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Ewa Kopacz, maréchale de Pologne

Inconnue du grand public européen, Ewa Kopacz, 58 ans, dirige le gouvernement polonais depuis septembre dernier. Succédant à son mentor Donald Tusk, parti présider le Conseil européen, celle qui entend gouverner comme une “Polonaise raisonnable” devra s’imposer dans son parti, réduire le chômage et, surtout, tenir tête à Vladimir Poutine. Des défis de taille qui ne semblent pas émouvoir Ewa Kopacz, résolue à ne pas jouer les intérimaires d’ici aux législatives prévues pour octobre prochain.

Ewa Kopacz

Femme de paille de Donald Tusk ou avenir de la Plate-forme civique ?

Longtemps, Ewa Kopacz a grandi dans l’ombre de Donald Tusk, l’un des ténors de la politique polonaise post-Lech Walesa. Charismatique leader à la fois conservateur et libéral, il a gouverné le pays pendant 7 ans, jusqu’à se faire adouber par les chefs d’Etat et de gouvernement européens en août dernier et se voir confier la présidence du Conseil européen.

Pour lui succéder à la tête du parti, Plate-forme civique (PO), et donc du gouvernement, Donald Tusk a choisi Ewa Kopacz, ancienne ministre de la Santé (2007-2011) et première femme maréchale de la Diète (l’équivalent polonais du président de l’Assemblée nationale, 2011-2014). Elle a supplanté au passage Radoslaw Sikorski, le populaire chef de la diplomatie polonaise, par ailleurs écarté du nouveau gouvernement. Pour Jaroslaw Kaczynski, président de Droit et Justice, le parti de la droite catholique, très conservatrice et eurosceptique polonaise, le choix de Donald Tusk ne fait guère de mystère : avec Ewa Kopacz, il veut “continuer à diriger la politique depuis Bruxelles” . Au sein de son propre parti également, la nouvelle Première ministre ne suscite pas un enthousiasme débordant. Sans réelle vision politique selon ses détracteurs, elle servira simplement à conduire la PO aux élections législatives d’octobre 2015.

Une femme de paille et sans relief ? Ewa Kopacz ne dément pas, se contentant de poursuivre son joli bonhomme de chemin, entre pragmatisme, fermeté et constance. Issue d’une famille modeste, diplômée de l’université de Lublin, elle a longtemps exercé la pédiatrie et a occupé la fonction de directrice de l’établissement des soins de santé de Szydłowiec, une petite ville située au sud de Varsovie. En parallèle, elle s’engage en politique, au niveau local. Tant par appétence pour le service public qu’afin de s’affirmer en tant que femme. Catholique, mariée, mère d’un enfant, sa vie de famille sera néanmoins bouleversée, de son propre aveu, par l’exercice du pouvoir et, surtout, par l’attentat à la bombe avorté dont son mari, aujourd’hui décédé d’une maladie, aurait dû être la victime.

Une épreuve qui ne fera pas dévier Ewa Kopacz de sa trajectoire. Elue députée en 2001, elle grimpe rapidement les échelons au sein de la PO et devient, dès son deuxième mandat, présidente de la commission parlementaire de la Santé. Logiquement choisie par Donald Tusk pour le portefeuille éponyme à son accession au pouvoir en 2007, elle l’occupera pendant 4 ans. Elle s’y distinguera notamment en refusant le vaccin contre la grippe A, estimant les tests médicaux insuffisants, ou encore en soutenant une jeune fille de 14 ans victime d’un viol désireuse d’avorter. Tout sauf une mince affaire dans un pays aussi catholique que la Pologne. Elle-même croyante, son excommunication fut réclamée par les associations pro-vie du pays en guerre ouverte contre ce droit par ailleurs extrêmement encadré et peu utilisé en Pologne, la clause de conscience étant presque toujours invoquée par les médecins habilités à pratiquer cette intervention. Une affaire qui n’entamera toutefois pas son crédit auprès de Donald Tusk, qui la soutiendra pour le poste de maréchale de la Diète en 2011. Une fonction qu’aucune femme avant Ewa Kopacz n’avait occupée en Pologne.

Poutine face à une Polonaise raisonnable

Désormais propulsée à la tête du gouvernement, Ewa Kopacz, en dépit de son manque de notoriété - y compris en Pologne - n’arrive donc pas de nulle part. Prête aux plus hautes responsabilités, elle n’ignore ni le jeu politicien ni le fait que sa place est fragile à quelques mois des élections législatives. Son parti reste le plus populaire du pays, mais sa cote tend à chuter dans les sondages. La faute à l’usure du pouvoir, mais surtout à des performances économiques en demi-teinte. Certes en croissance, la Pologne accuse néanmoins un taux de chômage supérieur à 25 % pour les jeunes et souffre des sanctions économiques infligées à la Russie, pays incontournable pour les échanges. La récente grève des mineurs de la région de Katowice est symptomatique de la grogne sociale qui menace le pays.

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Et à ces enjeux économiques s’ajoutent les craintes de la population vis-à-vis de la Russie depuis le début de la crise ukrainienne. Le souvenir de l’influence russe, pas si ancienne, demeure tout à fait prégnant en Pologne et la décision du gouvernement de lancer un vaste plan d’investissement dans le domaine de la défense a été unanimement accueilli. De la capacité d’Ewa Kopacz à s’affirmer face à Vladimir Poutine dépendra une bonne partie de son avenir politique. A cet égard, la nouvelle Première ministre a simplement déclaré qu’elle se comporterait comme une “Polonaise raisonnable” . Une formule énigmatique un temps assimilée à un signe de faiblesse. Mais après seulement quelques mois à la tête du gouvernement, les mauvaises langues - qui lui prêtent volontiers une liaison avec Donald Tusk - commencent déjà se tarir. Ferme, mais pas va-t-en-guerre, elle semble rassurer les Polonais par sa posture de mère de famille qui saura prendre soin du pays.

En quelques semaines, elle a en effet déjà dit “non” à David Cameron dans sa volonté de revenir sur la libre-circulation des personnes dans l’UE, obtenu des compensations de la part de Bruxelles pour réduire la consommation de son sacro-saint charbon en Pologne, et refusé d’inviter officiellement Vladimir Poutine pour les commémorations de l’Holocauste à Auschwitz qui doivent avoir lieu le 27 janvier prochain.

Portrait réalisé en partenariat avec 28’ARTE

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