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Sécurité et défense : qu’est-ce que la boussole stratégique de l’Union européenne ?

Assurer la protection des Européens face aux menaces et à leur multiplication dans le monde : c’est l’ambition de la boussole stratégique, un “livre blanc” visant à définir les grandes orientations de la sécurité et de la défense européennes jusqu’en 2030.

Le projet de boussole stratégique prévoit par exemple d'une "Capacité de déploiement rapide de l'Union européenne" qui compteraient jusqu'à 5 000 militaires - Crédits : Lukasz Kobus / Commission européenne
La boussole stratégique prévoit par exemple une “Capacité de déploiement rapide de l’Union européenne” qui compterait jusqu’à 5 000 militaires - Crédits : Lukasz Kobus / Commission européenne

La guerre menée par la Russie en Ukraine depuis le 24 février est un choc majeur pour le Vieux Continent. Face à cette menace et à bien d’autres, la “boussole stratégique” doit permettre à l’UE d’apporter ses propres réponses, complémentaires de l’Otan. Le document a été approuvé par les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-Sept réunis en Conseil européen, le 25 mars à Bruxelles.

Notre analyse des menaces globales montre clairement que l’Europe est en danger”. Quelques jours avant la présentation d’une première version de la boussole stratégique aux ministres européens des Affaires étrangères et de la Défense mi-novembre 2021, le constat du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell était déjà sans appel. Dans une tribune publiée par le média Project Syndicate, il justifiait l’impérieuse nécessité d’un tel document.

Pourquoi l’Union européenne se dote-t-elle d’une boussole stratégique ?

La dernière feuille de route en termes de sécurité et de défense, appelée “Stratégie globale”, datait de 2016. Mais en plus de cinq ans, la situation internationale a bien changé.

Plusieurs facteurs remettent en effet en cause la place de l’Europe dans le monde. Son poids dans l’économie et la démographie de la planète recule. Son influence est contestée par un nombre croissant de puissances. Une contestation qui se manifeste en particulier dans le voisinage immédiat de l’UE à l’est du continent, où la Russie, la Chine et la Turquie essayent d’asseoir leurs positions. Et de plus en plus souvent, des acteurs - étatiques ou non - s’en prennent aux intérêts européens par le biais de techniques dites hybrides (cyberattaques, désinformation…), livrant ainsi des guerres incomplètes ou qui ne disent pas leur nom. L’instrumentalisation de demandeurs d’asile par la Biélorussie à sa frontière polonaise en 2021 en est un exemple frappant. Et l’invasion de l’Ukraine initiée par la Russie à partir du 24 février porte sérieusement atteinte à la sécurité des Européens.

Recalibrer la doctrine militaire de l’UE apparaît donc essentiel pour Josep Borrell, qui alertait en novembre sur le risque de “rétrécissement stratégique” de cette dernière. Pour protéger ses citoyens, l’UE doit ainsi être en mesure d’identifier avec précision les nouveaux périls qui guettent son avenir et être à même de répondre efficacement à ses ennemis.

Que contient-elle ?

La version finale de la boussole stratégique (la cinquième), longue de 47 pages, est articulée autour de quatre piliers.

Le premier pilier, “Agir”, concerne la gestion de crise. Le but affiché est de réussir à améliorer la capacité des Européens à répondre le plus rapidement possible aux situations d’urgence. Parmi les mesures décidées figure notamment la création d’une “Capacité de déploiement rapide de l’Union européenne”, à savoir 5 000 militaires mobilisables lorsque les circonstances l’exigeront et qui agiront sous drapeau européen.

Le deuxième volet s’intitule “Assurer la sécurité”. Il se rapporte notamment aux menaces hybrides. L’objectif est de mettre en œuvre les moyens de s’en prémunir mais aussi d’y répondre. A cet effet, une “boîte à outils” de l’UE face aux menaces hybrides doit être mise en place, pour que les Etats membres puissent collectivement y faire face, en faisant appel aux instruments qui existent déjà et en en créant d’autres. Ce même pilier couvre aussi la sauvegarde des intérêts européens en matière de sécurité en mer et dans l’espace.

Le troisième pilier de la boussole stratégique, “Investir”, est lié au développement des capacités. “Nous augmenterons sensiblement nos dépenses de défense pour répondre à notre ambition collective de combler les lacunes critiques en matière de capacités militaires et civiles”, écrivent les 27 Etats membres. Il est aussi question d’accroître les investissements dans les industries militaires clés pour pouvoir agir sur des terrains variés : ciel, mer, terre, espace et cyberespace. Encourager par des financements conséquents la recherche dans les technologies disruptives, et réduire ainsi les dépendances vis-à-vis des autres puissances, est également prévu par le document.

Enfin, le quatrième pilier, “Travailler en partenariat”, vise à renforcer les partenariats des Européens pour améliorer la portée de l’action de l’UE en matière de sécurité et de défense. Des coopérations qui concernent des organisations internationales, telles que l’Otan, l’OSCE ou encore l’Union africaine, ou bien des pays seuls tels que les Etats-Unis et le Canada.

Ces quatre piliers ont ainsi vocation à “renforc[er] l’autonomie stratégique de l’UE”, précise la version finale de la boussole stratégique. Si l’expression, qui traduit la capacité de l’UE à assurer sa propre sécurité, n’y apparaît qu’une fois (certains Etats membres, à l’Est en particulier, craignant de s’éloigner de l’Otan), la boussole stratégique doit bien y contribuer.

Comment a-t-elle été élaborée ?

La rédaction de la boussole stratégique a été initiée en juin 2020 lorsque les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept en ont attribué la charge au Service européen pour l’action extérieure (SEAE). Le service diplomatique, placé sous l’autorité du haut représentant Josep Borrell, a alors réalisé une nouvelle analyse des menaces de l’UE, achevée en novembre 2020. Le document, alors classé secret, a été écrit en collaboration étroite avec les services de renseignement des Etats membres.

Le SEAE a poursuivi ses échanges avec les pays de l’UE pour construire la première version complète de la boussole stratégique, qui comportait les résultats de l’analyse des menaces de novembre 2020. Par ce travail en lien avec les Etats membres, le service diplomatique de l’UE s’est ainsi assuré du soutien de tous et a pu tenir compte des différentes sensibilités nationales en matière de sécurité et de défense.

Après la présentation de la première version de la boussole stratégique en novembre aux ministres des Affaires étrangères et de la Défense, les discussions se sont poursuivies entre Etats membres pour apporter leurs modifications. La version finale est ainsi la cinquième. Celle-ci a été adoptée par les chefs d’Etat et de gouvernement lors d’un Conseil européen à Bruxelles, le 25 mars.

Le contenu de cette boussole ne sera pas gravé dans le marbre : il pourra être mis à jour en fonction de l’évolution des menaces et des réponses à y apporter. Mais quelle que soit sa trajectoire, ce document vise à devenir une référence pour la sécurité et la défense de l’UE.

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1 commentaire

  • Avatar privé
    Grisard

    La boussole stratégique, c’est savoir avec qui , comment et dans quelle direction.
    Inutile de dire que l’immigration clandestine face au rétrécissement économique met en danger les populations autochtones .
    La déportation n’est pas une solution ni le covid19