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Sommet de Lisbonne : coup d’envoi d’un nouvel ordre mondial ?

Le sommet de Deauville entre les chefs d’Etat allemand, russe et français les 18 et 19 octobre dernier, de même que les discussions préliminaires de Bruxelles le 14 octobre lors d’une réunion ministérielle de l’OTAN, ont préparé le terrain au sommet de l’Alliance atlantique Nord qui se tient du 17 au 18 Novembre 2010 à Lisbonne. A bien des égards, ce sommet s’annonce comme historique, puisque la Russie y participera. Il sera également l’occasion de présenter le nouveau concept stratégique de l’OTAN.

La fin annoncée de la post guerre froide ?

Depuis la chute de l’URSS, jusqu’à l’élargissement de 2004, il existait encore “un mur” entre l’Union européenne, à l’Ouest, et les Etats issus du bloc soviétique. L’élargissement en 2004 a donc, pour bien des observateurs, symbolisé la fin véritable de la guerre froide en Europe. La construction européenne s’étant largement faite en corrélation avec celle de l’OTAN, les nouveaux Etats membres de l’UE ont décidé d’intégrer l’Alliance atlantique de manière quasi simultanée. Conformément à la stratégie de défense des Etats membres de l’Union européenne, la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie sont, le 29 mars 2004, devenues officiellement membres de l’Alliance, dans le cadre de la plus grande vague d’intégration qu’ait connue l’OTAN.

Comme l’explique André Desmoulin, docteur en Sciences politiques, dans son étude Les relations OTAN / Union européenne, il existe une logique connective entre construction européenne et élargissement de l’OTAN : “après la chute du Mur de Berlin en novembre 1989 et la dissolution du Pacte de Varsovie le 1er juillet 1991, l’OTAN s’est trouvée dans l’obligation de se construire une nouvelle légitimité afin de garantir sa pérennité en tant qu’organisation de sécurité transatlantique. Très tôt, il est apparu qu’aucun Etat membre ne souhaitait renoncer à l’OTAN et à son principe de défense collective. Au contraire, dès la fin de la Guerre froide, l’organisation est devenue une force d’attraction pour les pays d’Europe centrale et orientale en quête de sécurité et de protection face à la Russie” . A travers le processus de négociation dénommé “plan d’action pour l’adhésion ” , les anciennes républiques populaires, ainsi que les pays baltes (anciennement intégrées dans l’URSS) ont intégré l’OTAN le 29 Mars 2004, soit 3 mois après leur adhésion à l’UE.

Les relations OTAN-UE après 1991

Avec la dissolution du pacte de Varsovie, les Etats membres de la CEE ont cru que le moment était venu de rééquilibrer les relations entre les deux côtés de l’Atlantique Nord, afin que la CEE ait une plus grande part de responsabilité dans sa politique de défense. C’est chose faite avec le Traité de Maastricht qui crée, sous son Titre V, le deuxième pilier de l’Union européenne, instituant une politique étrangère et de sécurité commune. Ensuite, à l’occasion du traité d’Amsterdam de 1997, la PESC est complétée par la PESD (politique européenne de sécurité et de défense) qui pose une politique commune de défense pour tous ces Etats membres. La mise en œuvre de la PESD est enclenchée lors du Conseil européen de Cologne en juin 1999, à l’occasion duquel il est établi qu’elle doit se considérer comme indépendante et consister en un déploiement de capacités opérationnelles crédibles sur lesquelles doit pouvoir s’appuyer la PESC.

Partie intégrante de la PESC, la PESD donne à l’Union européenne la possibilité d’utiliser des moyens militaires ou civils destinés à la prévention des conflits et à la gestion des crises internationales. Précisée par les sommets de Berlin en 1996, et de saint Malo en 1998 (qui voit le changement de doctrine militaire de la Grande-Bretagne), la Politique Européenne de sécurité et de Défense clarifie sa relation avec l’OTAN lors du sommet de Washington en avril 1999, où les deux institutions établissent une relation de “consultation, de coopération et de transparence effective” , tandis que les Etats européens prennent les mesures nécessaires pour renforcer leurs capacités de défense en évitant les doubles emplois inutiles. La coopération OTAN /UE se développera ensuite sous l’impulsion de Madeleine Albright qui évoque lors des sommets suivants les “3 D” à savoir le risque de découplage (des actions de l’OTAN et de l’UE), de double emploi et de discrimination à l’encontre de pays membres de l’OTAN mais non intégrés à l’UE.

Suite à plusieurs sommets européens et diverses déclarations accélérant la convergence entre l’UE et l’OTAN, cette première se dote d’une Stratégie européenne de sécurité (SES) adoptée au Conseil européen de Bruxelles des 12 et 13 décembre 2003. L’évaluation des menaces contemporaines est effectivement similaire pour l’OTAN et l’UE, puisque la Stratégie européenne de sécurité et le concept stratégique de l’OTAN, accepté lors du Sommet de Prague de 2002, placent tous les deux le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive et les États “défaillant” au sommet de la liste des défis pour la sécurité. Il s’en suit plusieurs missions militaires autrefois gérées par l’OTAN comme l’opération Eurofor Althea en Bosnie, la Mission des Nations unies au Kosovo, qui seconde la KFOR, ou la mission “Etat de droitEULEX-Kosovo qui demeure la mission civile la plus importante jamais lancée dans le cadre de la PESD. Plus récemment, au côté de la Force Internationale d’Assistance à la Sécurité de l’OTAN, l’UE a lancé en juin 2007 une mission “Etat de droit” dans le cadre de la PESD dénommée EUROPOL Afghanistan

Le sommet de l’OTAN de Lisbonne s’oriente vers un nouveau concept stratégique

Tenant compte des changements fondamentaux qui ont affecté les équilibres mondiaux, mais aussi de l’élargissement de l’OTAN corrélé vers l’ancienne Europe de l’est, il a été décidé lors du sommet de Strasbourg-Kehl en avril 2009, une évolution de la stratégie et de la nature de l’OTAN.

