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Les dossiers européens sur la table d’Emmanuel Macron

Guerre en Ukraine, défense, énergie, climat, poursuite de la PFUE… Les sujets européens sont nombreux pour le président de la République, réélu dimanche 24 avril pour un nouveau quinquennat.

Emmanuel Macron participera à de nouveaux rendez-vous européens dans les prochaines semaines
Emmanuel Macron participera à de nouveaux rendez-vous européens dans les prochaines semaines - Crédits : Christophe Licoppe / Commission européenne

Perçu par la presse étrangère comme le candidat proeuropéen, qui a défait la cheffe des eurosceptiques à l’élection présidentielle, Emmanuel Macron reprend “un service opérationnel” sur le champ européen après un intermède essentiellement national. Dans un agenda bousculé par la guerre en Ukraine, le président de la République doit se saisir de dossiers particulièrement brûlants et qui comptent dans son ambition d’affirmer une “Europe souveraine”. Et c’est sans doute dans un contexte plus apaisé qu’il avait imaginé se rendre à Strasbourg, le 9 mai, jour de la Fête de l’Europe, où il va partager les conclusions de la Conférence sur l’avenir de l’Europe.

Poursuivre la PFUE

Paris doit mener à son terme la présidence française du Conseil de l’UE, commencée en janvier et qui s’achève le 30 juin prochain. Le rôle de la France, qui a fixé des priorités durant ce premier semestre 2022, consiste surtout à faire avancer le travail législatif, et ainsi à trouver des compromis entre les Etats membres, ou entre les Vingt-Sept et les eurodéputés, sur les propositions législatives de la Commission européenne.

L’UE va devoir redoubler d’efforts pour parvenir, d’ici 2030, à réduire de 55 % ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. Or de nombreux textes importants sont actuellement négociés au niveau européen, que Paris doit faire avancer. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières en est un exemple. Si un accord a été trouvé entre les ministres des Finances le 15 mars, les eurodéputés doivent encore arrêter leur position sur cette mesure qui s’apparente à une taxe carbone sur une série de marchandises produites en-dehors de l’UE.

Parmi les chantiers climatiques menés par l’Union, une réforme du marché européen du carbone est aussi prévue. Pour résumer, certaines entreprises doivent acheter des “droits à polluer” à hauteur de leurs émissions de gaz à effet de serre. La Commission a proposé l’été dernier de créer un nouveau système afin d’étendre ce principe du marché du carbone aux combustibles des secteurs du transport routier et du chauffage des bâtiments. Aujourd’hui, le transport routier représente à lui seul un cinquième des émissions de gaz à effet de serre de l’UE. Selon le média Contexte, l’ajout de ces deux secteurs n’est pas encore à l’agenda de la France dans sa proposition de compromis aux autres Etats membres.

Autre dossier prioritaire pour Paris : l’adoption de la directive sur les salaires minimums. Un “SMIC européen” uniforme dans tous les Etats membres n’est évidemment pas envisagé en raison des divergences entre les économies des pays de l’UE, mais ce texte prévoit en particulier de favoriser les négociations collectives, impliquant la mobilisation des partenaires sociaux dans la définition des salaires minimaux. La directive pourrait voir le jour avant la fin de la PFUE, le 30 juin, après quoi la France passera le flambeau de la présidence du Conseil de l’UE à la République tchèque.

La question ukrainienne…

Lors de la présentation des priorités de la PFUE en décembre, Emmanuel Macron avait appelé à définir une “souveraineté stratégique européenne”. Depuis, la guerre menée par la Russie en Ukraine a marqué l’agenda de la présidence française, bousculant par exemple le sommet de Versailles en mars dernier. Alors que le conflit semble s’éterniser à l’est du continent, les questions de défense continueront d’être au cœur des discussions entre les Etats membres, certains pays comme l’Allemagne ayant annoncé des investissements inédits dans leurs armées et matériels militaires. Un sommet européen extraordinaire à ce sujet doit se tenir les 30 et 31 mai à Bruxelles. Les dirigeants entendent y unifier leur voix dans le domaine de la défense, deux mois après avoir adopté la “boussole stratégique”, un document devant guider la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) jusqu’en 2030.

L’énergie sera le deuxième grand sujet des échanges entre les chefs d’Etat et de gouvernement lors de ce Conseil. La guerre en Ukraine a aussi renforcé la détermination des Européens à rompre leur dépendance aux importations d’énergie fossiles, du moins celles en provenance de Russie. L’UE a déjà cessé toutes les importations de charbon russe et des discussions se tiennent pour un embargo total sur les hydrocarbures rapportant des milliards d’euros à Moscou.

Et si la Commission propose de faire monter en puissance l’ensemble des énergies renouvelables sur le continent, l’objectif affiché d’arrêter toute dépendance au gaz, pétrole et charbon russes à l’horizon 2027 passe aussi par une diversification des approvisionnements de l’UE, notamment en ce qui concerne le gaz. En d’autres termes, les pays vont augmenter les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) depuis les Etats-Unis ou encore l’Australie. L’ambition est de remplacer les deux tiers du gaz importé de Russie dès cette année, un défi pour l’UE.

