Politique
Après des années de pourparlers, le Parlement kosovar a proclamé l’indépendance de la République du Kosovo le 17 février 2008. Le même mois, l’UE a approuvé le lancement d’une mission de police et de justice de 2 000 hommes dans le nouvel Etat. Baptisée Eulex, cette force civile européenne reprend les responsabilités judiciaires et policières de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), organe des Nations unies en charge du Kosovo depuis 1999, au terme d’une période transitoire de 120 jours suivant l’indépendance.
Pendant neuf ans, le statut du Kosovo a été régi par la résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, qui plaçait cette province sous administration internationale. Celle-ci devait pouvoir assurer une autonomie substantielle au peuple du Kosovo au sein de la République Fédérale de Yougoslavie (devenue, par le jeu de la succession d’Etats, la Serbie-et-Monténégro), dans l’attente de la définition du statut futur. Le 23 janvier 2012, 87 pays membres de l’ONU ont formellement reconnu le Kosovo comme un Etat indépendant et souverain.
La Constitution promulguée le 15 juin 2008 établit un régime parlementaire, avec des droits dérogatoires pour les minorités et notamment pour la communauté serbe du Kosovo (système de double majorité). Le président de la République du Kosovo est élu par l’Assemblée du Kosovo.
En novembre 2020, le président Hashim Thaçi démissionne à la suite de son inculpation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés durant la guerre d’indépendance (1998-1999). Il est remplacé par Vjosa Osmani le 5 novembre, qui exerce la fonction par intérim pendant cinq mois. Le 4 avril 2021, cette ancienne professeure de droit à l’Université de Pristina, âgée de 38 ans, est élue cheffe d’Etat. Elle gouverne désormais aux côtés du Premier ministre Albin Kurti qui a remporté une large victoire (plus de 50 % des voix) lors des élections législatives du 14 février 2021.
En 2016, l’ancien Premier ministre Hashim Thaçi avait été élu président au troisième tour par le Parlement dans un climat tendu. Des élus de l’opposition avaient lancé du gaz à lacrymogène au sein de l’Assemblée dans le but d’empêcher l’élection pendant que des affrontements entre la police et des manifestants éclataient dans les rues. L’opposition reprochait au pouvoir en place des affaires de corruption et l’accord avec la Serbie conclu en 2013 sous la houlette de l’UE, dont un volet prévoit la mise en place d’une “association” des municipalités serbes afin d’améliorer les droits de la minorité serbe du Kosovo.
Le pays et l’UE
Les relations entre le Kosovo et l’Union européenne prennent forme lorsque celle-ci reconnaît la déclaration d’indépendance du pays en 2008 (22 des 27 membres de l’Union européenne reconnaissent actuellement l’indépendance du Kosovo, les cinq qui s’y opposent sont : Chypre, l’Espagne, la Grèce, la Roumanie et la Slovaquie). La même année, un représentant spécial de l’UE au Kosovo est nommé.
Depuis 2011, des rapports annuels sont publiés sur l’avancée des réformes du candidat potentiel à l’adhésion à l’Union européenne. Dans le rapport de 2016, si la Commission reconnaît certains progrès, notamment au sein de l’administration et de l’économie du pays, elle encourage le Kosovo à endiguer la corruption et à améliorer son système judiciaire.
Initié en 2013 sous l’égide de l’Union, le dialogue entre la Serbie et le Kosovo était interrompu depuis 2018. En juillet 2020, le président serbe Aleksandar Vučić et le Premier ministre kosovar Avdullah Hoti ont convenu d’une reprise du dialogue. La normalisation des relations entre les deux pays fait partie des conditions fixées par l’UE dans le cadre du processus d’adhésion de la Serbie (chapitre 35). Mais signe que les relations entre les deux parties sont toujours tendues : le Premier ministre du Kosovo Albin Kurti annonce en mai 2021 que Pristina va déposer une plainte pour “génocide” contre Belgrade - durant la guerre de 1998-1999 - devant la Cour de justice internationale. Une plainte que les autorités serbes s’empressent de qualifier de “provocation”.
L’année 2016 marque une avancée notable dans les relations UE-Kosovo. En avril, l’accord d’association et de stabilité entre en vigueur, ce qui représente la première relation contractuelle entre l’Union et le pays. En mai 2016, la Commission a transmis au Parlement européen et au Conseil une proposition formelle visant à transférer le Kosovo sur la liste d’exemption de l’obligation de visa pour l’espace Schengen. Cela permettrait aux Kosovars de ne plus avoir à demander de visas pour entrer sur le territoire Schengen pour des séjours d’une durée de 90 jours sur toute période de 180 jours. En mars 2019, le Parlement européen a apporté son soutien, en première lecture. Le Conseil n’a pour l’instant pas adopté la proposition.
