentes discussions, la question de l’immigration pourrait rendre les discussions difficiles avec les sociaux-démocrates. La CSU “voudrait plafonner le nombre maximum de personnes pouvant demander l’asile chaque année” , explique La Croix. Ou encore limiter le “regroupement familial pour les réfugiés bénéficiant d’une ‘protection subsidiaire’ (protection courte d’un an renouvelable)” .
Selon le député social-démocrate Ralf Stegner, “le SPD ne pourra pas être à bord avec un plafonnement sur l’arrivée des réfugiés” , [Politico]. Car pour le député, un tel dispositif “va à l’encontre de la Convention de Genève” .
L’AfD “se délecte”
Toutes tergiversations feront par ailleurs les affaires du parti d’extrême-droite Alternative für Deutschland (AfD). Son leader, Alexander Gauland, interviewé par l’AFP, “se délecte des problèmes de Merkel” et continue à emmagasiner des voix sur le thème “Merkel doit partir” [Le Point]. Cette-dernière “est complètement sur le déclin, et c’est en partie grâce à nous” , s’est-il félicité.
Les négociations entre le SPD, la CDU et la CSU pouvant demeurer conflictuelles, “la menace d’élections anticipées est donc réelle” . Alexander Gauland est “confiant de faire mieux en cas de nouveau scrutin” , poursuit l’hebdomadaire. “Et les sondages semblent lui donner raison” .
Une coalition risquée
Enfin, d’un point de vue européen, une nouvelle grande coalition pourrait être “une bonne nouvelle pour l’Europe” et pour Emmanuel Macron, “dont les idées devraient être mieux accueillies que par un gouvernement dans lequel les libéraux, euro-critiques, auraient joué un rôle majeur” , estime Le Monde dans son éditorial. Et ce même si cette alliance rassemblerait “les perdants des élections de septembre” .
En attendant que le gouvernement soit éventuellement constitué, “Angela Merkel a fait savoir à Emmanuel Macron que l’Allemagne resterait encore en retrait quelque temps sur les dossiers européens” , indiquent Les Échos.