Une “Déclaration sur la sécurité de l’Alliance” a alors été prononcée afin que l’OTAN puisse s’adapter au nouvel ordre mondial. Cette réorientation stratégique a été confirmée lors de discussions des ministres de la Défense des Etats membres de l’Alliance atlantique à Bruxelles le 14 octobre dernier, qui s’apparentaient de fait à une répétition générale du sommet de l’OTAN à Lisbonne ce 17 et 18 novembre2010. Lors d’une précédente réunion à Tallin le 22 23 avril, 12 experts assemblés dans un comité des sages, et dirigés par Madeleine Albright, avait été chargé d’élaborer le nouveau concept stratégique de l’OTAN.

Etant donné la similarité des positions relatives à la sécurité entre la PESD et l’OTAN, et suite aux accords de désarmement en cours (reconduite de l’accord Start III entre le Etats-Unis et la Russie le 6 Juillet 2009), et conscient des nouvelles “menaces” du terrorisme globale, ce nouveau concept stratégique tend à fermer définitivement la page de la Guerre froide. Il vise également à renforcer les liens avec la Russie afin d’œuvrer plus étroitement dans les domaines d’intérêt commun comme la défense antimissile, le contre-terrorisme, le trafic de drogue et la sécurité maritime. Preuve de cette révolution des équilibres mondiaux, le président de la Fédération de Russie, Dmitri Medvedev a accepté de participer au sommet de Lisbonne. Le nouveau concept stratégique de l’Alliance remplacera le précédent adopté en 1999 et doit intégrer les questions relatives à la piraterie et à la sécurité énergétique. Elle reflétera aussi la position commune de ses membres sur la sécurité nucléaire. Le but du sommet est de l’accepter pour que le projet soit rendu public le 17 mai 2011, par Madeleine Albrigt, l’ex-secrétaire d’Etat des Etats-Unis.

Un sommet historique qui vise à un rapprochement OTAN-PESD-Moscou

Malgré les signes en faveur d’un rapprochement entre les anciens ennemis, le secrétaire du Conseil russe de sécurité Nikolaï Patrouchev avait estimé que l’OTAN restait une “menace sérieuse pour la Russie” lors de l’annonce de la doctrine militaire russe en février 2010. Le 17 mai dernier, Abders Foghr Rasmussen, le secrétaire général de l’OTAN avait estimé que “au lieu de considérer l’OTAN comme son allié dans la lutte contre les dangers communs, la Russie, déconnectée de la réalité, persiste à voir dans l’Alliance la principale menace de sécurité” . Il faut dire qu’avant la reprise du dialogue américano-russe, suite à l’élection de Barcack Obama, de nombreux contentieux avaient resurgi entre les deux anciens ennemis. Entre les révolutions de couleurs en Europe de l’Est et en Asie centrale, soutenues selon la Russie par les Etats-Unis, la guerre du Gaz en Ukraine, le conflit russo-géorgien de l’été 2008, le projet de bouclier anti-missile américain en Tchéquie et en Pologne, les rivalités gazières entre les projets européen Nabucco (soutenu par les Etats-Unis) et russe South Stream, les tensions étaient vives. Or, la rencontre de Deauville a surmonté cette décennie difficile et a affirmé la volonté des dirigeants européens de tourner la page, comme l’a prouvé l’unité affichée par la France, l’Allemagne et la Russie.

Ce sommet aura donc la tâche de concilier le nouveau concept stratégique de l’OTAN avec les craintes russes face à l’élargissement de l’OTAN sur son étranger proche. Malgré les tensions, quelques évènements ont montré une volonté d’apaisement. En avril 2010, il avait été finalement décidé lors d’un sommet de Bucarest que l’Ukraine et la Géorgie n’entreraient pas dans l’OTAN. La France et l’Allemagne avaient fait pression pour ce résultat, dans le souci de ne pas dégrader les relations avec le voisin russe. Après le sommet de Deauville, la Russie avait de son côté retiré des troupes militaires des républiques séparatistes de Géorgie, afin de faire baisser la tension dans cette partie du Caucase. Le Sommet de Lisbonne apparait donc pour l’Europe comme un moyen de sortir renforcée en œuvrant pour un rapprochement entre Russes et Américains. La plupart des tensions ayant lieu sur le territoire de l’UE ou dans des pays concernés par sa politique de voisinage, la participation du président russe au sommet et l’adoption d’un nouveau concept stratégique de l’OTAN constituent une évolution sensiblement positive pour la politique européenne de sécurité commune.

Source :

Les relations OTAN/Union européenne - La documentation Française

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