Le 15 décembre 2022, le Premier ministre Albin Kurti a formellement présenté la candidature du Kosovo pour adhérer à l’Union européenne. Le processus devrait toutefois prendre beaucoup de temps pour Pristina. Notamment car l’indépendance du pays n’est reconnue que par 22 Etats membres de l’UE, dont la France. Cinq autres ne la reconnaissent toujours pas : l’Espagne, la Grèce, la Roumanie, la Slovaquie et Chypre.
Géographie
Le Kosovo, bordé de montagnes au sud, à l’ouest et au nord, constitue un petit territoire enclavé au cœur de la péninsule balkanique, sans débouché commercial important. Il dispose de quelques ressources minières (notamment cinquièmes réserves mondiales de lignite). Par sa langue et sa religion, le Kosovo entretient des relations privilégiées avec l’Albanie. Pristina est la capitale du Kosovo.
Economie
L’économie kosovare repose en grande partie sur les remises d’expatriés (transferts financiers effectués par la diaspora vers le Kosovo). En alimentant la demande et les investissements internes, ces flux massifs de capitaux permettent de soutenir la croissance économique qui atteignait 9,5 % en 2021.
Avant la crise du Covid-19, les prévisions de croissance étaient favorables et portées par des projets d’infrastructures tels que l’autoroute entre Pristina et Skopje (République de Macédoine du Nord) ou encore la construction d’une station d’épuration à Pristina. Les infrastructures et l’appareil de production sont effectivement peu développées, ce qui accentue la dépendance de la croissance aux ressources extérieures. Le pays a recours aux importations pour répondre à la plupart de ses besoins.
Un autre obstacle à surmonter est le haut degré de corruption et notamment le manque d’indépendance du secteur judiciaire qui sévit dans le pays, et ne facilite pas son insertion économique mondiale. Le pays est ainsi classé 87ème par Transparency International en 2021 sur la base de ses calculs de l’indice de perception de la corruption et l’économie informelle représente environ un tiers du PIB.
Ainsi, le Kosovo est le pays le plus pauvre des Balkans occidentaux en affichant un PIB par habitant qui correspond à 26 % de la moyenne des pays de l’Union européenne, et avec un niveau qui était d’environ 4 300 $ par an en 2020 selon la Banque mondiale. Le chômage atteint 26 % en 2021 et touche fortement les jeunes (49 % des 15-24 ans) qui émigrent massivement vers l’UE du fait de la difficulté des conditions de vie.
En raison de la crise du Covid-19, la Banque mondiale anticipait en 2020 une récession de -4,5 % du PIB. Pour en atténuer les effets, le gouvernement a annoncé deux plans successifs le 30 mars (à hauteur de 178 millions d’euros, soit 2,6 % du PIB) et le 28 mai (à hauteur de 1,2 milliard d’euros). Il s’agissait à la fois de fournir des liquidités aux entreprises en difficulté, mais également de prendre des mesures sociales. Aussi, le Kosovo a bénéficié de plusieurs aides internationales, dont un prêt de 51,6 millions d’euros de la part du Fonds monétaire international via l’Instrument de Financement Rapide en avril 2020 et un autre de 25 millions d’euros pour soutenir le système de santé, accordé le 12 mai 2020 par la Banque de développement du Conseil de l’Europe. L’Union européenne a quant à elle aidé le Kosovo à hauteur de 228 millions d’euros au total, dont un prêt de 100 millions d’euros au titre de l’assistance macro-financière.
Finalement, l’économie kosovare s’est révélée résiliente face à la crise du Covid-19, particulièrement soutenue par les flux de sa diaspora (qui représentent 43 % de son PIB) et par le tourisme qui a significativement augmenté pour contribuer à près de 18 % du PIB du Kosovo en 2021. Enfin, la dette publique s’est stabilisée et atteint 22,5 % du PIB.
Source : DG Trésor
Histoire
1389 : après avoir fait partie de la Serbie depuis le XIIème siècle, la région est conquise, administrée et islamisée par l’Empire Ottoman qui gouverne la province jusqu’en 1912.
1912 : à la suite des guerres balkaniques, la province est intégrée à la Serbie.
