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Histoire du marché intérieur

En 1957, le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne (CEE) marque l’ouverture d’un processus ambitieux : l’intégration progressive des économies européennes pour créer un marché unique. Si ses fondateurs voient dans le marché commun un moyen de dynamiser l’économie des pays membres, ils sont aussi animés par une ambition politique : le rapprochement des peuples d’Europe par le biais des échanges économiques.

Histoire du marché intérieur européen
Crédits : Aska / iStock

Afin de parvenir à une intégration économique toujours plus poussée sur le continent, les pays européens entreprennent d’abolir une à une les barrières internes à la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes, les “quatre libertés”. Au départ, la Communauté économique européenne (CEE) comporte 6 membres : la France, l’Allemagne (de l’Ouest), l’Italie, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas.

Le premier pas

La première étape est la suppression des barrières à la circulation des marchandises. En 1968, dix ans après l’entrée en vigueur du traité de Rome, les droits de douane entre les pays de la CEE sont abolis. Parallèlement, un tarif douanier commun est établi à l’égard des pays tiers, ce qui implique la définition d’une politique commerciale commune. Les effets de cette ouverture sont remarquables : entre 1958 et 1972, les échanges intracommunautaires sont multipliés par neuf, contribuant à l’enrichissement global des Européens.

Pour autant, le marché commun est loin d’être achevé. Des obstacles non-tarifaires continuent de fausser les échanges entre les pays : divergences dans les règles techniques, dans les obligations administratives ou encore dans les normes sanitaires, dévaluations monétaires, différences fiscales. Certaines mesures comme les normes sanitaires paraissent indispensables pour la protection des consommateurs. Mais les administrations et les entreprises nationales peuvent en faire une utilisation stricte, à des fins protectionnistes, pour décourager l’importation de produits étrangers, malgré l’existence de la CEE.

Parfaire le marché unique

Dès son arrivée à la tête de la Commission européenne en 1985, Jacques Delors se fixe pour objectif d’achever la réalisation du marché unique avant le 1er janvier 1993 (désormais, on ne parle plus seulement de marché commun).

L’Acte unique européen, adopté en 1986, contient deux mesures clés qui doivent permettre à la CEE d’atteindre le but fixé : l’extension du vote à la majorité qualifiée au Conseil de l’Union européenne (ce qui atténue les blocages politiques) et la généralisation du principe de reconnaissance mutuelle, préférée à une harmonisation totale des diverses normes techniques et sanitaires. Jacques Delors propose en outre un paquet de 282 directives et règlements pour faire du marché unique une réalité.

En l’absence de réglementation européenne pour un type de bien, le principe de reconnaissance mutuelle interdit à un Etat membre de refuser la vente d’un produit issu d’un autre Etat membre pour non-conformité à ses règles nationales. En d’autres termes, tout bien légalement fabriqué ou commercialisé dans un Etat membre doit pouvoir être commercialisé dans les autres. Le vendeur doit toutefois être en mesure de prouver que son produit respecte l’ensemble des normes techniques et sanitaires de son pays d’origine et qu’il garantit un niveau équivalent de sécurité. La reconnaissance mutuelle a ainsi permis de libéraliser les échanges de biens plus rapidement qu’en se limitant à adopter des normes communautaires, plus longues à mettre en place.

L’effet d’entraînement du marché intérieur sur l’activité communautaire est indéniable : parallèlement au démantèlement des obstacles à la libre circulation, l’Europe développe des politiques de santé, de protection des consommateurs, d’environnement, de protection sociale, en partie pour répondre au besoin d’harmonisation du marché. La politique de concurrence est, elle aussi, essentielle pour la réalisation du marché intérieur : elle évite que le comportement de certaines entreprises ne fausse le marché et ne nuise aux intérêts du consommateur et des autres producteurs.

Libre circulation des personnes, des capitaux, des services

Si le principe de reconnaissance mutuelle, généralisé après l’entrée en vigueur de l’Acte unique européen, permet la consolidation de la libre circulation des biens, les trois autres libertés de mouvement ont été plus difficiles à mettre en place et l’ont donc été plus tardivement.

Il en est ainsi de la libre circulation des personnes (article 39 TCE). Si cette liberté ne concerne au départ que les travailleurs au début de la Communauté européenne, l’élaboration d’une citoyenneté de l’Union par le traité de Maastricht d’une part, et l’entrée en vigueur de la convention de Schengen en 1995 d’autre part, ont permis d’étendre cette liberté à un plus grand nombre de personnes.

La libre circulation des capitaux (article 56 TCE) s’est également heurtée à de nombreuses entraves. Mise en œuvre par une directive en 1988, puis définitivement inscrite dans le droit européen à travers le traité de Maastricht en 1992, celle-ci a été singulièrement facilitée par l’introduction de l’euro quelques années plus tard.

Enfin, la libre circulation des services (article 49 TCE), à savoir la possibilité pour un prestataire de pratiquer son activité dans un autre Etat membre que le sien sans restriction, est sans doute celle qui a posé le plus de difficultés. Les marchés des télécommunications, de l’énergie et des transports se sont ouverts seulement à la fin des années 90. Après avoir identifié un certain nombre d’entraves à la libre circulation des services et à la liberté d’établissement - et à la suite d’un débat passionné - l’Union européenne s’est dotée en décembre 2006 d’une directive sur les services. Plus connue sous le nom de “directive Bolkestein”, le texte avait été accusé de faciliter le dumping social au sein de l’UE, à travers le détachement des travailleurs.

Le traité de Lisbonne a inclus le marché intérieur parmi les compétences partagées entre l’UE et les Etats membres. Dans ce domaine, il n’y a que l’union douanière, les règles de concurrence et la politique commerciale commune qui relèvent de la compétence exclusive de l’Union.

Base juridique

Le marché intérieur figure dans l’article 3.3 du traité sur l’Union européenne (TUE) qui liste les objectifs de l’UE. Parmi les politiques inventoriées dans la troisième partie du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), le marché intérieur est la première d’entre elles. Une définition en est donnée dans l’article 26 : “le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions des traités”.

Le traité de Lisbonne apporte peu de changements au marché intérieur. Ce dernier est en revanche concerné par la “clause sociale transversale” (article 9 TFUE) qui prévoit le respect d’exigences sociales par toutes les politiques adoptées par l’UE.

En théorie, le marché intérieur ne deviendrait une réalité que lorsqu’il n’y aurait plus de différence entre le marché européen et un marché national. En pratique, il subsistera toujours au sein de l’Union européenne des différences qui tiennent à l’hétérogénéité des pays membres en termes de culture, d’histoire, de société. Certaines fragmentations persistent, comme des systèmes fiscaux différents dans l’UE. Le marché intérieur est donc une orientation, dont on peut supposer qu’elle ne sera jamais véritablement “achevée”. Son fonctionnement est aujourd’hui confronté à des défis de taille, en particulier dans les domaines du numérique et de l’énergie.

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Pour approfondir

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