“Œil pour œil, dent pour dent, la Chine applique la loi du talion” , résume Stéphane Lagarde, correspondant de RFI à Pékin. Lundi 22 mars, une passe d’armes diplomatique s’est en effet jouée entre la Chine et les autres grandes puissances mondiales autour de la condition de la minorité musulmane ouïghoure, persécutée par le pouvoir chinois.
A la suite de la décision de l’Union européenne d’inscrire “quatre dirigeants et une entité de la région chinoise du Xinjiang sur la liste des sanctions pour des violations des droits de l’homme” [France info], le régime communiste a pris des mesures de rétorsion à l’encontre de dix personnalités européennes. Parmi elles figurent notamment deux eurodéputés, le Français Raphaël Glucksmann, vice-président de la sous-commission des droits de l’homme au Parlement européen, et l’Allemand Reinhard Bütikofer, président de la délégation pour les relations avec la Chine, ou encore le chercheur allemand Adrian Zenz.
Une première depuis 32 ans
Ces derniers sont accusés de “graves atteintes à la souveraineté et aux intérêts chinois, ainsi que de répandre des mensonges et des fausses informations malveillantes” , rapporte France 24. Raphaël Glucksmann est “engagé dans la défense” [L’Obs] de cette minorité musulmane de la province du Xinjiang, tandis qu’Adrian Zenz a pour sa part produit des “rapports sur le sort des Ouïghours” [Le Monde]. “Des accusations toujours réfutées” en bloc par la Chine, ajoute Reuters. Pékin affirme en effet que les camps de travail dans lesquels une partie de la minorité est internée “permettent de fournir une formation professionnelle aux populations locales et de lutter contre l’extrémisme” [Le Monde]. Avec ces sanctions, les eurodéputés et le chercheur “deviennent, comme leur famille, interdits de séjour en Chine, à Hongkong et Macao” , poursuit Libération. RFI précise également qu’ils “ne pourront plus faire d’affaires avec la Chine” .
Pour mieux comprendre la portée politique de cette séquence, Anne Rovan rappelle dans Le Figaro que “les dernières sanctions de l’UE contre Pékin remontaient à l’embargo sur les armes mis en œuvre après les événements de Tiananmen [de 1989]” . La décision prise lundi par les ministres des Affaires étrangères européens de réagir face au sort réservé aux Ouïghours est donc la première de cette ampleur depuis “plus de trente ans” , insiste la journaliste. Concrètement, elle consiste à geler les avoirs de quatre responsables chinois et à les interdire de séjour sur le territoire de l’Union. “Zhu Hailun, considéré comme ‘l’architecte’ du programme d’internement [de la minorité ouïghoure]” fait partie des personnalités visées, indique Courrier international.
Action occidentale coordonnée
En prenant cette décision, l’UE “a franchi le Rubicon” et doit désormais s’attendre à “d’éventuelles répercussions politiques et économiques” , analyse The Guardian. “Faut-il voir dans ces sanctions inédites un tournant ou un ‘simple’ refroidissement dans les relations entre la Chine et l’UE trois mois seulement après l’accord trouvé sur les investissements, dont la finalisation semblait déjà bien fragile ?” , s’interroge notamment Le Figaro.
L’UE n’est en tout cas pas la seule à s’exposer puisque les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Canada ont également annoncé des mesures à l’encontre de Pékin lundi 22 mars. “Les Etats-Unis ont pris des sanctions contre deux hauts responsables chinois pour avoir sérieusement enfreint les droits de l’homme” , fait savoir CNN. Reuters avance pour sa part que cette “action occidentale coordonnée face à Pékin […] est le fruit de la nouvelle volonté de confrontation diplomatique coordonnée affichée par l’administration Biden” . Celle-ci constitue en tout cas “une première en matière de diplomatie internationale” , complète Jean-Jacques Héry, journaliste chez Europe 1.
Après cette offensive, l’UE est donc la première à subir une réplique de la Chine. Le média chinois Global Times ironise par ailleurs sur le poids de l’action européenne : “Si Pékin n’a pas peur de Washington, ne parlons pas de Bruxelles qui est beaucoup plus faible” . De leur côté, les responsables diplomatiques de l’UE ont fustigé l’attitude chinoise. Pour le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, les sanctions chinoises, qu’il qualifie de “regrettables” et d’ “inacceptables” , “ne changeront rien à la détermination de l’UE à défendre les droits humains” , cite Le Monde.
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