1945 : création de la République populaire fédérale de Yougoslavie, composée de six républiques et deux provinces autonomes, dont le Kosovo (dont le statut de province n’est reconnu qu’en 1965), qui ne bénéficie pas d’une réelle autonomie.
1974 : à la suite des émeutes de 1968, qui avaient réclamé le statut de République autonome au sein de la fédération, le Kosovo obtient une large autonomie avec la nouvelle Constitution : il devient une réelle entité politique, avec une Assemblée et un gouvernement propres. Au cours des années 1980, la revendication du statut de République se poursuit : c’est l’émergence du mouvement nationaliste albanais qui débouche sur la création en 1989 de la Ligue Démocratique du Kosovo (LDK), parti politique prônant la résistance pacifique et la non-participation.
1989 : Slobodan Milosevic, président de la ligue communiste de Serbie, supprime le statut d’autonomie du Kosovo : c’est la “serbisation”. Le bilinguisme est suspendu et l’armée fédérale se déploie dans la province.
1991 : la LDK répond à la politique de discrimination systématique menée par le régime serbe de Milosevic par la mise en place de structures parallèles dans les domaines de la santé et de l’éducation. Un gouvernement en exil s’est également constitué en Allemagne, tandis que la plupart des membres de l’assemblée, passés dans la clandestinité depuis 1989, quand ils avaient proclamé l’indépendance, fuient dans plusieurs pays étrangers.
1999 : les négociations diplomatiques, menées à Rambouillet, n’ayant pas permis de déboucher sur un accord de paix, l’Otan intervient, en menant des opérations militaires contre les forces serbes pour mettre fin à la répression dont faisait l’objet la population albanaise, dont environ un million de personnes a dû fuir le Kosovo depuis l’année précédente. La résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU permet à la Mission d’administration intérimaire des Nations unies au Kosovo (MINUK) de lancer le processus de construction démocratique et de faciliter le processus politique de détermination du futur statut du Kosovo. Selon cette même résolution, une présence militaire, assurée par la KFOR, sous commandement de l’Otan se met en place à l’été 1999. Les violences commises par les Albanais en guise de représailles en 1999 provoquent le départ de plusieurs dizaines de milliers de Serbes.
2001 : la mise sur pied d’institutions provisoires doit permettre à la région de s’auto-administrer : Assemblée, Président du Kosovo, Gouvernement, Cour suprême et Médiateur.
2004 : les élections aboutissent à la formation d’une nouvelle coalition, qui ne fait plus l’objet d’un aussi large consensus, mais le Premier ministre, inculpé par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie pour crimes de guerre, se voit contraint de démissionner en mars 2005.
2006 : après le décès en janvier d’Ibrahim Rugova, le président kosovar, figure historique de la résistance pacifique, et la démission du Premier ministre, Bajram Kosumi, une nouvelle équipe se met en place à la tête des institutions provisoires du Kosovo. Le nouveau Premier ministre, Agim Ceku, est l’ancien chef de la guérilla albanaise. Ces événements interviennent dans un moment crucial : le début des pourparlers sur le statut futur du Kosovo, menés par Martti Ahtisaari, ancien Président finlandais, Envoyé spécial du Secrétaire Général des Nations Unies. A la demande d’indépendance du Kosovo que réclament les Albanais, Belgrade propose une large autonomie de la province. Les négociations s’avérant délicates, elles ont commencé sur des sujets concrets, tels que la décentralisation, la protection des minorités et du patrimoine religieux. Les compétences de la MINUK sont progressivement transférées aux institutions provisoires du Kosovo en fonction de leur capacité à les assumer et dans le but de mieux les responsabiliser. Les premières négociations entre Serbes et Albanais ont eu lieu en février 2006 à Vienne. La participation des Serbes du Kosovo aux institutions de la province leur permettrait de mieux faire entendre leur voix et faire valoir leurs droits.
2007 : les élections législatives et municipales au Kosovo se déroulent le 17 novembre. Entre juillet et la fin de l’année, la troïka composée de l’UE, des Etats-Unis et de la Russie, tente de trouver un compromis sur le statut du Kosovo.
2008 : le Parlement kosovar proclame l’indépendance du Kosovo le 17 février. La force civile européenne Eulex reprend peu à peu les responsabilités judiciaires et policières de la MINUK, au terme d’une période transitoire de 120 jours suivant l’indépendance.
2013 : début du dialogue entre la Serbie et le Kosovo sous l’égide de l’UE, en vue d’une reconnaissance du pays.
2018 : rupture du dialogue entre la Serbie et le Kosovo.
2020 : reprise du dialogue entre la Serbie et le Kosovo.