… et ses conséquences

La décision prise par Vladimir Poutine d’envahir l’Ukraine a eu des conséquences importantes sur le Vieux Continent. La hausse des prix de l’énergie, amorcée depuis la reprise des activités économiques, a ainsi poursuivi son envol.

Au niveau national, le locataire de l’Elysée entend maintenir un bouclier pour les prix du gaz et de l’électricité tout comme la remise à la pompe entrée en vigueur le 1er avril dernier. L’ensemble de ces mesures a contenu l’inflation en France par rapport à celle que connaissent ses voisins européens, mais le gouvernement a fait savoir qu’elles seraient seulement temporaires. Le ministère de l’Economie cherche des solutions pour éviter que la hausse des prix ne pénalise davantage le pouvoir d’achat.

Aussi, la question de l’alimentation promet d’être sur le devant de la scène dans les prochains mois. Le prix du blé a en effet augmenté de 19 % depuis le 24 février et les ruptures dans les chaînes d’approvisionnement risquent de provoquer de graves crises alimentaires, en particulier au Moyen-Orient et en Afrique. C’est dans ce contexte que la France porte depuis un mois l’initiative Food & Agriculture Resilience Mission (FARM). Paris ambitionne d’apaiser les tensions sur les marchés agricoles, d’assurer un accès à prix raisonnable aux denrées et de renforcer les capacités de production dans les pays les plus touchés.

Plus largement, les effets économiques de la guerre en Ukraine se font déjà ressentir. Le Fonds monétaire international (FMI) table sur une croissance mondiale de 3,6 % en 2022, soit une diminution de 0,8 point par rapport aux prévisions de janvier, avant l’invasion russe. En parallèle, l’inflation devrait atteindre 5,3 % dans la zone euro. La France devra d’ailleurs gérer la suite des sanctions économiques infligées à la Russie.

A Paris tout comme dans les cercles européens, l’idée d’une réforme des règles budgétaires européennes n’est par ailleurs plus taboue. Déjà suspendues depuis la pandémie, et en théorie jusqu’à la fin de l’année, l’interdiction de dépasser les 3 % de déficit et les 60 % de dette publics sera d’une manière ou d’une autre un sujet sur la table au niveau de l’UE.

Vers un élargissement de l’UE ?

Enfin, l’enjeu d’un éventuel élargissement de l’Union sera par ailleurs central dans les années à venir. La guerre provoquée par Moscou pose en effet la question des relations entre Kiev et l’UE : l’Ukraine doit-elle intégrer le concert européen ? Les liens entre les deux parties se sont approfondis depuis le 24 février et le début de la guerre. L’UE a ainsi montré une certaine solidarité avec le gouvernement de Volodymyr Zelensky, en finançant par exemple des achats d’armes pour les Ukrainiens. Depuis, l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie ont officiellement envoyé leur candidature d’adhésion à l’UE. La Commission doit exprimer ses recommandations dans les prochains mois.

Pour autant, la procédure d’adhésion est longue et semée d’embûches. Il apparaît non seulement impossible d’intégrer un pays en guerre, mais celui-ci doit montrer patte blanche avant de faire pleinement partie de l’Union européenne, en répondant à une série de critères économiques, politiques et juridiques.

Une série de pays des Balkans occidentaux comptent aussi rejoindre le club des 27 Etats membres. Si un sommet était prévu de longue date au mois de juin avec les représentants de ces pays, la rencontre prend une autre couleur au moment où l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie ont déposé leur candidature. De quoi faire dire au directeur de l’Institut Jacques Delors Sébastien Maillard, dans Le Monde, que “la grande question du quinquennat sera celle d’un nouvel élargissement”.

Dans le cadre de la PFUE, deux Conseils européens (30-31 mai puis 23-24 juin) et une vingtaine de Conseils des ministres sont programmés à Bruxelles en mai et juin. De plus, 11 réunions nécessitant la présence du président de la République, du Premier ministre ou d’un ou plusieurs ministres sont prévues en France en mai et juin 2022, notamment :

  • La restitution des résultats de la conférence sur l’avenir de l’Europe à Strasbourg le 9 mai avec le président de la République. Viendra ensuite le temps du débat sur le futur du fonctionnement des institutions de l’UE ;
  • Deux rencontres entre les institutions européennes (Commission et présidence française au niveau des ministres en charge de l’Economie ou du Commerce) et les autorités américaines sur les sujets du commerce et des technologies (Saclay, 15-16 mai) et sur la justice et les affaires intérieures (Paris, 22-23 juin) ;
  • Une conférence ministérielle sur les régions ultrapériphériques (Martinique, 17-19 mai).

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